N°103 – Tuia-marafea : pierre de Taputapuātea à Papetoai

SCPLe pavage basaltique en pierres naturelles non taillées entourant Tuia-marafea.

 

Texte et photos : SCP (synthèse des travaux de Joany Cadousteau, Matahi Chave, Tamara Maric, Edmée Hopuu et Martine Rattinassamy).

 

Dans le cadre du plan d’action relatif au développement de l’offre touristique et à son l’aménagement, le ministère de la Culture avait sélectionné dès 2014 des sites culturels situés dans les îles de Tahiti, de Moorea et de Bora-Bora, afin d’y réaliser divers aménagements destinés à les valoriser et à les dynamiser. C’est le cas de la pierre dressée dénommée Tuia-marafea, liée au marae Taputapuātea de Moorea, et qui est située à Papetoai. Le Service de la Culture et du Patrimoine nous propose de découvrir ce trésor discret qui est pourtant un précieux témoin du culte traditionnel.

 

Le site de Papetoai, également appelé Faatoai, est situé au nord-ouest de Moorea. Celui-ci regorge de vestiges culturels, souvent méconnus faute de mise en valeur. Archéologie et histoire se confondent dans ce paysage pittoresque où l’on trouve un marae Taputapuātea*, un temple protestant, et autant d’histoires et de légendes qui les entourent. S’agissant du marae Taputapuātea de Papetoai, site classé en 1952, il était dédié au dieu ‘Oro. Comme les marae Taputapuātea de Tautira et de Punaauia (autrefois nommé Atehuru), il a été érigé à partir d’une pierre provenant du grand marae de ‘Opoa – Ra’iatea. D’après Teuira Henry dans « Tahiti aux temps anciens », « les tahua investirent ce lieu et ce marae reçu le nom de Te-pua-tea consécutivement à l’union entre un grand chef de la famille Manea de Papeto’ai et une princesse d’Opoa qui apporta sa pierre du marae Taputapu-atea. Tous deux la nommèrent Tura-a-ma-rafea (ce qui signifie « agenouillement pierre de deux rencontres »). Celle-ci éleva ce marae social au rang de marae national, devenant dès lors le Taputapu-atea pour Mo’orea tout entier ». Cette pierre de fondation, objet de toutes les attentions du Pays à travers le ministère de la Culture et du Service de la Culture et du Patrimoine, marqua donc un nouveau départ pour ce marae et elle reste de nos jours sa seule trace visible hors sol.

 

Papetoai, foyer de diffusion du protestantisme au début du XIXème siècle

 

L’importance de ce lieu est capitale pour Moorea en ce qu’il représente une terre d’accueil pour les évangélistes de la London Missionary Society, arrivés à Tahiti le 5 mars 1797 à bord du Duff. Une période de conflits mais les missionnaires jouissent de la protection de Pomare I puis de Pomare II, qui sera le premier à se convertir en 1812. Le 25 juillet 1813, une école biblique voit le jour à Papetoai, l’inauguration du premier temple se fait par ailleurs le même jour. Une quarantaine de personnes assiste à l’office dont trente qui apposent leur signature au registre. Ces nouveaux membres sont qualifiés de « pure atua » (prieurs de Dieu). En 1815, le grand prêtre de Papetoai, Patii, décide après un prêche du révérend Nott d’abandonner son ancienne religion et de faire brûler tous les tii. Dès lors, la population mais aussi de nombreux tahua (prêtres traditionnels) délaissent peu à peu l’ancien culte au profit de la religion chrétienne. Au mois de juillet 1819, la communauté chrétienne de Papetoai est fondée et compte 22 membres. En 1821, elle compte 100 adhérents et six diacres dont l’ancien tahua Patii. Au mois de février 1822, on commence à ériger sur le marae Taputapuatea le premier temple de forme octogonale et en pierre du Pacifique sud. Il est inauguré en 1827. En 1889, le bâtiment est restauré par les fidèles sous la conduite du pasteur Brun.

 

Une politique de mise en valeur du patrimoine

 

Suite à une opération d’archéologie préventive menée par la cellule archéologie du Service de la Culture et du Patrimoine en août 2014**, celui-ci a proposé de mettre en valeur la pierre dressée Tuia-marafea, parmi 16 autres sites identifiés. A l’occasion des inventaires et des bilans sanitaires établis au cours des dernières années, plusieurs types de difficultés ont été soulignées par le Service de la Culture et du Patrimoine : de nombreux sites classés ont été détruits ou sont très dégradés, leurs abords sont souvent peu ou pas aménagés et peu de sites sont accessibles au public. Des propositions ont donc été avancées afin de gérer l’existant, de renforcer les mesures de protection, de restaurer les sites les plus intéressants et de protéger de nouveaux sites. Dans le cadre de cette politique de mise en valeur du patrimoine historique, archéologique et légendaire, les objectifs sont multiples.

En voici quelques-uns :

  • Protéger des monuments et sites afin d’assurer leur pérennité à long terme.
  • Restituer à la population des éléments de son histoire et de sa culture.
  • Contribuer activement à une politique globale de l’aménagement du territoire qui prenne en compte la dimension culturelle.
  • Valoriser l’image de Tahiti et de la Polynésie dans son ensemble et par groupe d’îles auprès des visiteurs.
  • Contribuer au développement économique en valorisant des lieux qui pourront s’inscrire dans des circuits touristiques destinés au public local et étranger.

 

Moorea s’inscrivait parfaitement dans cette dynamique et c’est ainsi que fut confiée à Noël Teharuru, entrepreneur sur l’île sœur, le soin de réaliser un pavage en pierres basaltiques naturelles non taillées autour de la fameuse pierre nommée Tuia-marafea. Démarrés le 26 octobre 2015, les travaux ont été achevés fin janvier 2016. L’ouvrage a été réalisé avec des pierres de l’île choisies et calibrées. Un projet de signalétique interprétative pourra venir compléter la réalisation de cet ouvrage pour renseigner la population et les touristes visitant ce haut-lieu culturel.

 

* Cf. Hiro’a n° 74, rubrique Le saviez-vous ? : « Les marae Taputapuātea de Tahiti et Mo’orea »

** Cf. Hiro’a N° 86 rubrique Le saviez-vous ? : « Une opération d’archéologie préventive à Papetoai ».

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