N°109 – La peinture océanienne au féminin
Centre des Métiers d’Art – Pu ha’api’ira’a toro’a rima’i
Rencontre avec Viri Taimana, directeur du Centre des Métiers d’Art et Tokainiua Devatine, professeur de civilisations polynésienne.
Texte : LR.
Le Centre des Métiers d’Art, en partenariat avec la Délégation a la famille et à la condition féminine et en collaboration avec l’association SIAPO, organise une exposition sur les femmes peintres d’Océanie au mois d’octobre. L’idée est de questionner la pratique de la peinture de femmes océaniennes afin d’encourager des Polynésiennes, davantage qu’elles ne le font déjà, a s’en saisir pour raconter leurs histoires, leurs émotions, leur Pays.
Depuis quelques années déjà, l’idée trotte dans la tête du directeur du Centre des Métiers d’Art, Viri Taimana et de Tokainiua Devatine, professeur de civilisations polynésiennes : consacrer un événement dédié aux femmes peintres d’Océanie. Le souhait est de créer des rendez-vous échelonnés dans le temps mettant a l’honneur des femmes artistes peintres d’un pays océanien. L’intérêt du Centre pour ces artistes océaniennes part du constat que, comme dans de nombreux domaines, les œuvres artistiques sont majoritairement des productions d’hommes et véhiculent ainsi des visions masculines du monde. La volonté est de mettre en avant le regard que portent des femmes sur leur société et de le partager avec le public. Il s’agit également de faire évoluer la perception encore largement répandue de la peinture considérée comme une expression étrangère, Paul Gauguin en étant le personnage emblématique. Pour le Centre des Métiers d’Art, « l’idée est de requestionner notre rapport a la peinture en interrogeant la peinture en Océanie afin d’encourager davantage cette pratique », explique Tokainiua Devatine. Pour cette première édition, trois artistes peintres kanak sont invitées au Centre des Métiers d’Art pour une exposition consacrée aux femmes peintres d’Océanie : Micheline Néporon, Denise Tiavouane et Paula Boi Gony. Questionner les pratiques et les regards En janvier dernier, une rencontre du Putahi en Nouvelle-Zélande/Aotearoa va déclencher l’organisation de l’exposition : celle des deux hommes avec Ela Toomaga, la présidente du Siapo (Société Itinérante d’Artistes du Pacifique et d’Océanie). Elle leur parle de ces femmes kanak qui peignent depuis longtemps et exposent dans différents pays, jusqu’aux Etats-Unis et en Europe. Elles sont considérées comme des « grandes soeurs » pour les artistes néo-calédoniens. Venir a Tahiti ? Pourquoi pas… Ce sera une première. Sur les oeuvres de l’une les traits sont longs, épurés, presque naïfs, pour l’autre, les couleurs sont chaudes, venant de la terre, et enfin la troisième travaille avec des couleurs vives et peint des regards puissants. « Nous voulons amener nos élèves à découvrir ces artistes et a considérer la peinture comme une vraie profession », explique Viri Taimana. Pour le directeur, l’envie vient plus facilement avec des exemples sous les yeux. « Des salons d’artisanat avec des colliers de coquillages et du tressage, il y en toute l’année. Contrairement aux expositions de peintures des femmes d’Océanie », affirme-t-il. Cette exposition mettra en avant la sensibilité féminine. Il s’agira aussi d’interroger ces artistes sur ce qui les pousse à peindre. Lors de présentations journalières, les trois artistes kanak présenteront des travaux. Une table ronde sera également organisée afin de proposer un « regard croisé » sur le statut des femmes en Océanie et surtout sur celui des femmes peintres. « Aux Polynésiennes de raconter leur Polynésie, de révéler leur regard a travers la
peinture », souligne Tokainiua Devatine qui attend avec une certaine impatience de voir ce qui émergera de cette rencontre. L’espoir étant bien sur de susciter des envies et peut-être des vocations. Un nouveau territoire a explorer, une nouvelle forme d’art dont il faut s’emparer, c’est comme ça que les organisateurs de l’exposition voient les choses. « La conscience doit se révéler dans toute chose. Allons-y ! Nous n’avons rien a perdre. » Et avec toujours cette même idée : encourager la création et l’expression.
Encadré
Exposition « Femmes peintres d’Océanie » : Pratique
- Du 10 au 14 octobre
- Au Centre des Métiers d’Art
- Atelier de peinture avec les élèves du CMA du lundi au jeudi de 12h30 à 16h
- Table ronde autour de la pratique picturale et le statut de femme peintre en Océanie le lundi 10 octobre à partir de 16h30
- Présentation de travaux et discussion avec les artistes invitées du mardi au jeudi a partir de 16h30
- Vernissage de l’exposition le vendredi 14 octobre a 18h30
- Entrée libre
+ d’infos : www.cma.pf
encadré
Les trois artistes kanak invitées*
Micheline Néporon
Née à la tribu d’Unia, à Yaté, Micheline Néporon considère que l’art est un moyen d’émancipation pour les femmes kanak. Après une première exposition en 1985 à Nouméa, elle participe en 1990 à l’exposition « Ko I Névâ » à Nouméa, et ensuite au « Musée en Herbe » à la Halle Saint-Pierre, à Paris. Elle décide ensuite de se perfectionner à l’Ecole des Beaux arts de Bordeaux, puis de Marseille. Elle a également participé à diverses expositions en France, au Mali, en Australie, aux îles Cook et au Vanuatu ainsi qu’aux 1ère, 2ème et 3ème Biennales d’art contemporain de Nouméa et à la 2ème Triennale d’art contemporain Asie-Pacifique de Brisbane.
Denise Tiavouane
Originaire de la tribu de Saint-Gabriel, à Pouébo, Denise Tiavouane est perpétuellement, à travers son travail, à la recherche de ses racines culturelles. Elle considère que les artistes ont une responsabilité par rapport à la société. Dans son cas, il s’agit notamment de contribuer à transmettre l’identité kanak aux jeunes. Elle a exposé à titre individuel et participé à diverses expositions internationales et en Nouvelle-Calédonie. Denise Tiavouane était dernièrement, avec le soutien de l’ADCK et de la Commune de Païta, une des artistes de l’exposition collective « Paradise Now ? » qui s’est déroulée à New York.
Paula Boi Gony
Paula Boi Gony est née à Koumac. Elle a exposé à titre individuel et a participé à de nombreuses expositions collectives, tant en Nouvelle-Calédonie que dans le Pacifique, en Australie et à Bâle. Outre les diverses éditions de l’exposition « Ko I Névâ » à Nouméa, elle a également collaboré à la Biennale de Nouméa en 1994 et à la Triennale Asie Pacifique, à Brisbane en 1999. Elle travaille aussi en tant que graphiste et illustre des affiches, des livres… Dans ses œuvres, elle réinterprète sa compréhension des origines, des lois de la société kanak et de ses valeurs symboliques.
*Source : Siapo.