N°102 – « Another country », le choc des cultures
Maison de la Culture – Te Fare Tauhiti Nui
Texte : ASF. Photos : DR.
Le Grand Prix du Jury du FIFO – France Télévisions 2016 a été attribué au documentaire australien « Another country », de Molly Reynolds. Un film qui nous plonge dans un univers bien particulier, à l’intérieur même de l’Australie. Un pays où le choc des cultures est au cœur de la douleur des hommes.
« Another country », c’est d’abord une voix. Celle de David Gulpilil, comédien australien et aborigène dont on se souvient encore du rôle dans « Crocodile Dundee », dans les années 80, et pour sa participation au tournage du film « Australia » quelques années plus tard. L’acteur qui a eu mille vies – de sa rencontre avec la reine d’Angleterre à plusieurs séjours dans les prisons australiennes -, nous raconte ce qui est arrivé lorsque le mode de vie du peuple aborigène a été interrompu par celui des « blancs ». Sa voix nous guide sur la route de Ramingining, une ville au milieu de nulle part au nom difficilement prononçable comme pour souligner un peu plus l’absurdité de la chose. Une ville, inaccessible à la saison des pluies, enfermant malgré elle ses habitants, une ville où le temps s’est arrêté. C’est d’ailleurs sans doute ce qui fait la force de ce film, sa capacité à montrer l’ennui, le temps qui s’étire sans fin. Ici, pas de témoignages, et peu de gros plans sur les protagonistes, mais des plans larges pour renforcer la lenteur du jour.
Deux cultures aux codes différents
David Gulpilil nous raconte son monde, son pays, son peuple. A travers son quotidien, « ce documentaire évoque les conséquences du contact, la force de l’impact de l’Autre, les ravages causés par la superposition de deux cultures, l’une nouvelle et l’autre traditionnelle et les problèmes qui en découlent dans divers domaines de la vie quotidienne, tels que l’argent, les ordures… », peut-on lire dans le pitch. Et en effet, on est saisi par les immondices qui jonchent la route, par l’ennui qui habite chaque habitant privé de travail. David Gulpilil n’est pas là pour dénoncer ou pour accuser, mais pour expliquer ce qui fait son quotidien : des parties de cartes à l’attente de l’ouverture de l’unique magasin, jusqu’au matraquage d’un kangourou qui a eu la mauvaise idée de passer par là, à des scènes surréalistes de reconstitution de la crucifixion du Christ. La dure réalité de cette vie est parfois racontée avec un éclat de rire, à cause de son absurdité. Car il faut bien comprendre comment Ramingining est née. Il s’agit d’une ville créée de toutes pièces par les autorités blanches pressées de parquer divers groupes aborigènes sans égard pour les différences de langue, de culture et au nom de l’autodétermination. L’acteur souligne les incohérences des autorités du pays qui tentent d’expliquer aux aborigènes comment résoudre leurs problèmes créés en premier lieu par… les autorités. Enfin, David Gulpilil dit le plus simplement du monde qu’il y a un choc des cultures ; et que la culture blanche ne correspond en rien à la culture aborigène. « Un film est fait pour nous toucher. Là, nous avons du cinéma d’auteur qui parle avec simplicité de la douleur des hommes », soulignait le président du jury du FIFO 2016, Abderrahmane Sissako, à la sortie de la remise des prix pour parler de cette récompense.