N° 87 – Le Musée de Tahiti et des îles : 40 ans et plein de projets
Rencontre avec Théano Jaillet, directrice du Musée de Tahiti et des îles, Manouche Lehartel, muséologue, et Vairea Teissier, documentaliste.
Rédaction : VH.
Le Musée de Tahiti et des îles célèbre cette année ses 40 ans d’existence avec un spectacle qui retracera en 6 tableaux les séquences les plus marquantes de l’odyssée polynésienne. Ce raccourci historique est inspiré par le site naturel et culturel remarquable sur lequel le Musée se situe, ainsi que le parcours qu’il propose, car l’établissement est bien plus qu’un lieu où dorment des objets du passé. Si en 40 ans le Musée a su évoluer avec son temps, la direction a encore plusieurs projets en cours et en attente pour le développer davantage.
À 40 ans, c’est souvent l’heure du bilan, pour nous êtres humains. Pour le Musée de Tahiti et des îles, si bilan il devait y avoir, ce serait celui d’une belle évolution. Depuis sa création officielle en 1974 par délibération de l’Assemblée Territoriale, le Musée est devenu la principale institution culturelle de la Polynésie française à proposer de découvrir dans un même espace les trésors du patrimoine naturel et culturel polynésien, avec notamment quatre salles d’expositions permanentes qui retracent le peuplement de la Polynésie orientale, la période des premiers contacts et la période post-contact ; un parcours ethnobotanique qui concentre les plantes polynésiennes endémiques, dont certaines sont en voie de disparition ou près de sombrer dans l’oubli ; une salle d’expositions temporaires aux normes internationales depuis 2003 et à la programmation variée chaque année ; et la création récente dans le patio des Jardins d’Atea, réservés aux plantes basses peu communes aujourd’hui et dont certaines avaient une grande importance pour la population polynésienne d’autrefois.
Mais surtout, « la composition du personnel a évolué également, explique Théano Jaillet, la directrice, parce qu’aujourd’hui, on a notamment une équipe en médiation culturelle. Les métiers du Musée ont progressé depuis les années où celui-ci a été créé : nous avons différentes disciplines qui permettent de diversifier l’offre de l’établissement, et notamment la partie médiation qui permet de faire le lien entre les collections et le public. À l’époque, le Musée avait été fait de façon très scientifique, même si les choses étaient très détaillées afin de faciliter la compréhension du public. Certaines parties sont très bien faites et n’ont pas été changées depuis 40 ans, mais nous devons néanmoins nous adapter aux programmes scolaires, au jeune public, d’où l’importance de ces médiatrices culturelles qui accompagnent les écoles dans leurs visites ».
De nombreux projets pour dynamiser le site
Chaque année, le Musée de Tahiti et des Îles reçoit plus de 20 000 visiteurs. Et loin de s’endormir sur ses lauriers, l’établissement poursuit sa démarche de redynamisation du site avec de nombreux projets en cours et en attente. En ce mois de décembre, les pierres levées que les visiteurs pouvaient voir à l’entrée du Musée – des pierres liées à l’ancien marae Vaiotaha retrouvé sur le site et à l’ancien marae Taputapuatea de Nu’uroa, recueillies dans les années 60 par le Musée de Papeete –, ont été déplacées et mises en valeur. Ce mois-ci débutent également les études en vue de la rénovation des salles d’expositions permanentes et la construction d’une 5e salle où seront exposés davantage d’objets. « 40 ans après, on va enfin pouvoir entamer la modernisation des salles d’exposition permanente, se réjouit Théano Jaillet. On espère qu’à la fin 2015, on pourra commencer réellement ces travaux de rénovation et d’agrandissement. »
Le Musée a aussi commencé à replanter arbres et plantes dans ses jardins, afin de proposer un parcours ethnobotanique plus conséquent.
L’herbier de Polynésie française, pour le moment hébergé dans les réserves du Musée, aura bientôt son propre local sur le site.
« Parmi les projets en attente, poursuit Théano, il y a la remise en état de l’ancienne salle de conférences, désaffectée depuis plus de 10 ans, afin de pouvoir y tenir des colloques, des concerts, des spectacles, un peu comme avant, mais en la modernisant. Il est également prévu de proposer un restaurant pour le public, cela manque à l’heure actuelle. Nous prévoyons également la construction d’un espace couvert dans les jardins pour qu’en cas de pluie, on puisse tout de même tenir certaines manifestations prévues en extérieur. En terme de réorganisation, nous souhaitons transformer les sous-sols du Musée en lieu de stockage, pour agrandir nos réserves qui commencent à être saturées. » En effet, des 2 000 objets catalogués au moment de la création de l’établissement, pour la plupart apportés par la Société des Etudes Océaniennes (SEO) et le Musée de Papeete, les collections du Musée n’ont cessé de grandir pour atteindre aujourd’hui plus de 17 000 pièces, dont près de 2 000 sont exposées au public.
Le Musée de Tahiti et des îles en quelques dates
1917 : la Société des Etudes Océaniennes est créée par un groupe de personnes passionnées par la connaissance de la Polynésie française sous tous ses aspects : milieu naturel, archéologie, linguistique, traditions orales, ethnologie et histoire. Faute de l’existence d’une autre structure, la SEO devient gestionnaire et dépositaire des collections et donc du Musée de Papeete (arrêté de 1921).
1974 : le Musée de Tahiti et des îles (MTI) est créé par le gouverneur territorial.
1977 : réalisation des salles du milieu naturel et de l’histoire.
30 juin 1979 : Inauguration des salles d’exposition.
