N° 82 – Le Heiva i Tahiti, la culture qui se vit
Dossier
Maison de la culture – Te Fare Tauhiti Nui
Rencontre avec Coco Hotahata, chef du groupe Temaeva, Vaehakaiki Urima chef du groupe Toa Hiva et John Mairai.
Rédaction : VH
Le concours de chants et danses du Heiva i Tahiti commence le 3 juillet. Cette nouvelle édition regroupe 14 groupes de danse et autant de groupes de chants, qui s’affronteront amicalement sur l’aire de spectacle de To’ata. Si les prestations promettent d’être un délice pour les yeux et les oreilles, elles sont également, et ce depuis sa naissance il y a plus de 130 années maintenant, un hommage vivant à notre patrimoine, à notre histoire, à nos légendes et à notre culture grâce aux thèmes développés par chacun des groupes.
Le concours de danse traditionnelle du Heiva i Tahiti est organisé en deux catégories, « Hura Ava Tau » (« amateurs ») et « Hura Tau » (« confirmés »), regroupant les groupes ayant déjà gagné un 1er prix Hura Ava Tau. Chaque groupe doit présenter sur scène au minimum 72 personnes (soit 60 danseurs et 12 musiciens) et au maximum 160 participants (120 danseurs et 40 musiciens) et doit présenter obligatoirement quatre à cinq types de danses traditionnelles parmi les ‘ote’a, ‘aparima, pa’o’a, hivinau et ‘aparima vava ainsi que trois types de costumes : traditionnel, végétal et en tissu. La prestation doit durer entre 45 et 60 minutes. Un temps défini durant lequel les artistes racontent une histoire en musiques et en chorégraphies. Cette histoire, c’est la base du spectacle ainsi que ce qui fait tout le charme du Heiva i Tahiti. Car c’est notre histoire, issue tantôt de légendes, tantôt de faits historiques, ou tout simplement de thèmes qui font la Polynésie d’aujourd’hui, qui est contée lors de chaque soirée de concours.
Catégorie Hura Tau : ils osent tout !
En catégorie Hura Tau, 9 groupes se présentent cette année. Pupu Tuhaa Pae, mené par Arsène Hatitio, racontera sa version de l’histoire de la place To’ata avec « Tarei de Turuaroitera’i à To’ata ». Ahutoru Nui, de Coco Tirao, présentera « Les jumelles Maru Ao et Maru Po ». Heikura Nui, de Iriti Hoto, a choisi le thème « Vaivai te moana ». Tahiti Ora, de Tumata Robinson, présentera pour sa part « Malédiction » ; et Manahau, la troupe de Jean-Marie Biret, contera l’histoire de « Maui ». Tamariki Oparo, de Pierrot Faraire, parlera de « Mairoto, dit Pirimato », un personnage historique de son île, Rapa. Le groupe Temaeva, de Coco Hotahota, contera une partie de la vie des « Arioi ». Tamariki Poerani, de Makau Foster, a choisi pour thème « Le temps révolu » ; et Hitireva, mené par Kehaulani Chanquy, le thème « Motu ».
Catégorie Hura Ava Tau : des thèmes dans l’air du temps
En catégorie Hura Ava Tau, ils sont 5 groupes. Toa Hiva, créé récemment par Vaehakaiki Urima, plus connue sous le nom de « Moon », démontrera « L’importance des bases dans la danse ». Tefana i Ahurai, de Wilson Tokoragi, parlera de « La jeunesse d’aujourd’hui ». Hura Tahiti Nui, mené par Stellio Tairio, présentera « Mia et l’esprit de Fara », quand à Faretou no Haapu, d’Edwin Teheiura, il s’intéressera à « Te Arioi ». Enfin, le groupe Tahina no Uturoa, de Noeline Ihorai, contera l’histoire de « Apetahi, princesse des fleurs du Temehani ».
Le Heiva, d’hier à aujourd’hui
Hiro’a est allé à la rencontre d’un des plus anciens groupes de danse du pays, Temaeva, qui concourt en catégorie professionnelle, ainsi que du plus jeune, Toa Hiva, qui tente l’aventure cette année en catégorie amateur, pour recueillir leur vision du Heiva i Tahiti. La voici.
