N°111 – Une étape importante pour les formations du Centre des Métiers d’Art
Centre des Métiers d’Art – Pu ha’api’ira’a toro’a rima’i
Rencontre avec Viri Taimana directeur du Centre des Métiers d’Art, et Tokainiua Devatine, professeur d’histoire et de civilisations polynésiennes.
Texte SF.
Entamé en 2014 et soutenu par le ministre du Travail, des solidarités et de la condition féminine, la ministre de l’Education et le Vice-rectorat, le projet de la Direction du Centre des Métiers d’Art de proposer un parcours de formation reconnu à l’échelle nationale va franchir très prochainement une étape importante.
A la rentrée 2017-2018, les nouveaux élèves pourront s’inscrire pour passer le CPMA, « Certificat Polynésien des Métiers d’Art », ou le BPMA, « Brevet Polynésien des Métiers d’Art ». Le premier est un diplôme de niveau V, soit l’équivalent d’un CAP. Il comprend un tronc commun et cinq options : gravure, sculpture, vannerie tapa et tatouage. « On ne pourra pas le faire tous les ans, on veut éviter de saturer le marché, notamment pour le tatouage. Nous travaillons avec la profession, tout se fait en accord eux », explique Tokainiua Devatine, enseignant en histoire et civilisations polynésiennes au Centre des Métiers d’Art. Le second diplôme, le BPMA, sera de niveau IV avec deux options : gravure et sculpture. Il sera accessible après l’obtention du CPMA. Etant l’équivalent d’un baccalauréat professionnel, le BPMA donne accès aux études supérieures à son titulaire. A l’instar du CPMA, ce diplôme comprend un enseignement général et professionnel. « On aurait souhaité proposer également le tatouage pour le BPMA, mais nous devons prendre le temps d’y penser, car il s’agit du premier diplôme du genre. Nous n’y renonçons pas pour autant, ni à aller plus loin ! », assure Tokainiua Devatine.
Egalité des chances
L’objectif de ces deux diplômes est de permettre, dans un premier temps, à toute une partie de la jeunesse du Pays ayant des qualités graphiques et artistiques indéniables, de pouvoir accéder à un parcours d’études cohérent et diplômant dans ce domaine d’activité jusqu’au niveau baccalauréat. Dans un second temps, l’objectif est de permettre, après un BPMA, la poursuite d’études de ces jeunes qui n’ont pas, localement, accès à des formations supérieures, notamment universitaires. Du point de vue de l’égalité des chances dans la vie, notamment par le biais de l’accès aux études supérieures, force est de constater que certaines catégories d’étudiants en Polynésie n’ont actuellement pas la possibilité de se former comme ils pourraient l’espérer. « Les métiers de la création, qu’elle soit artisanale ou artistique, sculpturale, architecturale, picturale, graphique, audio-visuelle, scénique, etc. représentent un potentiel économique pour l’heure envisagé comme négligeable par les décideurs politiques et économiques et de ce fait sous évaluée », estime Viri Taimana, directeur du Centre des Métiers d’Art. « Il s’agit de métiers à haut potentiel et à très forte valeur ajoutée dont les entreprises sont stables et pérennes ».
Une école d’art
« Nous avons commencé à discuter avec l’Université de la Polynésie française pour imaginer l’opportunité d’une filière d’étude, de compréhension et de développement de la création insulaire polynésienne comme le font chez eux les Maori, les Hawaiiens et les Fidjiens. L’aboutissement de ces discussions pourrait amener cette dernière à créer, si elle le souhaite, une formation diplômante en arts visuels polynésiens, une suite logique au parcours post BPMA. Il est envisagé pour le Centre des Métiers d’Art de mener une expérimentation l’année prochaine entre janvier et mai 2017, consistant en une exploration de la création insulaire à travers une exposition MANAVA 2 », explique Viri Taimana. « Nous négocions ce projet à l’heure actuelle avec l’Université parisienne Sorbonne/Panthéon, qui semble intéressée ». L’autre idée consiste à créer une extension du Centre des Métiers d’Art vers une école d’art dédiée à la création insulaire polynésienne pour les post BPMA. Le gouvernement de la Polynésie française a tout à gagner dans la création d’une école d’art et pourrait ainsi accroître le rayonnement des arts polynésiens au niveau international. Si rien n’est fait, on peut aussi imaginer que nos étudiants puissent poursuivre leurs études dans les départements d’art Maori ou Hawaiien ou encore Fidjien.
Une inscription sociale et professionnelle
« Etre titulaire d’un diplôme reconnu amène de la considération au niveau social mais pas forcément une inscription professionnelle, admet Viri Taimana. Une réorganisation du secteur de la culture devra être menée pour permettre une expression artistique de haut niveau dans des lieux dédiés à la création contemporaine. On peut imaginer un service du pays dédié à la promotion des arts polynésiens chargé du recensement, de la protection intellectuelle et sociale, de la diffusion des œuvres à travers le monde mais aussi de l’achat d’œuvres garantissant un fonds pour une lecture de l’évolution des pratiques artistiques de la Polynésie. Il faut aussi favoriser le marché local au travers d’une réglementation du type 1% artistique qui oblige à créer des œuvres par des appels d’offres pour des chantiers impliquant la dépense des deniers publics. Enfin, si réellement, la politique du développement touristique est une priorité pour notre pays, les réponses sont déjà inscrites dans notre culture ! »