N°92 – « Archipol regroupe les éléments de l’histoire des Polynésiens »
10 questions à Michel Bailleul, historien et rédacteur du Cahier des Archives Archipol
Propos recueillis par VH.
Michel Bailleul, historien retraité de l’Éducation, est le rédacteur du Cahier des Archives Archipol, édité par le Service du Patrimoine Archivistique et Audiovisuel. Il nous confie ici l’intérêt de son travail, les futures publications à découvrir et les trésors cachés dans les rayonnages des archives de Tipaerui.
Vous étiez professeur d’histoire-géographie, comment en êtes-vous venu à rédiger le Cahier des Archives Archipol ?
En 1993, j’ai été chargé du « Service éducatif des archives ». Dans le cadre de mon emploi du temps au collège de Arue, j’avais une matinée de présence aux archives. J’étais chargé de l’accueil des élèves, de préparer des expositions et de rédiger un bulletin. Celui-ci était très artisanal, fait de photocopies que je distribuais aux collèges et lycées. Ce n’est qu’en 1998 qu’un conservateur venu de métropole a initié ce Cahier des Archives. Le premier numéro d’Archipol s’intéressait aux « Années technicolor ».
À ses débuts, le Cahier comprenait un volet pédagogique, sous forme de questionnaire pour les élèves. Lorsque ce conservateur est parti, le directeur de l’époque, M. Morillon, a souhaité que l’on poursuive cette publication. Petit à petit, le temps qui m’était dédié aux archives a été réduit, et j’en suis arrivé à me consacrer exclusivement à Archipol.
Quel est le principe de ces Cahiers ?
Le principe est de montrer au public polynésien les documents qui sont conservés aux archives, sans parti pris. Par exemple, j’ai fait un Archipol sur « Les années terribles aux Marquises » dans lequel je rapporte uniquement les faits, tel aspect de la civilisation qui disparaît, la population qui diminue, le bombardement de tel village, etc. Mais je ne porte pas de jugement ni d’analyse. Pour l’Archipol sur les Pomare, j’ai bien fait attention à m’arrêter à la mort du roi Pomare V. Je n’entre pas dans les polémiques de descendance. Ce serait un bon sujet, mais je laisse ça à d’autres.
Comment procédez-vous pour la rédaction de ces revues ?
Je cherche un thème et une fois que je l’ai trouvé, je vais voir s’il y a suffisamment de pièces d’archives pour pouvoir le développer. Et quand j’ai constitué mon petit stock de documents, à ce moment-là je les arrange, je fais des commentaires. Je mets entre 5 à 6 mois pour la recherche et la rédaction. Ensuite le cahier part au montage, puis à l’impression.
Y a-t-il eu des sujets moins faciles que d’autres à traiter ?
Il y en a un sur lequel j’ai passé plus de temps que sur les autres, celui sur la relance de l’agriculture à la fin des années 50, qui s’est soldée par un fiasco puisqu’avec l’arrivée du CEP, la production locale a été délaissée malgré le plan de relance. J’ai alors eu à faire à des statistiques « artisanales », réalisées « à la main », ce qui n’a plus rien à voir avec ce que l’informatique permet maintenant. C’était cependant très intéressant.
Du point de vue de l’historien, que représentent ces archives de Tipaerui ?
Ces archives sont une source de documentation très précieuse, surtout pour ce qui concerne la période de la colonisation après 1880. Avant cette date, malheureusement, la plupart des archives sont en France, à Aix-en-Provence, aux Archives nationales d’outre-mer (ANOM), et c’est un peu frustrant de ne pas disposer de cette masse de documents.
Est-il possible de les récupérer ?
Il faudrait faire une convention avec les ANOM, non pour les récupérer, parce que je pense qu’un dépôt d’archives ne se sépare jamais de ce qu’il détient, mais au moins pour en avoir des copies. En scannant, c’est faisable. Le fonds des archives d’outre-mer est très riche en documents, il y a des lettres de la reine Pomare, des plans de Taiohae aux Marquises à l’époque de l’installation, etc. ; c’est très tentant pour un historien de pouvoir accéder à cette richesse, mais comme je le dis, ici à Tahiti, je me contente de ce qu’il y a et de le montrer, et c’est déjà pas mal !
Justement, depuis que vous arpentez les archives de Tipaerui, êtes-vous tombé sur quelques pépites ?
Oui ! J’ai retrouvé des lettres de la reine Pomare IV qui étaient répertoriées, mais oubliées. Il y en a par exemple une en tahitien qu’elle a écrite en 1873 au commissaire de la République au sujet de son palais : elle demandait à être autorisée à percevoir chez ses sujets une sorte d’impôt pour en financer l’achèvement. On a aussi une lettre du roi Pomare V qui remercie le gouvernement français d’avoir terminé ce bâtiment conformément aux engagements de la France en 1880.
Mais les véritables pépites se trouvent dans les bibliothèques, avec des éditions originales des années 1770-1780 de Cook. Le plus ancien des livres est à la Société des Etudes Océaniennes, il date de 1701 et l’auteur est le corsaire anglais William Dampier.
Vous venez de terminer la rédaction du prochain Archipol, pouvez-vous nous en parler ?
Oui, il s’intitule « Voyages en bibliothèques ». Mon but est de montrer le patrimoine que représentent nos deux bibliothèques, celle du SPAA et celle de la Société des Etudes Océaniennes. Quant au fil conducteur, j’ai choisi les récits des voyages des navigations transpacifiques, depuis Magellan jusqu’à 1880. L’idéal pour le grand public, ça serait de numériser tous ces ouvrages, de façon à y avoir accès sans devoir toucher aux originaux.
Celui-ci terminé, vous avez déjà commencé à travailler sur le suivant. De quoi parlera-t-il ?
Le suivant est une sorte d’historique des fêtes de juillet. L’idée est de voir comment elles se déroulaient autrefois, et depuis quand célébrait-on une fête nationale. Il n’est pas difficile de retrouver à quel moment ça a démarré : les fêtes du 14 juillet auraient dû commencer dans les Établissement Français d’Océanie quand elles ont été officialisées en France en 1880, mais la nouvelle étant parvenue trop tard, les premières fêtes de juillet n’ont commencé à Tahiti qu’en 1881. Mais avant, il y avait d’autres fêtes ; une fête nationale existait déjà, il faudra lire le prochain Archipol pour en savoir plus.
Vous êtes aussi docteur en histoire d’outre-mer, pensez-vous que l’histoire de la Polynésie est assez mise en valeur dans le programme scolaire ?
Je ne saurai dire exactement ce qu’il en est aujourd’hui, parce que cela fait 8 ans que j’ai quitté l’Éducation, mais pour avoir enseigné l’histoire au collège, on peut dire que la partie correspondant à l’histoire de la Polynésie existe, bien que sous une forme parfois trop légère. On fait beaucoup plus de préhistoire. Cela dépend aussi de l’implication du professeur qui a comme premiers manuels de référence des ouvrages métropolitains. À l’université, l’histoire locale a toute sa place, car on y dispense des cours d’histoire de l’Océanie.
Service du Patrimoine Archivistique Audiovisuel : Pratique
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