Coco Hotahota : « Le Heiva, c’est presque vital pour notre pays »
Le groupe Temaeva a 52 ans. C’est l’un des plus anciens groupes de danse du fenua, et cette année marquera sa 37ème participation au Heiva i Tahiti. La toute première fois, c’était en 1962. « Nous n’étions que deux groupes, se souvient Coco Hotahota. Il y avait le groupe de mamie Louise et le nôtre. On a eu le premier prix et mamie Louise le 2ème. On avait dû fusionner avec le groupe de Paulina Dexter, qui s’appelait Tiare Tahiti, pour pouvoir aller au Heiva. Parce qu’en ce temps-là, il n’y avait pas autant de danseurs qu’aujourd’hui, c’était très difficile de réunir du monde. Il fallait arriver à 20 pour aller concourir, et maintenant nous pouvons compter les participants par centaines, ce qui est une excellente chose ! » À l’époque, « nous étions les seuls groupes professionnels, mais il y avait aussi de petits groupes issus des districts. Ils faisaient toute la beauté et le charme du Heiva, parce qu’ils étaient authentiques. Ils venaient avec leur niveau, leurs qualités et leurs spécificités. Quand le district de Tautira venait, il disait : ‘’c’est moi le plus beau’’ ! Alors Papara répondait ‘’non, c’est moi le plus beau parce que ceci et cela’’. C’était ça le concours ! »
Au fil des ans, Coco a constaté une évolution du Heiva, et garde un avis mitigé sur la question. « Ce qui me dérange, c’est qu’il y a trop de règlement. Ça va pour nous, à Papeete, où l’on vit avec notre temps, mais pour les groupes des districts, c’est plus compliqué administrativement parlant – c’est une grosse partie du travail.
Mis à part ça, le Heiva i Tahiti est fabuleux, parce que c’est le seul moment où la population, plus précisément les danseurs et les artistes, peuvent s’exprimer, faire revivre notre langue, nos danses. C’est fabuleux parce qu’ils vont parler de leurs montagnes, de leurs tahu’a, de leurs héros, de leurs légendes. À mon avis, c’est un événement presque vital pour notre pays. »
Vaehakaiki Urima : « La difficulté a surtout été administrative »
Toa Hiva est un tout nouveau groupe de danse créé par Vaehakaiki Urima, plus connue par son surnom, Moon. Comme beaucoup de chorégraphes, elle a voulu tenter l’aventure du Heiva. « Auparavant, j’ai aidé des groupes à y participer, et là je me sentais prête à voler de mes propres ailes », confie-t-elle. Si la partie créative, artistique, a coulé de source pour cette médaillée d’or du Conservatoire, monter son propre groupe n’a pas été de tout repos. « C’était très difficile au départ. Il a fallu que je m’entoure d’une équipe pour m’aider à créer l’association, gérer les costumes, les répétitions. La difficulté a surtout été administrative, pour fournir à temps tous les papiers nécessaires à l’obtention des subventions… Il faut reconnaître que nous manquons de moyens pour la réalisation des costumes. Un autre obstacle de taille : trouver un lieu de répétition gratuit ! Nous avons été refoulés des cours d’écoles et des parkings. A force de m’agiter de partout, j’ai fini, non sans peine, par trouver un endroit où répéter. » Des embûches qui auraient pu faire baisser les bras à Moon, mais « l’amour et la passion de la danse nous a réunis pour créer un spectacle et prendre part à cette nouvelle aventure. Le challenge est de donner à cette jeune troupe un nom, une signature particulière. »
Les tarava, joyaux sonores de notre patrimoine
Ce n’est un secret pour personne, les himene ne sont pas toujours appréciés à leur juste valeur. Pourtant, autant sur le plan technique qu’artistique, ils sont aussi complexes que riches. Selon l’origine du chant, il peut y avoir jusqu’à dix voix superposées. C’est d’ailleurs l’essence même d’un tarava, conçu par superposition de strates sonores, chacune d’elles ayant ses caractéristiques propres. Au Heiva i Tahiti, le concours de chants traditionnels est divisé en trois catégories : Tarava Tahiti, Tarava Raromatai et Tarava Tuhaa pae. Chacune a les particularités d’une région de la Polynésie.
Tarava Tahiti
Les Tarava Tahiti, aujourd’hui, se ressemblent la plupart dans la forme mais diffèrent dans leur exécution. Les voix des meneuses (vahine faa’ara’ra), puissantes et mélodieuses, tranchent avec le tempo, la forme et le timbre des autres voix qui restent relativement neutres.
Dans cette catégorie, ils sont 7 en compétition : Haururu Papenoo, mené par Vetea Avaemai, qui chantera « La légende de Ripo » ; Tamarii Pereaitu, de Narcisse Marurai, sur le thème « Te vahine Moea i te ‘o pua rau » ; Teruarei no Moorea, de Faety Richmond, avec « La légende de Temae » ; Vaiari Nui, d’Aristote Marurai, sur « La célébration d’un mariage » ; Tamarii Teahupoo, d’Adolphe Raveino, qui contera « Les rivières de Teahupoo » ; Tamarii Mataiea, dirigé par Dominique Teriitahi, qui parlera de « L’environnement » ; et O Faa’a, de Pascal Mauahiti, qui présentera « La toponymie de Faa’a ».
Tarava Raromatai
4 groupes prennent part à cette partie du concours : Vaihoataua, mené par Charles U, avec « la légende de Taruia » ; Faretou no Haapu, d’Edwin Teheiura, qui chantera « Hiro et son voyage vers Tahiti » ; Tahina no Uturoa, de Noeline Ihorai, qui parlera de « Apetahi, princesse des fleurs du Temehani » ; et Te Ohi Vaihonuroa, de Jim Vivish, sur le thème « Opoa à Havai nui, où tout a commencé ». Ce chant venu des îles Sous-le-Vent fait preuve d’une grande richesse mélodique. Ses lignes mélodiques sont plus amples et plus variées que dans les autres formes de tarava.
