N°120 – Des costumes magistraux
Centre des Métiers d’Art (CMA) – Pu ha’api’ira’a toro’a rima’i 
Rencontre avec Viri Taimana, directeur du Centre des Métiers d’Art et artiste. Texte : SF
Les costumes des prêtres et des rois ont fait sensation lors des spectacles de la troupe Temaeva au marae Arahurahu, à Paea. Son auteur et artiste, Viri Taimana, raconte ses créations.
Coco Hotahota ne s’est pas trompé en choisissant Viri Taimana. Le chef de la troupe Temaeva, connu pour son talent mais aussi son exigence, a fait appel au directeur du Centre des Métiers d’Art, qui est d’abord un artiste reconnu, pour confectionner les costumes des rois et des prêtres de son spectacle au marae Arahurahu à Paea, lors des festivités de juillet. La troupe Temaeva a choisi le thème de Te Hau Pahu Nui pour raconter l’alliance des chefferies de Tahiti, Moorea et Maia’o. Chaque île est identifiée selon sa couleur : Tahiti en rouge et blanc, Moorea en jaune et blanc, Maia’o en noir et blanc. Des couleurs que l’on retrouve bien-sûr sur les costumes confectionnés avec soin par Viri Taimana. L’artiste s’est inspiré des parures conservées précieusement au British Museum à Londres, qui a récupéré les trésors du capitaine James Cook, de la London Missionnary ou encore du naturaliste britannique Joseph Banks. « J’ai souhaité me rapprocher au plus près des habits de nos ancêtres. J’ai observé avec attention la publication du musée de Londres qui a démonté et remonté les costumes. Cela m’a permis de savoir comment ils étaient faits », explique Viri Taimana, qui a réalisé un véritable travail d’orfèvre.
Des pièces précieuses
L’artiste s’est d’abord attelé à la confection des habits et de la coiffe des prêtres. Il s’est donc appuyé sur le costume de deuilleur du British Museum, datant de la période du contact avec les Européens. Cette coiffe assez peu visible car recouverte de tissus, est faite de plumes noires de coq, de pandanus, de tapa et de tresses de cheveux enroulés au tapa. Pour l’habit, Viri Taimana a fait faire un poncho recouvert de tapa de différentes fibres et donc différentes couleurs : le aute, le mûrier à papier, le banian et le uru. « Les couleurs sont importantes car cela permet d’apporter du contraste, souligne l’artiste, J’ai fait appel à une artisane de Nuku Hiva aux Marquises pour le tapa. Le travail était long car le grand tapa fait 3 mètres de long pour 2,20 mètres de large. Il fallait faire aussi de petits morceaux de tapa qui font 60 cm sur 90 cm pour recouvrir le poncho ». Au total, il a fallu trois couches de tapa, chacun d’une couleur différente. Viri Taimana y a ajouté quelques éléments supplémentaires comme de petits morceaux de noix de coco découpées ou encore des plumes de coqs jaunes et marrons. « Il y a au total 200 petites pièces de coco gravées, ce sont les élèves du Centre qui les ont découpées mais elles étaient déjà gravées. Ces ponchos avec les morceaux de coco étaient portés par les prêtres uniquement lors de cérémonies importantes ».
Habits d’époque
Viri Taimana est aussi l’auteur des costumes des trois rois du spectacle de Temaeva. L’habit est différent de celui du prêtre, tout comme la coiffe qui relève d’un travail minutieux. Il s’agit d’une coiffe de guerre dont une partie est faite en rotin. « Je l’ai conçue sur une motrice qui permet de donner la forme, ensuite j’ai posé l’ensemble sur un support », explique l’artiste qui a ajouté à la coiffe du tapa et des plumes. Des plumes, il en a fallu aussi beaucoup pour le plastron du roi, appelé le taumi en reo tahiti. « Lorsque j’ai fait le costume, on était en pleine période de préparation du Heiva, il n’y avait donc plus de plumes de coq à Tahiti. J’ai dû en faire venir de Hawaï. » Viri Taimana s’est rapproché au plus près de l’habit d’époque fait de nacre, de fibres de coco, de plumes de coq et de poils de chiens. Seuls ces derniers n’ont pas été reportés sur le taumi confectionné par l’artiste. Quoiqu’il en soit, ces costumes de prêtres et de rois ont rencontré un vif succès lors des prestations du groupe Temaeva au marae, dans lequel Viri Taimana a majestueusement interprété un prêtre. Aujourd’hui, ces parures sont précieusement conservées au Centre des Métiers d’Art.
