N°92 – Sensibiliser le monde à l’art visuel polynésien
Rencontre avec Viri Taimana, directeur du Centre des Métiers d’Art et les élèves du Centre.
Texte et photos : SF.
Les élèves de 1ère année du Centre des Métiers d’Art travaillent sur une mission bien particulière : la décoration de la pirogue Rangi. Cette embarcation de type traditionnel achemine des passagers et des marchandises de Tahiti ou Rangiroa vers des îles isolées comme Makatea.
Petites sœurs de Faafaite et de Okeanos, première pirogue de transport actuellement en exploitation dans l’archipel fidjien, Rangi – dont le nom signifie « ciel » – voyage entre les îles des archipels de la Société et des Tuamotu. Son objectif : expérimenter la viabilité économique du transport inter-insulaire de passagers et de marchandises entre des centres et leur périphérie isolée sur le mode de la navigation traditionnelle. En effet, l’une des grandes incertitudes de ce genre de voyage reste la durée du voyage. « On sait quand on part mais pas quand on arrive. La navigation dépend du vent, tu peux faire un voyage de deux jours comme de six ou de quinze jours ! », explique Viri Taimana, le directeur du Centre des Métiers d’Art. C’est son école que l’équipe de Rangi a contactée récemment pour décorer leur pirogue.
Une expérience nouvelle
L’équipage, qui compte à ses côtés l’un des capitaines de Faafaite, avait eu vent des travaux de peinture réalisés en 2010 par les élèves du Centre sur les pirogues Tahiti Nui Freedom et Upoo Tahiti. Visiblement enchantés par ces réalisations, l’équipe de Rangi a donc demandé à Viri Taimana et ses élèves de travailler sur la décoration de leur pirogue à voile. « Pour que nos élèves comprennent mieux de quoi il s’agit, nous avons invité l’équipage à venir au Centre. Ils ont pu ainsi rencontrer nos étudiants, discuter avec eux et expliquer leur mission ». Fin mars, les étudiants ont eu la possibilité d’avoir une initiation à la navigation traditionnelle sur la pirogue Faafaite. Une expérience nouvelle et enrichissante pour les jeunes étudiants. « C’était une première, j’en avais entendu parler mais là, je l’ai fait », confie Marino, 23 ans. Pour son camarade, Tuhiti, l’expérience fut tout aussi enrichissante. « Tu y montes comme sur un marae, pieds nus et avec beaucoup de respect », explique le jeune homme. « J’ai appris beaucoup de chose : à faire des nœuds, à connaître les différents éléments de la pirogue, j’ai même pu tenir le gouvernail, cela m’a permis de sentir toute la force de la mer ! », confie Tuhiti qui, à l’instar de ses camarades, souhaite participer à l’un des voyages de Rangi. « Mais, il ne faut pas que la traversée dure trop longtemps ! », avoue-t-il, sourire aux lèvres.
L’importance de montrer l’art visuel polynésien
Avant d’entamer la peinture de la coque de Rangi, les élèves de 1ère année travaillent sur des compositions de motifs et de dessins. Certains ont été souhaités par l’équipage, d’autres sont en cours d’élaboration par les élèves encadrés par les professeurs du Centre. On devrait trouver sur l’embarcation des éléments visuels faisant référence à l’activité de la pirogue. « Nous avons voulu reprendre des motifs liés aux îles de la Société et aux îles des Tuamotu. Pourquoi ? Parce que Rangi navigue dans ces eaux, il est donc important de représenter ces îles sur la pirogue et non celles d’un autre archipel », souligne Viri Taimana. « De savoir que leur travail va être visible sur une pirogue qui parcourt les îles de la Polynésie française les stimule. C’est quelque chose de concret ! Mais aujourd’hui, nous sommes encore dans la phase d’expérimentation », confie le directeur. L’enjeu du Centre des Métiers d’Art dans ce projet est de sensibiliser le public à l’art visuel polynésien. Et quel meilleur moyen que de faire passer le message sur un type d’embarcation lié à l’histoire des peuples du grand océan Pacifique, Te Moana Nui a Hiva ?