Tarava Tuhaa pae
Enfin, le Tarava Tuhaa pae, qui vient des Australes, est plus dense du fait de ses rencontres harmoniques plus complexes, d’un tempo plus lent, du timbre plus nasillard, du caractère plus linéaire de certaines mélodies. Quelques îles ont même élaboré ou conservé des caractéristiques uniques : les glissements de voix à Rapa, les oppositions de voix d’hommes et voix de femmes à Rurutu. Dans le Tarava Tuhaa pae, on distingue 9 voix : 4 chez les femmes (haamata, tamau, perepere et mape’e) et 5 chez les hommes (tuo, mape’e, maru arata’i, maru tamau, maru puaatoro). À noter que si le nom générique se réfère à l’archipel, chaque île a sa particularité. Le Tarava Rapa par exemple ne ressemble en rien au Tarava Rurutu, Tubai, Rimatara ou Ra’ivavae. Cette année, ils sont 3 groupes à s’affronter : deux de Rapa (Tamariki Oparo, mené par Pierrot Faraire, qui présentera l’histoire de « Mairoto, dit Pirimato » ; Tamarii Rapa no Tahiti, géré par Maurice Tamata, avec « La bataille des rois ») et un de Rurutu (Pupu Tuhaa Pae, d’Arsène Hatitio, sur le thème « Tarei de Tururaroitera’i à To’ata »).
Programme du concours de chants et danses (toutes les soirées commencent à 19h)
Jeudi 3 juillet : 19h, Rahiri (cérémonie traditonnelle) ; 19h40, Toa Hiva (Hura Ava Tau) ; 20h50, Vaihoataua (Tarava Raromatai) ; 21h30, Pupu Tuhaa Pae (Hura Tau)
Vendredi 4 juillet : 19h, Haururu Papenoo (Tarava Tahiti) ; 19h40, Tefana i Ahura’i (Hura Ava Tau) ; 20h50, Tamarii Pereaitu (Tarava Tahiti) ; 21h30, Tamariki Oparo (Tarava Tuhaa pae) ; 22h10, Ahutoru Nui (Hura Tau)
Samedi 5 juillet : 19h, Pupu Tuhaa Pae (Tarava Tuhaa pae) ; 19h40, Heikura Nui (Hura Tau) ; 20h50, Faretou no Haapu (Tarava Raromatai) ; 21h30, Teruarei no Moorea (Tarava Tahiti) ; 22h10, Tahiti Ora (Hura Tau)
Jeudi 10 juillet : 19h, Hura Tahiti Nui (Hura Ava Tau) ; 20h10, Tahina no Uturoa (Tarava Raromatai) ; 20h50, Manahau (Hura Tau) ; 22h, Tamarii Rapa no Tahiti (Tarava Tuhaa pae) ; 22h40, Tamariki Oparo (Hura Tau)
Vendredi 11 juillet : 19h, Faretou no Haapu (Hura Ava Tau) ; 20h10, Vaiari Nui (Tarava Tahiti) ; 20h50, Temaeva (Hura Tau) ; 22h, Tamarii Teahupoo (Tarava Tahiti) ; 22h40, Tamariki Poerani (Hura Tau)
Samedi 12 juillet : 19h, Tamarii Mataiea (Tarava Tahiti) ; Tahina no Uturoa (Hura Ava Tau) ; 20h50, Te Ohi Vaihonuroa (Tarava Raromatai) ; 21h30, O Faa’a (Tarava Tahiti) ; 22h10, Hitireva (Hura Tau)
Jeudi 17 juillet, 19h : soirée de remise des prix
Samedi 19 juillet, 19h : soirée des lauréats
Pratique
Tarifs :
– Du 3 au 12 juillet, soirées de concours : adultes : 3 000 Fcfp (centre), 2 000 Fcfp (côtés) ; enfants (2 à 11 ans) : 1 500 Fcfp (centre), 1 000 Fcfp (côtés)
– Jeudi 17 juillet, soirée de remise des prix : Gratuit sur invitation à retirer auprès de la Maison de la Culture – Tel. : 40 50 31 00
– Samedi 19 juillet, soirée des lauréats : adultes : 4 000 Fcfp (centre), 2 500 Fcfp (côtés) ; enfants (2 à 11 ans) : 1 500 Fcfp (centre), 1 000 Fcfp (côtés)
Gratuit pour les enfants de – de 2 ans sur demande d’un billet « bébé »
PMR et accompagnateur : 1 500 Fcfp
Billets en vente à la Maison de la Culture (hall du Grand Théâtre), du lundi au jeudi de 8h à 18h, vendredi de 8h à 17h, et samedi de 9h à 12h. Sur place 1h avant les spectacles.
+ d’infos : 40 544 544 – www.heiva.pf – FB La Maison de la Culture de Tahiti