N°105 – Protéger les espèces végétales
Service de l’Artisanat Traditionnel – Pu ‘ohipa rima’i
Rencontre avec Christophe Brocherieux, chef de projet milieu terrestre à la Direction de l’environnement (DIREN) et Éric Clua, chargé de mission à la Délégation de l’État à la recherche et la technologie.
Texte : DB. Photos : DIREN.
Après les ressources marines*, place aux ressources terrestres ! Fibres, graines, fleurs, bois servent à la fabrication de nombreux objets d’art ou du quotidien. Certaines espèces sont protégées à l’échelle locale et/ ou à l’échelle internationale. Dans ce cas les objets doivent obtenir une autorisation pour sortir du Pays et une autre pour entrer dans un pays étranger. Aux artisans de renseigner leurs clients sur la règlementation en vigueur.
En Polynésie, les espèces végétales terrestres sont règlementées par les articles du code de l’environnement, né en 2003 et mis à jour en 2013. Ce code a remplacé la délibération de la nature de 1995. « Le code de l’environnement classe les espèces végétales sensibles en deux catégories : A et B », précise Christophe Brocherieux, chef de projet milieu terrestre à la Direction de l’environnement (DIREN). Dans la catégorie A se trouvent des plantes qu’il est interdit d’utiliser. Leurs graines, feuilles, racines, fleurs, semences, branches, fruits sont protégés. « Les artisans ne se servent quasiment pas des plantes de cette liste, constate Christophe Brocherieux. Elles n’ont pas d’intérêt pour eux, excepté peut- être trois variétés de santal ».
Le santal, un parcours exemplaire
Dans la catégorie B se trouvent deux varié- tés de santal différentes des trois variétés de la catégorie A : « santaluminsulare var. deckeri » et « santaluminsulare var. marchionense ». « Ces deux variétés peuvent être utilisées sous condition dans les parcelles de production. La mise en place d’une catégorie B traduit les résultats des efforts de conservation menés ces dernières années », reconnait Christophe Brocherieux.
Dans un article paru dans « Ethnopharma- cologia » en décembre 2010, Jean-François Butaud, l’auteur principal, consultant en foresterie et botanique polynésiennes, rappelle que « le santal en Polynésie est utilisé en tant que parfum ou cosmétique pour la fabrication de mono’i. Le mono’i au santal étant l’un des plus estimés, il per- met notamment la bonne cicatrisation du pito des nouveau-nés. Le santal sert également à parfumer les tapa ainsi que les colliers faits d’yeux d’ananas et de diverses plantes odorantes aux Marquises. Il est aussi employé dans la confection de tiki, de pique-cheveux, de colliers de copeaux, de bracelets et de boucles d’oreilles ».
Cette essence a été très convoitée aux Marquises et dans une moindre mesure aux îles Australes. Elle a été exploitée au début du 19ème siècle, entrainant une disparition du santal dans certaines îles et une diminution drastique dans les autres. Un projet de sauvegarde a été lancé dans les années 1990 qui a tenu toutes ses pro- messes, permettant aujourd’hui un prélèvement encadré.
Ici et ailleurs
En Polynésie, la règlementation dans le domaine de la protection des espèces est de la compétence du Pays (loi organique 2004). Tout objet qui est fabriqué locale- ment, dans le respect de cette réglementation, et qui reste en Polynésie, n’a donc rien à craindre. Ce qui n’est pas le cas des objets amenés à sortir. « En effet, indique Éric Clua, chargé de mission à la Délégation de l’État à la recherche et la technologie, il existe une convention sur le commerce international des espèces de faune et de ore sauvages menacées d’extinction (convention de Washington). La liste des espèces protégées n’est pas exacte- ment la même que la liste polynésienne ». Cela signifie que des artisans peuvent en toute légalité utiliser ici des espèces qui sont protégées partout ailleurs. C’est le cas des fougères arborescentes par exemple. « Cela se traduit, pour les personnes qui achètent des objets artisanaux à base de végétaux et qui veulent les faire voyager, par une demande d’autorisation. »
Concrètement, un touriste qui voudrait rapporter à Los Angeles un tableau, un collier ou toute autre composition faite à partir d’éléments de fougère arborescente doit se renseigner auprès de la Délégation de l’État à la recherche et la technologie puis, le cas échéant, demander une autorisation pour sortir l’objet du Pays. Il doit en parallèle faire une demande dans le pays qu’il rejoint pour obtenir une autorisation d’entrée. Sans quoi l’objet peut être saisi. « Une bonne semaine est nécessaire pour obtenir ces autorisations », précise Éric Clua.
Il faut savoir, en conclusion, que la réglementation n’est pas figée. Elle tient compte de l’évolution des espèces, des menaces, des projets de conservation et de leurs résultats. Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera peut-être pas demain. D’où l’intérêt de se renseigner régulièrement auprès de la Direction de l’environnement et de la Délégation de l’État à la recherche et la technologie.
ENCADRE
Prévenir la propagation des pestes
Il y a aujourd’hui 35 espèces considérées comme menaçantes pour la biodiversité de Polynésie française, comme le fameux miconia. Ces plantes, aujourd’hui appelées « pestes », ont été importées il y a plusieurs années pour décorer, pour servir à l’alimentation, à la construction, à la fabrication d’objets ou encore à la médecine traditionnelle. Malheureusement, au l du temps, elles ont pris l’espace des plantes endémiques et indigènes. En Polynésie, il existe près de 600 espèces qui ne sont pas encore envahissantes mais qui pourraient le devenir si certains leur trouvaient un soudain intérêt. Aussi, avant d’utiliser une plante importée, avant de la transporter ou de la planter, le bon réflexe est donc de contacter la Direction de l’environnement (DIREN) a n de savoir si elle est potentiellement envahissante.
Pratique
- Direction de l’environnement (DIREN) : www.environnement.pf – 40 47 66 66 (le guide des espèces protégées et règlementées en Polynésie française est en téléchargement gratuit sur ce site).
- Facebook : Direction de l’Environnement Polynésie Française
- Délégation de l’État à la recherche et la technologie : [email protected] – 40 46 89 73
*Dont la règlementation a été présentée dans la rubrique « Le saviez-vous » du Hiro’a n° 103 d’avril 2016.