1980 : création du Centre Polynésien des Sciences Humaines, Te anavaharau (CPSH), regroupant les départements scientifiques, le Musée de Tahiti et des îles, le département d’archéologie et les traditions orales.
1981 : signature d’une convention de coopération entre l’État et le Territoire concernant la muséographie.
1983 : fermeture du Musée à la suite du cyclone Ve’ena.
1985 : réouverture du Musée au public dans le cadre du festival des Arts du Pacifique.
2001 : le Musée devient un Etablissement Public Administratif Autonome, le Musée de Tahiti et des Îles – Te Fare Iamanaha (MTI-TFI).
2005 : le Musée prend la dénomination de Musée de Tahiti et des îles – Te Fare Manaha.
2007 : Signature d’une convention d’une durée de 10 ans entre l’Etat et le Pays, relative à l’étude, la conservation et la mise en valeur des collections (coopération scientifique).
Nu’uroa, un lieu chargé d’histoire
Lorsque le gouverneur Sicurani acheta en 1967 le terrain destiné à abriter le Musée de Tahiti et des îles, il n’est pas sûr qu’il avait connaissance de l’importance du site. Les recherches toponymiques effectuées sur la région après la construction du Musée ont révélé que le cap Nu’uroa, sis entre l’embouchure de la Punaru’u et la pointe Punaauia –appelée Burder’s point par les missionnaires–, fut un haut lieu prestigieux de l’histoire de Tahiti car situé sur les terres de la chefferie de Atahuru, sous la tutelle du clan des Te’oropa’a qui regroupait autrefois Temanotahi et Temanorua, à savoir les communes actuelles de Punaauia et de Paea. Sur ce site a été édifié le plus important complexe cultuel de Tahiti depuis l’origine jusqu’à l’arrivée des premiers découvreurs à partir de 1767.
En 1815, ce cap a été le témoin de la bataille de Fe’ipi qui verra la victoire de Pomare II et aussi la fin du culte religieux ancien et notamment celui du dieu ‘Oro.
En 1819, vinrent s’implanter à Burder’s point les missionnaires D. Darling et R. Bourne de la London Missionary Society pour y construire un temple, une école et y installer une imprimerie d’où sortira la première grammaire de la langue tahitienne en 1823.
De 1844 à 1846, Punaauia a été le théâtre d’affrontements militaires de la guerre franco-tahitienne et de sa reddition. Une grande tour fut construite à Nu’uroa ainsi que deux fortins à l’entrée de la vallée Punaru’u.
Un spectacle inédit à ne pas manquer !
Le Musée de Tahiti et des Iles célèbre ses 40 ans avec, pour l’occasion, la création d’un spectacle qui sera donné les 13 et 14 décembre. Celui-ci retracera en 6 tableaux les séquences les plus marquantes de l’odyssée polynésienne, par des danses, des images vidéo projetées sur un grand écran, des chants et des tableaux vivants. « Ta’aroa et la création du monde polynésien, la migration à la recherche de nouvelles terres d’asile, l’implantation à Atahuru, le contact avec les occidentaux, l’adoption du christianisme et les temps modernes de 1819 à 1990 seront illustrés par une centaine d’artistes, figurants et musiciens, explique Manouche Lehartel, en charge du projet. Ce raccourci historique est inspiré par le site naturel et culturel remarquable sur lequel est situé le Musée et les thématiques abordées au sein du parcours muséal. »
Les soirées de spectacle se dérouleront en deux temps :
– de 17h30 à 18h30, le parc, les JardinS d’Atea et les salles d’exposition permanente accueilleront des tableaux vivants qui valoriseront des savoir-faire et les arts traditionnels ;
– de 18h45 à 20h00, le paepae Manua et la digue seront le théâtre de ce voyage dans le temps, de nos origines à nos jours.
Spectacle son et lumière : pratique
Musée de Tahiti et des îles – Te Fare Manaha
Samedi 13 et dimanche 14 décembre de 17h30 à 20h
Accès au site à partir de 17h
Prix de l’entrée : 1 000 Fcfp / personne, gratuit pour les enfants de moins de 12 ans.
Venir avec son pe’ue
+ d’infos : 40 54 84 35 – www.museetahiti.pf
LÉGENDES
1/Depuis plusieurs années déjà, les jardins du Musée accueillent de plus en plus de manifestations extérieures, comme le Heiva Tu’aro Ma’ohi (sur la photo) ou encore le Festival Voyage de la Compagnie du Caméléon, pour ne citer qu’eux.
2/ L’association Les Amis du Musée de Tahiti et des îles, créée en juin 2013, contribue à dynamiser le Musée, notamment par des ateliers créatifs et pédagogiques destinés aux enfants.
3/ La salle d’expositions temporaires, qui accueille jusqu’au 21 février l’exposition « Tapa d’Océanie, d’hier et d’aujourd’hui », est aux normes internationales depuis 2003.
4/ La fine équipe des médiatrices culturelles !
De gauche à droite : Maryse, Moevai et Vairea.
5/ Parmi les plus de 17 000 objets que détient le Musée, l’un des objets phares de ses collections est sûrement le tabouret de Mai. « C’est l’objet historique par excellence, qui a été fait ici, qui a voyagé en Europe et qui finalement est revenu longtemps après par le biais d’une acquisition en maison de vente », rappelle Théano Jaillet.
6/ Depuis 3 ans, le Musée se cale sur le calendrier européen pour organiser deux manifestations principales : la nuit des Musées et les journées du patrimoine.
7/ Chaque mercredi, les spécialistes du Musée proposent des visites guidées des salles d’expositions permanentes.
