N°119 – Heiva i Tahiti 2017 : la transmission a été récompensée
Maison de la Culture (TFTN) – Te Fare Tauhiti Nui
Rencontre avec Lawrence Timi Turi-Matautau, chef de groupe de chant Te pape ora no Papofai, John Mairai, chef du groupe Nuna’a e Hau et Makau Foster et Kohai, de Tamariki Poerani. Texte : ASF
D’un côté une jeunesse « affamée » de savoir pour reprendre les mots de Makau Foster. De l’autre, des chefs de groupe conscients de leur rôle de porteur de patrimoine. Cette année, le Heiva i Tahiti a récompensé la rencontre entre les générations et la transmission des savoirs.
Les tribunes de To’ata se sont vidées, le Heiva i Tahiti 2017 est à présent terminé. Cette année, il semble que le jury ait choisi de récompenser la transmission des savoirs et la volonté d’impliquer les plus jeunes dans la culture polynésienne et de les préparer à reprendre un jour le flambeau. Nuna’a e Hau, 1er prix Hura ava tau Gilles Hollande (amateur) et le groupe Taramaki Poerani, 1er prix Hura tau Madeleine Moua (professionnel), illustrent parfaitement cela.
Belle surprise
Le premier est un groupe novice, et sans doute la plus belle surprise de ce Heiva, puisqu’il a été créé cette année à la demande du maire de Faa’a, Oscar Temaru, afin de fédérer les jeunes de sa commune autour d’un projet culturel. Menée d’une main de maître par John Mairai, la troupe a su insuffler sur la scène de To’ata une véritable fougue mais aussi beaucoup de poésie, de rythme et de sonorités malgré des textes longs et une thématique assez dure. « C’est peut-être là que nous avons fait la différence, souligne John Mairai, avec la profondeur de notre thème. Il a fallu trouver les mots pour raconter cette notion de peuple et nation à travers l’histoire du poisson ». Le chef de groupe le reconnaît, le texte n’a pas été facile pour les danseurs : « Ils ont d’abord tenu parce que le chorégraphe Hiro Tematahotoa et l’orchestre ont réussi à proposer quelque chose de très entraînant. Pour le texte, cela a été plus difficile à s’approprier, mais au bout de trois mois d’entraînement, de conférences, d’histoires et de légendes racontées, ils ont réussi à saisir toutes les facettes du texte deux mois avant la compétition. »
Six titres pour Nuna’a e Hau
Pour le jeune groupe, ce 1er prix en Hura Ava Tau n’a pas été la seule récompense puisque Nuna’a e Hau a également remporté le prix du Meilleur auteur (John Mairai), le prix du Meilleur ‘orero (Heia Parau) celui du Meilleur aparima, le troisième prix du Meilleur danseur et le deuxième prix de la Meilleure danseuse. Un palmarès prestigieux et inespéré pour cette première participation qui fait de Nuna’a e Hau le groupe le plus récompensé de cette édition et lui offre un ticket d’entrée chez les professionnels. Une occasion de plus pour la troupe de scander son cri de ralliement : « U u e ! », que l’on pourrait traduire par « oui, oui, c’est vrai ».
Tamariki Poerani : transmettre un patrimoine
Si Tamariki Poerani est bien ancré dans l’histoire des groupes de danse, cette année revêt tout de même une couleur particulière puisque Makau Foster, son emblématique chef de groupe, a décidé de passer la main aux plus jeunes. En 2014, elle pensait faire ses adieux, mais, pour elle, la transmission n’était pas terminée. Il lui aura fallu trois ans pour se préparer à ce départ et surtout pour partager tout son savoir et son patrimoine. Aujourd’hui, ce prix est une ultime récompense pour l’immense artiste qui, avec modestie, salue la jeunesse qui l’entoure. Avec le thème Tematakaureka, elle nous parle d’une lignée de femmes hors du commun, de celles qui ont dédié et dédient leur vie à l’éducation de la jeunesse, à l’enseignement des valeurs et à la transmission des savoirs. Forcément un thème qui fait écho au travail de Makau et à sa fille Kohai, prête à reprendre le flambeau.
Interview 1
Makau Foster, chef du groupe Tamariki Poerani
« Il faut qu’ils soient fiers de leur connaissance »
Makau, vous finissez votre carrière de chef de groupe en remportant le Heiva, cela doit être beaucoup d’émotion ?
Oui beaucoup, cela fait trois ans que je me prépare à mon départ, aujourd’hui je suis décidée mais le cheminement a été compliqué lorsque, comme moi, on vit la danse dans tout son corps, dans tout son être.
Avez-vous le sentiment d’avoir transmis tout votre savoir ?
Oui je pense que la transmission a été faite, même si je pourrais encore les conseiller. Pour ce spectacle, je pense que les jeunes ont compris beaucoup de choses. De nombreux Polynésiens ne parlent pas le tahitien dans les nouvelles générations, et c’est pourquoi c’est important de leur expliquer que chaque mot à une signification. Il faut qu’ils soient fiers de leur connaissance.
Quel conseil donneriez-vous aux chefs de groupe qui voudraient gagner le prochain Heiva ?
Pour avoir été dans le jury, j’ai envie de dire qu’il est très important de connaître parfaitement le règlement. Il faut être dans le cadre imposé, c’est primordial pour marquer des points.
Interview 2
Kohai, la fille de Makau Foster
« Notre génération a une autre vision de la culture »
Une victoire pour le dernier Heiva auquel participe votre maman cela doit être une grande émotion, d’autant qu’elle a décidé de vous passer le flambeau ?
Oui c’est une grande émotion. Maman sera toujours là pour nous donner quelques conseils et pour nous soutenir, mais à présent la responsabilité du groupe repose sur nos épaules. Nous avons formé une petite équipe qui est très soudée et nous avons conscience que nous devons prendre aujourd’hui les rênes.
Une nouvelle ère commence pour Tamariki Poerani ?
Notre génération a une autre vision de la culture et de comment nous voulons la vivre. Le groupe va forcément évoluer, sans pour autant écarter la tradition. Nous allons utiliser tout ce qui nous a été transmis et y apporter notre regard. Je pense que le spectacle que nous avons présenté cette année au Heiva est une bonne transition. Nous avons travaillé en collaboration avec maman et nous avons mélangé notre vision de la culture avec la sienne. Nous allons continuer dans cette perspective.
Qu’est-ce que votre mère vous a transmis de façon très forte ?
Ma culture tout simplement. Elle m’a apporté un immense savoir pour pouvoir vivre ma culture.
Te pape ora no papofai : « seul le travail paye »
Lawrence Timi Turi-Matautau, chef de groupe de chant Te pape ora no Papofai, peut être fier. Pour la troisième année consécutive son groupe termine sur un podium. Pour cette édition, Te pape ora no Papofai a raflé le 1er prix Tarava Raromatai, le 2e prix Himene Ruau, le prix du meilleur auteur et celui du meilleur compositeur. « Pour nous ces récompenses viennent concrétiser tous les efforts du groupe. Nous avons deux à trois répétitions par semaine avec à chaque fois trois ou quatre heures de travail intense. Il n’y a pas de secret, seul le travail paye. »
Ville de l’espoir
Les membres de Te pape ora no papofai sont tous membres d’une paroisse et en cela ont l’habitude des chants traditionnels. Avec beaucoup de précision et de connaissances sur les différentes voix (neuf au total), le groupe de chant a développé le thème de la Ville de l’espoir avec la création de Pape’ete.
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