N°117 – Lettres de Pomare IV, une intimité dévoilée

 

Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel (SPAA) – Te piha faufa’a tupunaLE SAVIEZ-VOUS - Notices (SPAA) : PomareIV © SPAA1

 

Rencontre avec Michel Bailleul, docteur en histoire et intervenant au sein du Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel

 

 

Depuis octobre dernier, le Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel met à disposition du public sur son site internet toute une série d’études épistolaires et bibliographiques concernant des livres et documents rares du fonds archivistique conservé. Ce mois-ci, le Hiro’a vous présente les lettres de Pomare IV. Texte : SF.

Des trésors encore jamais révélés au public, des livres et documents rares précieusement conservés. Depuis le mois d’octobre, le Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel met en lumière des pépites du patrimoine polynésien, parmi les mille et une archives du service : chaque semaine, une étude est publiée sur le site www.archives.pf dans la rubrique « Livres rares et documents inédits aux archives de la Polynésie » et sur la page Facebook du service. Chacune d’entre elles est référencée et classée, mais aussi mise en valeur par une description détaillée du document, de son contexte historique et de son auteur. Parmi ces trésors, on retrouve deux lettres de la reine Pomare IV. Deux lettres adressées au Commissaire-Commandant de la République et datant du 11 décembre 1873. La reine faisait écrire ses lettres par son écrivain, Pomare y apposait simplement sa signature. L’une est écrite en reo tahiti, la seconde est sa traduction en français. Dans les deux cas, il est question de l’achèvement du palais de la Reine.

Un appel à l’aide

Ces documents sont dévoilés au public pour la première fois.
« Les écrits portant la signature de la Reine sont nombreux mais ils sont archivés à Aix-en-Provence. Les Polynésiens doivent savoir que le Service des Archives en détient cependant quelques-uns », souligne Michel Bailleul, docteur en histoire et en charge de la rédaction de ces étu des épistolaires et bibliographiques. Cet ancien enseignant à la retraite propose son expertise depuis 1993 au service. Pour comprendre ces lettres, le spécialiste s’est replongé dans le contexte de l’époque. La Reine Pomare semble plus ou moins proche du Commissaire puisqu’elle s’adresse à lui en l’appelant « cher ami ». Ce dernier lui avait d’ailleurs montré une certaine sympathie après qu’elle lui ait rappelé son mal. Les années 1872 et 1873 sont difficiles pour la Reine, endeuillée par trois décès : sa petite-fille, sa fille (Reine de Bora-Bora) et son mari. « Je suis veuve. Je vous prie donc de venir à mon aide », écrit-elle au Commandant. A l’époque, la Reine est aussi malmenée par ses enfants à Papeete, qui gaspillent ses revenus au jeu, en boissons et en fêtes. Pomare a besoin d’aide, elle veut finir la construction de son palais, commencée en 1859 et financée par elle-même.

 

La Reine prend les devants

 

Les travaux s’effectuent très lentement. En 1864, une subvention annuelle est accordée pour les faire avancer mais un an plus tard on s’aperçoit qu’elle est détournée de son objectif et sert à payer les « frais de fonctionnement » de la « maison de la Reine ». La subvention cesse donc en 1868. Si la maison est dotée de murs et d’un toit, tout l’aménagement intérieur reste à faire. « On ne pouvait que « camper » à l’intérieur. Et puis, faute d’entretien, tout ce qui était réalisé se détériorait assez rapidement », souligne Michel Bailleul. La Reine décida donc à la fin de 1873 de reprendre les travaux. C’est le thème de la première lettre : « Je suis dans l’intention de m’occuper moi-même de ce travail ». N’ayant pas d’économies, et ne recevant plus de subvention de la part de la France, celle qu’on appelait aussi Pomare la Grande cherche un nouveau financement. C’est le thème de la deuxième lettre.

 

Une collecte d’impôts

 

De son vrai nom Aimata, la Reine trouve un moyen de récolter de l’argent. « Elle veut faire payer un impôt en argent ou en nature à ses sujets, ainsi qu’à tous les Océaniens et les Chinois. Elle va d’ailleurs réunir tous les chefs de Tahiti et de Moorea pour avoir leur accord. Ce qu’elle va obtenir », explique le spécialiste en histoire. Mais cette décision ayant été prise en l’absence du Commissaire de la République, Pomare IV ne peut pas l’insérer dans le Messager de Tahiti (Journal Officiel). Pour que cela se fasse, il faut les deux signatures. Dans sa lettre, la Reine demande donc à ce dernier d’accéder à sa demande. Ce que le Commandant Girard fera. On peut lire dans le Messager de Tahiti du 30 janvier 1874 : « Tous les districts des îles composant les États du Protectorat contribueront à la dépense que doit occasionner l’achèvement du palais de la Reine à Papeete ». Deux mois plus tard, on peut lire, toujours dans le Messager, qu’une avance remboursable est consentie afin que les travaux puissent commencer avant que la collecte de l’impôt soit réalisée. Ironie du sort, la Reine ne verra jamais son palais : elle mourra en 1877, alors que son palais sera achevé seulement en 1883. C’est d’ailleurs le sujet d’une autre étude…

 

Retrouvez…

 

Toutes les études sur le site du SPAA : www.archives.pf. Et sur la page Facebook « Service du Patrimoine Archivistique Audiovisuel »

 

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