N°105 – Heiva i Tahiti 2016 : « Les îles reviennent en force ! »
Martin Coeroli est le directeur par intérim de la Maison de la Culture, établissement chargé d’organiser le Heiva i Tahiti. Un évènement de grande ampleur qui mobilise des milliers d’artistes et de petites mains, mais également, en coulisses, une équipe logistique, technique et administrative qui s’investit tout autant.
Que représente le Heiva i Tahiti pour vous ?
C’est un événement incontournable de la célébration de la culture polynésienne, principalement tahitienne. Cette année, nous allons honorer 135 ans après sa naissance le plus ancien concours de chants et danses de la région qui a lieu aujourd’hui sur la scène de To’ata. Mais au sens culturel, le Heiva est un ensemble de manifestations qui met à l’honneur les arts tradi- tionnels avec le Heiva Rima’i, mais aussi les sports comme le va’a, les tu’aro ma’ohi ou la marche sur le feu, sans oublier le spectacle donné sur le marae Arahurahu par la troupe Tamariki Poerani cette année. Il y a aussi le Heiva des écoles de danse et de musique traditionnelle ainsi que le gala du Conservatoire. Le Heiva i Tahiti est un véritable festival de toutes les expressions culturelles polynésiennes.
Comment s’est mis en place le Heiva i Tahiti ? Quelle est son histoire ?
En 1881, au lendemain de l’annexion, l’Etat français a autorisé la tenue d’une manifestation traditionnelle pour les festivités du 14 juillet. C’était la première fois que les chants et les danses pouvaient à nouveau s’exprimer, dans le cadre de la fête nationale. Depuis, la manifestation est restée sur la même période et la saison s’y prête s’agissant d’un espace de spectacle en extérieur, car en période de saison sèche et fraiche, il y a moins de risques d’intempéries.
Comment s’annonce l’édition 2016 ?
Très riche ! 21 groupes de chants et 20 groupes de danses sont inscrits cette année. Il y aura 9 soirées de concours, la soirée de remise des prix, la soirée des lauréats et celle des 2ème et 3ème, soit 12 soirées au total à partir du 30 juin. Nous avons dû ajouter une semaine de concours en raison de cette affluence de participants, et attendons plus de 25 000 spectateurs.
Quel est le rôle de la Maison de la Culture dans cette manifestation ?
La Maison de la Culture produit les soirées du Heiva i Tahiti sur la place To’ata, avec une grosse logistique et plus de 70 per- sonnes mobilisées rien que pour l’organisation. La tenue des soirées demande beaucoup d’investissement de la part de nos agents. En amont, il y a un gros travail administratif avec notamment la répartition des subventions du Pays en faveur des groupes qui participent. L’établisse- ment gère la communication de l’événement localement et à destination des étrangers, et coordonne aussi la conférence de presse présentant l’ensemble des événements liés au Heiva.
Comment a évolué le ‘ori tahiti lors des Heiva i Tahiti ces dernières années ?
Je pense qu’il y a eu trois grandes périodes. L’aspect traditionnel du ‘ori tahiti a été incarné ces dernières décennies par Temaeva ou Heikura Nui, tandis que les groupes comme O Tahiti E et Tahiti Ora ont apporté un sou e moderne à la danse. Aujourd’hui, on voit un retour aux sources et un mélange de ces deux genres. C’est d’ailleurs la grande force et la grande richesse du ‘ori tahiti que de savoir préserver ses bases traditionnelles tout en évoluant selon les goûts et les époques. C’est à mon sens la preuve de la vivacité de notre culture.
Quelles réformes ont été ap- portées au concours de chants et danses ?
Le système de notation a été modi é l’an dernier pour sim- pli er la tâche du jury. En parallèle, l’importance accordée à la « véracité » des thèmes, leur expression au sens traditionnel, l’écriture et la signification des chorégraphies a été accentuée. Les pas de danse, la graphie et les autres aspects techniques sont toujours considérés mais on sent qu’il y a un vrai retour aux sources de la création, l’écriture étant souvent première.
Comment se compose le jury du Heiva ?
Il y a quatre membres spécialisés en danse, trois en chant, un en écriture et un en musique traditionnelle, soit 9 membres du jury. Ils assistent aux auditions, aux répé- titions générales et aux soirées, mais ont aussi à étudier les écritures et les thèmes de chaque groupe. C’est un gros travail en amont… Ce sont les groupes participants au Heiva i Tahiti qui proposent les noms puis votent pour la composition du jury. Il y a ensuite 51 prix à attribuer répartis dans les deux catégories phares de l’événement : celle du chant et celle de la danse.
Est-ce que le Heiva i Tahiti pourrait s’internationaliser ?
Ce n’est pas la volonté pour le moment car le Heiva reste avant tout un concours des- tiné aux Polynésiens. Il est possible d’intégrer des danseurs étrangers à condition de respecter un certain quota. La volonté est plutôt de stimuler la participation des îles et des districts et c’est ce qui est en train de se passer. L’année dernière, les mata’eina’a ont brillé et cette année, les îles reviennent en force ! Bora Bora, Raiatea, Huahine ou encore Rurutu seront là aux côtés des districts et des groupes de la ville.
Quelle pourrait être l’évolution de l’événement à court terme ?
Le Heiva i Tahiti est déjà très populaire et il y a très souvent des soirées à guichet fermé, c’est un évènement qui plaît. Pour l’instant, on s’en tient à cette organisation mais on pourrait développer la vidéo sur demande et exporter les spectacles du Heiva à l’international par exemple. Cela valoriserait l’événement et contribuerait à la promotion de notre culture.
Quel serait votre message aux artistes pour cette édition 2016 ?
Je souhaite remercier tous les groupes de chants et de danses pour leur participation car c’est un gros investissement moral, intellectuel, financier et physique que de concourir au Heiva. J’en ai déjà fait l’expérience et il y a beaucoup d’obstacles. C’est compliqué de trouver des lieux de répétition, des fonds, mais la passion est grande et leur permet de se tenir toujours là. Cela représente aussi de grands sacrifices au niveau familial. Je les remercie et les encourage car nous sommes ers de tous ces artistes qui défendent, préservent et font vivre la culture polynésienne.