N°120 – Le tapa dans tous ses états !
Service de l’artisanat traditionnel (ART) – Pu Ohipa Rima’i `
Rencontre avec Norma Kamia Ropati, artisane de Fatu Hiva. Texte et photos : SF
Norma Kamia Ropati vit à Omoa à Fatu Hiva, aux Marquises. Cette artisane aux doigts de fée est l’une des premières à avoir créé des produits en tapa autrement que décoratifs. Rencontre.
Des portefeuilles et des portes passeports étalés sur la table, des sacs pendus aux stands, des éventails posés dans des portes objets accrochés aux murs… Norma a de l’idée dans l’esprit. Cette artisane, qui vit à Omoa à Fatu Hiva aux Marquises, aime travailler le tapa et par-dessus tout le rendre accessible au public. « Je ne voulais pas que ce soit juste un objet de décoration mais qu’il devienne un objet du quotidien, que l’on peut porter tous les jours et pas seulement regarder. Et puis c’est aussi une manière de montrer l’objet et le tapa à la vue de tous ! ». Norma, bercée toute son enfance par le son des battoirs à tapa, a bien compris la valeur d’une telle matière. Il serait dommage de garder une telle beauté pour soi. L’artisane, aujourd’hui âgée de 58 ans, a commencé comme un certain nombre de Marquisiennes, lorsqu’elle était jeune. Sa mère adoptive pratiquait le tapa. Elle l’a beaucoup observée puis s’est fait la main seule. A l’époque, le tapa n’avait pas autant de visibilité qu’aujourd’hui. Dans les années 1970-1980, les touristes aux Marquises étaient rares. Les navires de croisière comme le Aranui n’existaient pas encore. Les seuls acheteurs potentiels de tapa étaient les militaires ou les fonctionnaires en mission dans ces îles. Autant dire que le tapa se vendait peu, il n’était pas rentable par rapport à la charge de travail représentée. Ce n’est qu’avec l’arrivée des croisiéristes et des rotations de navires que le tapa est devenu plus célèbre. « Il a donc fallu innover pour rester dans le marché ! C’est aussi important pour que le tapa continue de vivre », confie Norma, qui sait que ces pièces sont recherchées car justement elles demandent un travail exigeant, minutieux et souvent long.
Un travail minutieux
Avant tout, il faut choisir la couleur de son tapa. Chaque couleur est issue d’une écorce d’arbre : le beige pour le uru, le marron pour le banian, le blanc pour le mûrier à papier. Pour la couleur jaune, il faut utiliser le caoutchouc. « La première chose est d’aller chercher la fibre chez moi ou au fond de la vallée ». Ensuite, il faut enlever la peau et l’écorce avant de commencer à battre l’écorce pour la rendre plus fine et l’élargir. L’étape 4 consiste à la rincer à l’eau afin de la nettoyer puis la faire sécher comme du linge. « Si le lendemain, il fait beau, tu peux alors faire la colle avec l’amidon. Il faut faire bouillir de l’eau pour que l’amidon colle », souligne l’artisane, aujourd’hui rôdée dans la pratique. Une fois le tapa collé, et les morceaux de colle superflus enlevés, il faut de nouveau l’élargir pour en faire de différentes tailles. Norma a déjà en tête quel type de produit elle veut confectionner : un portefeuille, un porte passeport, un éventail… Pour y arriver, la tâche est encore fastidieuse. Travailler le tapa demande une certaine agilité mais aussi de la patience. « Une fois élargi, je le pose sur du contreplaqué et j’appuie dessus avec un rouleau. C’est une manière de le rendre plus lisse », poursuit l’artisane qui devra le faire sécher et patienter un ou plusieurs jours selon le temps et le tapa avant d’ajouter les motifs de son archipel puis de coudre le tout pour en faire un objet. Lorsque Norma créée ses œuvres, elle y met tout son cœur et sa passion, elle y met une partie d’elle et de sa culture qu’elle partage ensuite avec son client. Ce qui rend unique chacune de ses pièces que le public peut découvrir lors des salons des Marquises…