N°112 – Au fil du tapa et de la soie
Service de l’Artisanat Traditionnel – Pu ‘ohipa rima’i
Rencontre avec Isabelle Arciero-Mahier, artiste, Sarah Vaki et Marie-Jo Tiaiho, créatrices de tapa.
Le partage entre artistes de divers horizons ainsi que la valorisation des arts traditionnels marquisiens sont les maitres-mots de la rencontre qui a eu lieu en décembre dernier au salon des Marquises. Le mariage a été à la hauteur de l’espérance…
Aux Marquises, les artisanes perpétuent l’art du tapa depuis des millénaires. Dans le monde entier, Isabelle Arciero-Mahier crée des œuvres uniques en cocon de vers à soie. Deux savoir-faire qui reposent sur des matériaux et des techniques très traditionnels. Deux matières pourtant aux antipodes, l’une végétale, l’autre animale, mais qui partagent une certaine connivence. « Les cocons de vers à soie et le tapa en mûrier se ressemblent, d’une part parce qu’ils partagent tous les deux le mûrier, et que la finesse du filage réalisé par l’animal est proche de celui produit par le battage des écorces pour le tapa ». C’est d’ailleurs de ce constat que ce projet d’échange artistique est né : à l’occasion de l’inauguration de l’exposition Matahoata, en juillet 2016 au musée du quai Branly, Isabelle Arciero-Mahier rencontre et découvre le travail de Sarah Vaki, experte ès tapa. La rencontre est aussi fortuite que forte. Ensemble, elles souhaitent imaginer des créations mélangeant les deux textiles, saisir cette opportunité pour unir leur savoir et leur créativité. Avec l’aide du Service de l’Artisanat Traditionnel, de la compagnie d’Air Tahiti Nui et des artisans Marquisiens, le projet devient réalité.
Une alliance naturelle
Durant 7 jours très intenses, Isabelle Arciero-Mahier a découvert l’art délicat du tapa avec 5 artisanes originaires de Fatu Hiva : Sarah Vaki, Marie-Jo Tiaiho, Henriette, Marilyn et Prisca.
Au-delà de l’œuvre à réaliser, elles ont profité de ces magnifiques moments de rencontre pour apprendre à se connaître et à tisser des liens. « Je suis très heureuse de cette expérience, avoue Isabelle Arciero-Mahier. J’ai beaucoup appris avec Sarah, Marie-Jo, Henriette, Marilyn et Prisca. Leur savoir-faire, leur ténacité et ce qui m’a le plus frappé, c’est l’esprit communautaire qui les unit. Leur travail est solidaire et c’est le ‘’faire ensemble’’ qui prime. De mon côté, j’ai pu leur faire découvrir la soie en version brute. Leur approche de cette matière a été très sensible et inspirée. Tout en conservant leur manière de faire, l’émulation était de parvenir à créer quelque chose d’inédit. Leurs gestes précis et leur savoir – qu’elles ont accepté de partager sans borne – ont pris une autre dimension avec ce nouveau matériau et une autre manière de voir l’art. Autant de valeurs fondamentales que je restituerai dans de prochaines œuvres, avec d’autres artistes ». « J’ai beaucoup apprécié cette aventure dans laquelle nous avons autant reçu que donné », lance dans un large sourire Marie-Jo Tiaiho. « Le modèle de cette tenue s’est dessiné au fur et à mesure, de manière tout à fait naturelle, explique Sarah Vaki. A travers le regard d’Isabelle, j’ai vu le tapa autrement, elle a revélé à nos yeux le côté précieux, luxueux du tapa. C’était un échange très stimulant ».
Encadré
La tenue
La tenue est composée d’un bandeau, d’une jupe, d’une coiffe, d’un collier, d’un bracelet et d’une bague, le tout réalisé avec des bandes de tapa provenant de quatre écorces – mûrier, caoutchouc, banian et uru – et de touches de cocons de vers à soie. La coiffe est en ‘uru, agrémentée d’une composition florale en tapa et en fibres. Au collier en ‘uru, mûrier et cocons de vers à soie sont associés 3 petits boutons, en os et nacre, finement sculptés par Joseph. Le bandeau, en ‘uru, est rehaussé par un délicat galon de mûrier faisant penser à de la dentelle. Le bracelet associe banian, mûrier et cocons de vers à soie. Un élégant drapé en caoutchouc est porté sur l’épaule, faisant penser au sari indien. La jupe, composée de bandes des quatre différents tapa, se termine avec une longue traine. Un ensemble hybride et expressif, souple et délicieux, qui met en valeur le champ d’expression artistique marquisien.