N°111 – « Apporter de la beauté et de la poésie dans la vie »
Jonathan Mencarelli, sculpteur
Jonathan Mencarelli est sculpteur. Diplômé de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Montpellier, il poursuit aujourd’hui ses recherches dans son atelier et son environnement de Moorea. Sa production artistique s’inscrit au carrefour des époques et des cultures, avec une approche esthétique polynésienne moderne.
Peux-tu nous présenter ton parcours d’artiste ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours fait du dessin. Avant de commencer les études, je voulais être peintre. Après mon bac L option arts plastiques, j’ai pu aller en France suivre des études d’art, d’abord à l’Université de Montpellier, puis aux Beaux-Arts pendant 4 ans. C’est là que j’ai découvert la sculpture et ca a été une révélation. Je suis revenu à Tahiti où j’ai commencé à enseigner les arts plastiques dans les collèges, sans jamais cesser de sculpter. En 2008, j’ai pris la décision de cesser l’enseignement car je suis définitivement plus attiré par la créativité et la technique que par la pédagogie.
Est-ce que tu parviens à vivre de ton art ?
Les débuts ont été difficiles mais oui, aujourd’hui c’est mon art qui me fait vivre. Modestement, certes, mais je m’estime chanceux et heureux.
La sculpture : métier ou passion ?
C’est une passion devenue métier. Et la sculpture reste une passion. J’ai la chance de travailler selon mes propres envies et objectifs. Il m’arrive de répondre à des commandes, certaines sont libres, d’autres plus contraintes, mais c’est toujours un exercice intéressant. Je participe parfois à des expositions collectives, lorsque le sujet m’intéresse. Le principal de mon activité se trouve dans la préparation, chaque année, d’une exposition personnelle sur une thématique particulière, à l’intérieur de laquelle je navigue.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
L’histoire de l’art local et occidental. Ce qui influence notre vie quotidienne. Cette année, c’était le tatouage. Parmi les thèmes que j’ai abordé ces dernières années, il y a eu Bobby, les éléments, le tiki, le penu, le umete, le tapu… Des sujets inspirants et inspirés de l’histoire, que je revisite et interprète à ma manière.
Tu vas participer à une performance au Musée sur le thème du tiki : que vas-tu présenter ?
J’ai fait plusieurs propositions au Musée, toujours dans l’esprit d’un tissage culturel, temporel entre traditionnel et moderne. Le tiki que je vais réaliser – à partir d’une pierre brute d’environ 1,6 mètres – va s’inspirer de l’art du sculpteur Constantin Brancouli, un artiste du XXème siècle connu pour ses œuvres relativement dépouillées. J’aime croiser les époques et les formes, les manipuler pour sortir, j’espère, un objet nouveau.
Que représente le concept de tiki pour toi ?
Le tiki personnifie la culture polynésienne et reste un vecteur d’identité important. Autrefois, il avait un rôle et un sens profond. Aujourd’hui, je le considère sans sa dimension artistique et esthétique d’objet.
Comment conçoit-tu ton rôle d’artiste ?
Je ne sais pas si j’ai un rôle en tant qu’artiste et je ne saurais pas répondre au nom de tous les artistes. Ma démarche est d’essayer d’apporter de la beauté et de la poésie dans la vie. Certains artistes ont des profils très engagés, au niveau de la politique, de l’environnement, de la culture… Moi, j’essaye au contraire de m’en dégager afin de me concentrer sur l’ « art », sur le fond comme sur la forme. Cela ne m’empêche pas de pointer du doigt certains faits de société, mais toujours avec une approche esthétique.
Que penses-tu du statut de l’artiste qui vient d’être reconnu en Polynésie ?
Comme c’est récent, il faudra attendre quelque temps pour se rendre compte de son impact réel. Mais j’ai posé ma candidature ! Si cela peut nous aider d’une manière ou d’une autre, ce sera une vraie progression pour la société. Les artistes, contrairement à certaines idées reçues, n’ont pas un quotidien de dilettantes… C’est un véritable travail qui demande un investissement à tous les niveaux. La concrétisation du statut pour les artistes peut amener une dynamique très bénéfique.
Quel est ton souhait pour l’art contemporain en Polynésie ?
Qu’il y ait un musée d’art contemporain ! Le projet de centre culturel a l’air en bonne voie. Je suis impatient de voir. L’art contemporain, en Polynésie comme partout ailleurs, a une place dans la société et pas uniquement dans les galeries d’art. Nous avons besoin d’un lieu d’échange et de partage en dehors du marché de l’art. Un endroit pour stimuler le regard du public, donner des clés de compréhension pour mieux appréhender l’art contemporain… C’est un travail de longue haleine.
Un message à faire passer ?
Les messages que je souhaite faire passer résident dans mes sculptures, à chacun de les deviner et de les interpréter…