N°95 – Temaeva danse le Heiva, un hymne à la joie et à l’amour

Temaeva 1er prix Hura Tau (4)Maison de la Culture – Te Fare Tauhiti Nui

 

 

Rencontre avec Coco Hotahota, chef du groupe Temaeva.

Texte : SF.

 

Temaeva et son mythique chef de groupe Coco Hotahota ont remporté le grand prix en Hura Tau de ce Heiva 2015. Eblouissante et surprenante, la troupe a présenté cette année le thème Heiva, un hymne à la réjouissance.

 

 

La joie, l’amour, la fête… Comme un pied de nez aux histoires de guerre et aux tragédies, la troupe Temaeva est montée sur To’ata cette année avec le thème Heiva, préférant ainsi la réjouissance et la fête aux batailles et aux morts. Un pari gagnant puisqu’elle a remporté le grand prix Madeleine Moua. Créée en 1962, la troupe Temaeva n’avait pas gagné le grand prix du Heiva depuis 2002. Cette année, les 64 danseuses et les 35 danseurs du groupe ont époustouflé le public et les membres du jury avec leur spectacle. Un spectacle sans guerre ni deuil, donc. « Fiu des drames. Je voulais que mes danseurs s’amusent ! », confie Coco Hotahota, le maître d’œuvre, qui a toujours aimé se faire remarquer. Cette année, l’artiste n’a pas dérogé à la règle.

 

La connaissance de la culture avant tout

 

Fut un temps, l’homme de culture, réputé aussi pour son fort caractère, s’était illustré en présentant sur scène des personnages hauts en couleur : des femmes en talons aiguilles ou des hommes déguisés en boîte de conserve. Audacieux, Coco Hotahota dénonçait dans ces provocations, résonnant alors comme un avertissement, le modernisme et la perte de la culture traditionnelle. Aujourd’hui, l’artiste loue son patrimoine, sa culture et ses traditions. Pas de femmes en gants blancs ou d’hommes en smoking, mais des danseuses et des danseurs dans des costumes éblouissants de sens et d’esthétisme. Temaeva a séduit par ses costumes végétaux en riri blanc et avec son grand costume de fleurs et de nacre, la troupe a aussi surpris par ses danseuses apparues seins nus, avec pour seuls habits de simples colliers de fleurs et une jupe en auti. Une simplicité qui n’a pas manqué de marquer les esprits. Coco Hotahota a présenté quatre tableaux relatant quatre Heiva différents : les femmes et les fleurs, les plaisirs de l’amour, les combats de coqs et le cerf-volant. « Mes danseurs n’avaient jamais pensé qu’ils pourraient un jour danser sur ces thèmes. Pourtant, il s’agit de notre histoire », explique le chef de troupe qui, depuis quelques années, s’est entouré d’une jeune et talentueuse maître de danse, Rita, 28 ans. Coco Hotahota mise sur la jeunesse, et, à travers ses danses, espère justement perpétuer la culture polynésienne : « les gens que j’ai formés sont désormais persuadés que la seule chance qu’il nous reste, c’est notre culture ». Au delà du chef de groupe, Coco est aussi un médiateur de la culture et des traditions polynésiennes.

 

Entre tradition et innovation

 

Alors que le premier tableau revient sur le rapport entre la femme et la fleur, dans le second, Temaeva met en scène un combat de coqs. Pour cette danse, Coco Hotahota a fouillé dans l’histoire et le passé du district de Vairao. « Nous n’avons pas retrouvé les paroles, du coup nous avons dû écrire le texte. Quant aux pas de danse, nous avons repris ceux qui avaient été crées en 1956 mais on a dû écrire les paroles pour les gestes. » Le travail de recherche est important, voire indispensable, pour monter son spectacle. « Nous menons de véritables enquêtes pour (re)découvrir les textes ou les anciennes danses qui n’ont pas encore été montrées ». Coco Hotahota sait pertinemment qu’il est impossible de retrouver les danses d’autrefois, mais essayer de s’en rapprocher au maximum est un bon moyen de donner une base aux générations futures. Coco, formé lui-même par Madeleine Moua – une influence qui a ancré son attachement aux traditions -, prend toujours le temps d’expliquer à ses danseurs chaque pas et chaque geste de son spectacle. Avec lui, les danseurs redécouvrent la base du ‘ori tahiti. Dans son troisième tableau, une danse de séduction entre un jeune homme et une jeune femme, Temaeva reprend des pas montrés pour la dernière fois en 1964. Un tableau particulièrement sensuel qui a fait… sensation !

Le chef de troupe et ses chorégraphes ont également fait preuve d’imagination pour leur quatrième tableau : le cerf-volant, appelé pauma en reo tahiti. Inspiré de l’ancien cerf-volant, ce dernier est doté d’une corde permettant de relier le nombril à l’âme. Coco Hotahota innove, et cela fait mouche. En plus du premier prix en Hura Tau, Temaeva a également remporté le prix du ‘otea et du pa’o’a hivinau. A cela s’ajoute le prix du meilleur ‘orero – avec un Teiva Manoi toujours aussi charismatique et intense – ainsi que le deuxième prix du meilleur danseur. Alors même si participer au Heiva demande des sacrifices, tant financiers que physiques ou personnels, pour Coco Hotahota rien ne reste plus précieux que de présenter son spectacle, voir ses musiciens, ses danseuses et ses danseurs s’amuser et parfois pleurer, et entendre ce public, ému, conquis, applaudir à la plus belle expression de la culture dont nous sommes les héritiers et les garants.

 

 

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