N°81 – Plongée au cœur de la création
Dans les ateliers du Centre des Métiers d’Art, des œuvres naissent chaque jour des mains habiles des étudiants. Objets de décoration, objets du quotidien revisités, parures, en bois, en nacre… Bien loin du cliché de l’artiste qui laisse vagabonder son imagination pour créer, chaque œuvre est le fruit d’une démarche, de sa conception à sa réalisation. Pour les élèves de 3e année, cette réflexion est d’autant plus importante, car les œuvres qu’ils créent depuis le mois de mars leur permettront – ou non – d’obtenir leur diplôme.
Cette année, ils sont huit élèves, cinq en sculpture et trois en gravure. Leur examen a lieu jeudi 19 juin, et le public pourra découvrir les œuvres des diplômés le lendemain soir lors d’une exposition au Centre des Métiers d’Art. Hiro’a vous propose ici un aperçu de leurs travaux en cours de réalisation, une plongée au cœur du processus de création.
• Hihirau, des luminaires en bois sculpté
« Les luminaires sont mon fil conducteur. Pour base, j’ai pris de longues planches sur lesquelles j’ai intégré des motifs des îles Marquises et des îles de la Société, en jouant sur les volumes et les reliefs. J’essaye de mettre les anciens motifs du patrimoine au goût du jour. Au final, ce sont des objets très décoratifs et très actuels. »
• June, un bas-relief et des tiki
« J’avais une technique en tête, le bas-relief. Mon premier sujet est basé sur un lieu de mon parcours de tous les jours, quand j’arrive le matin au marché de Papeete et que je viens à pied jusqu’au Centre. J’ai retravaillé des images à partir des photos que j’ai prises, la première image est en couleur et la deuxième est en noir et blanc, pour comprendre le contraste et la profondeur. Ensuite j’ai travaillé sur l’argile que j’ai, par la suite, transposé sur bois. Cela m’a pris beaucoup de temps, et pour avoir suffisamment à montrer au jury sur ma dextérité, mon deuxième sujet traite des ti’i et tiki. Je les ai expérimentés en peinture et là je suis en train de faire les gabarits sur le carton pour les reproduire ensuite sur du bois. »
• Atamarama, des vivo pour un musicien
« Je prépare des instruments à vent, plus précisément des flûtes nasales, vivo. J’étais censé travailler plusieurs essences de bois, et quand j’ai commencé à m’atteler à l’essence d’acajou, j’ai réalisé que les motifs ne sortaient pas bien. Donc j’ai poursuivi ce travail avec du miro, j’ai fait cinq vivo, pour représenter les cinq archipels, qui se déclinent à travers les motifs. Les motifs des Australes sont particulièrement délicats à sculpter. Ce que j’ai aimé travailler le plus, ce sont les motifs marquisiens. Pour représenter les îles de la Société, je vais incruster de la nacre. Ces vivo ne sont pas juste décoratifs, on peut en jouer. Ils m’ont été inspirés par les flûtes de mon chef de groupe, parce que je suis musicien dans un groupe de danse.»
• Patu, des motifs marquisiens superposés
« Je prépare des boîtes, différentes boîtes, de forme arrondie et rectangulaire. Je voulais imaginer des formes simples, parce que le vrai travail, ce sont les motifs. J’ai fait des superpositions de motifs ce qui change un peu de la tradition : normalement, les gravures marquisiennes, ce sont des formes très symétriques, très géométriques.
Sur cette boîte, j’ai réalisé le motif du ‘enata, l’homme, que j’ai essayé de poser sur d’autres motifs, comme les tresses, ou les dents de requins, on appelle ça niho peata. »
• Tevaite, une table basse inspirée du tabouret traditionnel
« Je prépare une table basse avec deux tabourets, où je vais associer du kaori et de l’aluminium. Au niveau des motifs, j’utilise ceux des îles de la Société, ce sont plutôt des chevrons que j’ai essayé d’allier avec les formes du ‘ape. Cette table part du tabouret traditionnel que j’ai mis à l’envers. J’ai personnalisé les pieds et il y a une vitre qui viendra se poser dessus. L’aluminium va venir sur les deux côtés de la table, parce que l’armature des tabourets va être en aluminium, et l’assise va être en bois. »
• Rataro, donner l’impression du métal avec la nacre
« Je prépare un casque et des parures en nacre. Mon idée était de faire un système d’emboitement des tiges pour assembler les pièces, et décliner le tout dans plusieurs modèles de parures. J’ai eu l’idée du casque suite à un accident de scooter – j’avais heureusement un casque pour me protéger.
Mon but est de donner l’impression d’une structure métallique, j’ai donc laissé la couleur brute.»
• Lovina, des tortues pour exprimer sa sensibilité
« Je suis en train de préparer des parures en me basant sur des motifs de pétroglyphes, plus précisément la tortue. J’ai choisi les pétroglyphes parce que je suis des îles de la Société, et la tortue parce qu’elle a une forme intéressante et il existe beaucoup d’histoires autour d’elle. Un jour, quelqu’un m’avait raconté que quand il était petit, à Maupiti, il avait trouvé une tortue qui avait été pêchée pour être mangée. Il a essayé de repousser la tortue à la mer, mais il n’a pas réussi parce qu’elle était trop grosse. Je trouve ca tellement touchant ! La consommation de tortue étant un sujet particulièrement sensible en Polynésie, ce sont toutes ces particularités que j’essaye d’exprimer.
• Heipua, la fougère et ses déclinaisons
« Mes parures sont directement inspirées du souvenir que j’ai de mon père réalisant des couronnes de kikipa – ici on appelle ça le metua pua – pour les mariés. J’ai commencé à faire des expérimentations sur la nacre, sur du bois, essayé d’associer les essences. Il y a des colliers en nacre où j’ai voulu montrer la feuille en relief. Au départ, je voulais que mes feuilles soient les plus réalistes possible, mais au fil du temps, j’ai commencé à les styliser. Et pour finir, je m’attaque à la broderie sur nacre.»
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ENCADRÉ
Soirée de remise des diplômes des élèves du Centre des Métiers d’Art : Pratique
– Vendredi 20 juin, à partir de 18h30
– Au Centre des Métiers d’Art
– Exposition des œuvres des prétendants au diplôme et animations
– Entrée libre
+ d’infos : 43 70 51 – www.cma.pf