N°112 – Eclairer le présent pour se projeter
Centre des Métiers d’Art – Pu ha’api’ira’a toro’a rima’i
Rencontre avec les artistes du Collectif ‘Orama Studio. Photos : D.Hazama.
Parution du livre d’art de l’exposition ‘Orama
Cosmopolite et locale, engagée et éclairée, l’exposition ‘Orama présentée entre juin et juillet derniers au Musée de Tahiti et des Îles a marqué les esprits. Réunissant les œuvres de neuf artistes, on pouvait y découvrir créativité et questionnements exprimés de manière inédite. Une exploration de l’art polynésien contemporain dans laquelle le public peut (re)plonger grâce à la parution d’un livre d’art consacré à l’exposition.
L’exposition ‘Orama a permis de réaffirmer avec force l’existence d’un art contemporain polynésien et la pratique d’artistes qui explorent le terrain de l’histoire, de la culture, des valeurs et du devenir de la société polynésienne, dont ils sont des observateurs attentifs et avisés. Viri Taimana, Alexander Lee, Tokainiua Devatine, Rangitea Wholer, Kahara Palmer, Hihirau Vaitoare, Are Raimbault, Karine Taimana, Flora Devatine : leur regard se tourne vers des thématiques actuelles des sociétés polynésiennes, les horizons de possibles qui s’ouvrent à nos sociétés, des états de prise de conscience du chemin parcouru et de celui qu’il reste à parcourir. Ces travaux ancrés dans la Polynésie trouvent un caractère universel et racontent l’expérience de vivre du point de vue de l’humanité du Pacifique. Moins que de dénoncer, ils proposent et livrent avec un esprit ouvert leur vision de la Polynésie d’aujourd’hui … Questionnement des origines, bouleversements de la vie quotidienne, modernisation de cette dernière, introduction à outrance de produits importés, autant d’interrogations posées par des créations hybrides.
Immortaliser la démarche
Pour accompagner et faire durer cet événement artistique de premier plan, le Collectif ‘Orama Studio a décidé d’éditer un livre d’art dans lequel figure une sélection documentée des œuvres et démarches de chaque artiste. L’objectif principal étant de montrer aux publics locaux, et notamment aux étudiants, un travail artistique de référence ayant un intérêt plastique et conceptuel. Le catalogue est en vente auprès du bureau du Collectif ‘Orama Studio et dans la boutique du Musée de Tahiti et des Îles. Il est également envoyé dans les Universités océaniennes.
Morceaux choisis !
Alexander LEE
Café, Pain, Beurre (Mahi Mahi) – 2016 - Nescafé, pain baguette, beurre salé, eau, colorants, congélateur.
« Lorsque j’allais passer les vacances chez mon oncle dans les îles, je me demandais pourquoi on mangeait toujours du café, pain, et beurre alors que les frigos étaient remplis de poissons. Ces poissons étaient destinés à être envoyés à Tahiti et vendus. Après le café, on allait pêcher sur le ponton. On jetait du pain pour appâter les hare hare. Et je me disais “si les poissons aussi mangent des baguettes, peut-être que je n’ai plus besoin de manger du poisson’’. »
Are RAIMBAULT
To ù Tere I Te Fenua Tapone – 2016. Installation Vidéo.
Il s’agit d’un carnet de voyage d’un artiste polynésien. Ce dernier porte un regard sur l’environnement, la culture et les habitants du Japon. Tournée d’abord à la façon “cinéma vérité”, l’œuvre expérimente un nouveau mode de narration à deux caméras filmant en simultané. L’approche ludique et documentaire finit par mélanger réalité et fiction au fil du montage et le spectateur se perd dans une réflexion aux accents poétiques…
Flora DEVATINE
Hu’ahu’a mohina ou Bris de verre – 2016. Galets, sable, et bris de verre.
« HU’A, HU’AHU’A,
Brisures, fractures, éclatements, par toutes les bouteilles jetées à la mer,
Et par les fragments de verre roulés rejetés sur le rivage, donnant à voir la société à travers eux !
HU’A, HU’AHU’A,
C’est-à-dire, nous, devenus, sous le choc de la modernité, des « éclats de verre du kaléidoscope social. » (Luis de Miranda)
Et chacun, d’être soumis à la question
de l’évolution non maîtrisée,
de la société de consommation,
de la gestion non maitrisable des résidus ! »
Karine TAIMANA
Ta’u tihota here iti. Mon petit sucre adoré – 2016. Couture sur papier millimétré, sucre, gouache, fils rouge et jaune.
Voici un visuel possible de l’effet des douceurs gustatives ou encore relationnelles, humaines sur la fréquence cardiaque. Aujourd’hui, beaucoup consomment trop de sucre, et ce dès le plus jeune âge, sans doute pour compenser un manque. L’excès comme l’absence de douceurs modifient le rythme cardiaque qui, du régulier, rythmé, passe à du serré, accéléré, puis devient espacé, distancé, découragé, pour finir aligné, vidé, terminé !
Kahara PALMER
Hymne à la nature – 2016. Installation vidéo.
Hymne à la nature I et II évoquent un cycle, un rythme, un flux et reflux continus auxquels la nature obéit, et qui à cause des exploitations abusives, est amenée à disparaître. Les extractions dans les rivières conduisent à l’intensité des effets de crues qui fragilisent les littoraux et amènent la disparition des plages et de l’écosystème.
Hihirau VAITOARE
Amene – 2016. Parafine, mèches, porte cierge.
S’agit-il d’une réactualisation de l’autodafé chrétien qui avait pris pour cible les « idoles païennes » polynésiennes ? Ou bien, de rendre hommage à ce patrimoine perdu, en brûlant des cierges, et par cet acte, maintenir allumée la flamme ?
Tokainiua DEVATINE
I’e i’e – 2016. Polylactide, 7 Impressions 3D.
Le battoir à tapa, I’e en tahitien ouvre sur I’ei’e « altier », « svelte », « élégant », « agile », tels qu’apparaissent les battoirs colorés fabriqués selon des procédés modernes utilisant des logiciels informatiques et du plastique.
Rangitea WOHLER
Le Continent Océanien – 2016. Impression sur papier.
« Pour les habitants de l’Océan Pacifique, l’espace maritime était pratiqué, traversé, vécu comme l’espace terrestre. C’est ainsi que les flux migratoires se sont déroulés depuis l’Asie, vers l’est progressivement. (…) Chez les Polynésiens, la mer était considérée comme le
« marae » suprême. Les eaux internationales n’auraient-elles pas dû alors être polynésiennes ? »
Viri TAIMANA
Pâ’aihere (Carangue Blue) – 2016. Acrylique sur toile non tendue.
En prenant comme prétexte à peindre un poisson dans la position « têtes vers le bas », c’est presque comme inscrire la capture de ce poisson. En réintroduisant la figuration dans sa pratique de la peinture, c’est une manière de représenter un monde aquatique qu’il connaît bien.
Catalogue de l’exposition ‘Orama
150 pages. Trilingue (français, anglais, tahitien)
En vente auprès des membres du Collectif ‘Orama Studio et dans la boutique du Musée de Tahiti et des Îles
+ d’infos : FB@oramastudiotahiti – [email protected]