N°97 – Le pahu de Raivavae
MUSEE DE TAHITI ET DES ILES – TE FARE MANAHA
CENTRE DES METIERS D’ART – TE PU HA’API’IRA’A TORO’A RIMAI
Rencontre avec Théano Jaillet, directrice du Musée de Tahiti et des Îles, et Viri Taimana, directeur du Centre des Métiers d’Art. Texte : SF.
Dans le cadre de nouveaux aménagements à l’aéroport de Tahiti, le Musée de Tahiti et des Îles prévoit d’exposer des reproductions d’objets précieux lui appartenant. Parmi eux, un pahu des Australes.
Sa date de création n’est pas précisément connue. Le pahu, tambour à membrane en bois originaire de Raivavae, pourrait dater du début du XIXème siècle voire de la fin du XVIIIème. Aucun doute, en revanche, pour sa date d’acquisition par le Musée. En effet, c’est en 1983 que l’établissement a acheté cet objet appartenant alors à la collection de l’Anglais James Hooper. Le Musée détient une partie de cette collection riche et variée, parmi laquelle on retrouve des hameçons, des herminettes, des battoirs à tapa, des récipients… Le pahu, objet n° 83.01.02 de l’inventaire du Musée, fait partie de ses biens les plus précieux. Ce tambour cérémoniel, qui devait certainement être réservé à un usage rituel dans un lieu sacré, a d’abord été acquis par le Dr Hadwen puis a rejoint la collection Hooper, un médecin décédé en 1932 et habitant à Gloucester, une ville du sud-ouest de l’Angleterre. Il avait acquis cet objet dans des conditions incertaines. Il aurait été collecté par un proche de ce dernier, lors d’un voyage autour du monde dans les années 1920.
Une sculpture exceptionnelle
Ce tambour est le seul exemplaire de ce type conservé par le Musée, mais d’autres musées dans le monde exposent des pahu similaires des Australes. Réalisé en bois (probablement du miro), il était doté d’une membrane en peau de requin, tendue et fixée par des liens de nape (bourre de coco tressée), qui n’ont malheureusement pas été conservés. Haut d’1m34 et large de 21 cm, cet instrument présente également une sculpture ciselée et ajourée de personnages stylisés, de motifs géométriques et d’arcs de cercle, caractéristiques du style de l’île de Raivavae. Ce tambour a été finement sculpté par des mains d’orfèvre. Il est constitué de neuf rangées horizontales représentant des figures féminines, et de huit rangées de motifs en formes de croissants. Certains pahu de l’île étaient enrichis d’une sorte de gaine décorative tressée autour de la caisse de résonance. Mais si le tambour du Musée a perdu sa membrane et ses cordes de tension, il n’en possède pas moins un décor sculpté d’une qualité exceptionnelle.
Un objet très bien conservé
Malgré les années passées, le tambour a gardé de sa superbe. Ce pahu est dans un excellent état de conservation. Afin de proposer à Aéroport de Tahiti une exposition de qualité dans la future vitrine de l’arrivée internationale, sans mettre en péril les objets plus que centenaires, le Musée a proposé de présenter des reproductions de quelques objets phares, dont le tambour des Australes. Il semblait en effet important de montrer aux arrivants quelques-uns de nos trésors. Ainsi, l’établissement culturel a fait appel aux élèves de troisième année du Centre des Métiers d’Art afin de reproduire plusieurs objets anciens (voir encadré). En attendant, l’original est à (re) découvrir dans la salle 3 du Musée de Tahiti et des Îles.
ENCADRE :
De magnifiques reproductions réalisées par les élèves du Centre des Métiers d’Art
Ce sont les élèves de troisième année qui ont la délicate mission de reproduire un pahu d’époque conservé au Musée de Tahiti et des Îles. Début septembre, durant toute une matinée, enseignants et étudiants se sont retrouvés au Musée pour relever les dimensions et préparer les gabarits du tambour. « Reproduire cet objet constitue pour nos élèves un travail intéressant car il est très raffiné. Ils vont devoir être capables de réinventer des outils afin de se rapprocher de la finesse des motifs réalisés par encoches et ajours sur ce tambour des Australes », explique Viri Taimana, le directeur du Centre des Métiers d’Art. Les élèves devront créer des outils miniatures pour réaliser les différentes formes sculptées. En plus du tambour, ils devront réaliser cette année la reproduction d’un u’u, également commandé par le Musée pour la vitrine de l’aéroport. Les élèves ont souhaité réaliser d’autres u’u marquisiens en aito afin de se familiariser avec la sculpture sur bois dur, ce qui implique une préparation spécifique des outils et une compréhension de la matière. « Nous voulons que nos élèves soient des créateurs d’œuvres inédites mais aussi capables de réaliser des reproductions d’œuvres marquantes du patrimoine ». Si les élèves sculpteurs sont en charge de l’essentiel du travail de reproduction, les élèves graveurs devront, pour leur part, composer des accessoires et des parures à partir des motifs du pahu des Australes et des u’u marquisiens. Ce travail servira aussi aux enseignants d’indicateur d’évaluation des élèves sur le respect du cahier des charges définis dans la commande du Musée de Tahiti et des îles concernant les œuvres à reproduire.