N° 83 – « C’est un miracle d’arriver au bout des préparatifs »

Tumata Robinson, chef du groupe Tahiti Ora

Interview : VH

 

Tahiti Ora est le grand gagnant en catégorie Hura Tau de ce Heiva i Tahiti 2014. Au lendemain de la remise des prix, Hiro’a est allé à la rencontre de sa chef de troupe, Tumata Robinson. Elle confie ici les difficultés de la préparation d’un spectacle, les projets de la troupe, et son souhait pour le ‘ori tahiti.

 

Quel est votre sentiment sur ce premier prix en catégorie Hura Tau ? Vous vous y attendiez ?

Tous les groupes de danse espèrent toujours gagner le premier prix, mais entre espérer et l’obtenir, il y a un gouffre… Mon père, qui était navigateur, m’a toujours appris que tant que l’on n’avait pas jeté l’ancre dans la baie, on n’était pas arrivé… Et il y a eu de très bons groupes. Jusqu’à la dernière minute, nous avons douté. Remporter le Heiva, c’est l’apothéose !

 

D’autres prix ont été attribués au groupe, comme celui du plus beau costume végétal, du meilleur ra’atira tiatia, du 3ème meilleur danseur, et de la 2ème meilleure danseuse. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

On est enchanté d’avoir gagné ces 5 prix, nous n’avons pas démérité ! Vehia, que Tahiti Ora a présentée en tant que meilleure danseuse, avait le trac, sa prestation n’était pas exactement à la hauteur de ses capacités. Je m’étais dit que si elle pouvait avoir la deuxième place, ça serait bien. J’étais vraiment contente pour elle. Quant à notre candidat au titre de meilleur danseur, Dan, qui est excellent, a malheureusement vu son tihere se détacher sur scène… Ce sont des choses qui arrivent malheureusement.

 

Allez-vous remettre votre titre en jeu l’année prochaine ?

Pour l’instant, je n’ai pas l’énergie de me relancer dans l’aventure Heiva, la masse de travail est tellement énorme ! Et puis c’est une lutte permanente à tous les niveaux : gérer 150 personnes, rechercher des fonds, fabriquer des costumes, organiser les répétitions… Arrivés au jour J, les chefs de groupe sont éreintés. Je l’avais déjà dit il y a quatre mois, en principe, je n’ai pas l’intention de retourner au Heiva. Mais qui sait…

Toujours est-il que je prends de l’âge, je souhaite à présent me reposer un peu.

 

Comment s’est passée la préparation du spectacle ?

La préparation du Heiva a commencé en début d’année dernière pour Tahiti Ora. J’ai écrit le thème en mars-avril 2013. John Mairai m’a beaucoup aidée au niveau des textes, plus particulièrement des ‘orero, ainsi que pour la mise en scène. Avec le groupe, on a commencé à imaginer les chorégraphies et à organiser les répétitions en janvier 2014. Moena Maiotui et Mata Teuru ont participé à la réalisation des chorégraphies des filles. Victor et son frère Kale ont travaillé sur les chorégraphies des garçons. Mira, Mehani et Teiki ont géré les répétitions. Tetia, mon lead musicien, s’occupe de tous les musiciens. Les musiciens représentent le poumon du spectacle : s’ils ne sont pas bons, les danseurs et danseuses ne peuvent pas l’être. Au niveau des costumes, j’ai été accompagné par Freddy Fagu et une dizaine de personnes. Freddy est un véritable créateur, un génie du costume ! C’est d’ailleurs lui qui a conçu le costume végétal, il a un don pour ça.

 

Quelle est la particularité du thème que vous aviez choisi ?

Il s’agissait du pifao, la malédiction… Un thème difficile mais passionnant ! Il a fallu faire un gros travail au niveau des danseurs pour qu’ils s’imprègnent complètement de l’état d’âme du spectacle, afin que leurs attitudes soient cohérentes.

 

Pouvez-vous nous rappeler l’histoire que vous avez interprétée ?

C’est une histoire que j’ai inventée à partir de différentes légendes et rites du Pacifique. Une mère qui donne naissance à des jumeaux, mais l’un des enfants naît avec une tache de vin. Dans le village, c’est signe de mauvais présage et la tradition impose qu’on le tue – ce à quoi la mère se refuse, naturellement. Elle le confie donc à une cousine habitant au sud de l’île, dans un clan ennemi. Cette cousine va élever l’enfant comme outil de revanche pour envahir le nord. Lors d’un duel, cet enfant est tué par son frère jumeau sans qu’il ne connaisse leur lien. Sa mère fa’a’amu va alors jeter un sort sur le village du nord pour tenter de faire renaître son fils…

 

Peut-on qualifier votre spectacle de « moderne » ?

Oui, dans le choix des costumes et de certains déplacements. Moena parvient à imaginer des chorégraphies très originales, son approche sort de l’ordinaire. Pour autant, l’exécution des pas de base est respectée.

 

Tahiti Ora a l’habitude de faire vivre le ‘ori tahiti à l’étranger, avez-vous prévu de faire voyager ce spectacle ?

Oui, nous partons au Japon en octobre pour 10 jours, puis en France en janvier 2015 pendant 20 jours. Nous proposerons une version plus longue du spectacle, mais avec beaucoup moins d’effectifs. Il y aura une trentaine de danseurs.

 

Depuis sa naissance en 2008, Tahiti Ora a participé deux fois au Heiva i Tahiti, décrochant la victoire lors de ces deux participations. Quel est le secret ?

Nous sommes allés une première fois au Heiva en 2011, puis cette année, à la demande de mes éléments. Pour un groupe de ‘ori tahiti, participer à ce concours est une évidence en même temps qu’un challenge nécessaire. C’est aussi un miracle d’arriver au bout des préparatifs. Le secret tient donc au travail mais aussi à la passion qui nous anime ! Sans elle, nous ne pourrions pas y arriver. J’en profite pour adresser un mot aux instances de ce Pays, qui ne peuvent pas imaginer le temps et l’énergie que nous donnons pour l’amour de l’art : écoutez-nous s’il vous plait !

 

Un petit mot pour la fin ?

J’espère que les jeunes vont continuent à croire dans le Heiva et à vouloir y participer malgré la somme de difficultés !

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