N°113 – De nouveaux objets entrent dans les collections du Musée

 

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Rencontre avec Tara Hiquily, chargé des collections au Musée de Tahiti et des Îles, et Théano Jaillet, ancienne directrice de l’établissement.

 

L’institution polynésienne dédiée aux trésors de l’histoire et de la culture polynésiennes accueille dans ses collections deux nouveaux objets anciens : un tapa et un collier de chamane du 19èmesiècle. Des pièces rares que le public pourra très bientôt découvrir…

 

Un tapa pas comme les autres

 

Le tapa des îles de la Société, proposé au Musée par la galerie Ganesha (Papeete), se trouvait jusqu’à présent à New York, dans une collection privée. En écorce de mûrier à papier, il appartient aux tapa à impression de motifs de fougères imprégnées de teinture végétale réalisés aux îles de la Société à partir de la fin du 18ème siècle. « Selon Simon Kooijman*, ce type de tapa fabriqué à partir de l’époque des échanges avec les marins des bateaux de négoces et les Tahitiens, est inspiré des calicots imprimés en Inde destinés au marché anglais, explique Tara Hiquily, chargé des collections au Musée. D’après ses dimensions (193X157,5 cm), il est probable que ce morceau d’étoffe soit un ahu fara, c’est-à-dire un vêtement porté pour se couvrir les épaules ». Une acquisition de première importance, étant donné sa qualité, son ancienneté et sa rareté ! « Cette pièce contribue à enrichir considérablement la collection de tapa du Pays, qui ne comporte aujourd’hui qu’un seul grand tapa décoré de Tahiti, le fameux tiputa de la collection Hooper », précise Théano Jaillet, l’ancienne directrice du Musée.

 

L’étonnant collier de chamane** 

Acquis auprès de la galerie Flak, à Paris, ce collier chamanique d’origine Tlingit (région frontalière entre la Colombie Britannique et l’Alaska) est constitué d’éléments provenant principalement d‘autres cultures, et notamment… marquisienne ! Des objets qui étaient censés rehausser le statut et le prestige du porteur de ce collier. Il est constitué de plusieurs éléments de nature très différente : une traverse en os perforée figurant des motifs triangulaires rappelant la forme de queues de baleine, quatre griffes d’aigle teintées en rouge à l’aide de vermillon, quatre perles de verre polychromes provenant probablement de Venise ou du moins d’Europe, une figure de phoque en ivoire sculptée d’origine Inupiaq (au nord du détroit de Béring en Alaska) à laquelle est fixée une perle de couleur verte issue du commerce avec les marchands d’origine européenne ou nord américaine. Au bas du collier est attaché le sabot d’un quadrupède, probablement d’un jeune caribou. Enfin, au centre du collier sur la droite est fixé un pendant d’oreille en ivoire marin sculpté provenant des Marquises. Ce pu taiana en ivoire, attaché ici la tête en bas, présente un tiki. Il est exceptionnel de trouver des tiki ou tout autre symbole polynésien sur un objet du Pacifique Nord ! « On peut donc imaginer que le chamane qui a assemblé ce collier a souhaité utiliser non seulement une sculpture venant d’une culture différente, mais également un objet chargé de mana », estime Tara Hiquily. Quant à l’explication de la présence d’un objet sacré polynésien sur un objet de Colombie Britannique, on peut supposer qu’il est arrivé sur la côte nord-ouest du Pacifique au gré des pérégrinations des baleiniers. On sait en effet que les baleiniers avaient coutume de recruter localement des harponneurs (aussi bien à Tahiti qu’aux Marquises que sur la côte nord-ouest) car ils avaient été témoins de leur adresse à la chasse ou à la pêche. Ce pu taiana a donc tout à fait pu être transporté par un Marquisien engagé sur un bateau. Il est la parfaite illustration des voyages et échanges dans le Pacifique au cours du 19ème siècle.

 

« Le Musée est très satisfait de cette acquisition par le Pays. Ces deux objets viennent utilement enrichir les collections déjà conservées au Musée et seront montrés dans la vitrine des nouvelles acquisitions avant d’intégrer définitivement le parcours d’exposition permanente », conclut l’ancienne directrice.

 

 

 

* Simon Kooijman, auteur de « Tapa in Polynesia » (1972)

** Source : Galerie Flak

 

 

 

 

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