N°100 – « Je travaille à l’instinct »

IMG_5601Propos recueillis par MD.

 

Woita Prokop, artisan-créateur et chef d’entreprise

 

Le savoir-faire des ateliers Prokop et la qualité de leurs produits ne sont plus à présenter. Depuis plus de 25 ans, Woita Prokop et son équipe réalisent des pièces artisanales à la main ou avec des outils modernes. Rencontre avec un avant-gardiste de l’artisanat moderne.

 

Comment en es-tu venu à te lancer dans l’artisanat ?

 

Je suis tombé dedans un peu par hasard. Tout a commencé après une rencontre avec un artisan de Moorea en 1987 qui m’a proposé de voir ce qu’il faisait. J’ai passé deux jours avec lui et j’ai tout de suite été accro. Après un séjour en France, je suis revenu en 1989 pour lancer ma propre activité.

 

Quelle formation as-tu suivi ?

 

Aucune ! Je n’ai pas fait d’école et je ne me suis pas trop posé de questions. Je suis un autodidacte et je marche surtout au feeling, à la passion. J’ai regardé ce qui se faisait autour et bien-sûr, j’ai appris avec certaines personnes qui m’ont aidé comme M. Garaccione de Vaima Perles, un très bon ami.

 

Quelle est ta matière de prédilection ?

 

Je suis touche-à-tout mais j’ai vraiment commencé avec la nacre, qui m’a tout de suite attiré. C’est d’ailleurs notre activité principale. Mais mon esprit artistique et de passionné m’a amené à travailler d’autres matières comme le bois, la pierre ou l’os. Après, il faut beaucoup de temps pour apprivoiser toutes les subtilités d’une matière.

 

Comment as-tu pu monter ton entreprise ?

 

J’ai commencé avec un ami, Bruno, qui est toujours avec moi aujourd’hui. Ça fait plus de 25 ans que nous travaillons ensemble ! Il fallait trouver la matière première, les outils, la manière de travailler, etc., pour réellement se distinguer. On a fait des milliers d’essais, on en a raté, on a compris des choses : c’est ainsi que l’on s’est construit. Au départ, on ne gagnait rien et on était obligé d’aller polir les nacres et faire des petits boulots en parallèle pour pouvoir vivre.

 

Et comment votre activité s’est-elle développée ?

 

Je ne vais pas cacher que ça a été très difficile et on a dû faire beaucoup de sacrifices. Lorsqu’on a commencé, on n’avait pas d’atelier, pas de matériel et pas de moyens humains. On a évolué petit à petit, on s’est acheté nos premières machines à polir et à graver, et puis on a travaillé dur. Désormais, on loue des hangars à Hamuta où tous nos ateliers sont installés.

 

Justement, peux-tu nous présenter vos ateliers ?

 

Aujourd’hui, on travaille beaucoup avec des machines mais on a gardé le savoir-faire artisanal et on continue, sur certaines pièces, à travailler à la main. On a l’atelier du travail de la nacre avec une salle réservée aux graveurs, l’atelier informatique pour les gravures laser ou à jets d’eau, un atelier poterie qui est suspendu pour l’instant et pour le courant 2016, un atelier sculpture sur bois. Sans oublier la boutique.

 

Comment décrirais-tu ton style ?

 

C’est très difficile à dire parce que je travaille à l’instinct et avec le matériel disponible. J’ai du mal à décrire tout ce qui m’inspire, peut être que quelqu’un qui connaît bien mon parcours me décrirait mieux que moi-même… Pour essayer, je dirais que mon style est très emprunt de ce qui m’entoure et de ce qui m’a façonné, c’est-à-dire la culture polynésienne. Je sais néanmoins m’adapter et reste très ouvert, pas question de m’imposer des limites !

 

Quelles sont tes sources d’inspiration ?

 

Surtout l’être humain, car c’est une partie importante de ma vie. J’ai toujours essayé d’apporter mon aide aux jeunes « défavorisés » du Pays. Quand tu aimes l’Homme et que tu aimes ton Pays et que tu l’aides, automatiquement tu as une énergie positive, un partage avec l’autre. Et tout ceci se ressent dans tes créations, construites autour de ses valeurs.

 

Quels sont tes projets à venir ?

 

Je vais bientôt travailler en partenariat avec le Centre des Métiers d’Art qui a une classe en arts numériques. L’idée initiée par le directeur est que les étudiants se rapprochent du monde professionnel en permettant aux de 2ème et 3ème année d’expérimenter leurs travaux de recherche dans nos ateliers, à partir des outils dont nous disposons. Cette démarche nous permettra aussi d’échanger des techniques et de comprendre leurs méthodes et les projets artistiques.

 

Un message pour les jeunes artisans ?

 

L’artisanat est un petit secteur mais il a un gros potentiel de développement. Il n’y a qu’à voir l’engouement pour le tatouage pour comprendre que les représentations de la culture intéressent et concernent du monde. Il faut se lancer, le marché existe ! C’est à nous de démontrer l’étendue de notre professionnalisme, en apportant rigueur et innovations.

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