N° 79 – Du tapa au tifafai

Rencontre avec Béatrice Legayic, présidente de l’association Te Api Nui o te Tifafai. Source : « Tifafai » – Collection Arts et Traditions.

 

Rendez-vous du 28 avril au 11 mai à la mairie de Papeete pour l’incontournable salon du Tifafai, dont c’est la 16ème édition. Un événement qui permet, chaque année, de mettre à l’honneur ce symbole d’une alliance heureuse : celle d’un savoir-faire traditionnel et d’une technique occidentale, ayant donné naissance à ce métissage artistique devenu l’un des plus beaux reflets de la culture polynésienne.

 

Dans leur petit atelier à l’abri des regards, ou dans leur centre artisanal à la vue de tous, les mama se préparent. À la fin du mois, du 28 avril au 11 mai, elles devront être prêtes à exposer leurs tifafai, l’un des piliers de l’artisanat traditionnel. Pour cette 16e édition du salon du Tifafai, une trentaine d’artisans de Tahiti, de Raiatea et des Australes travaillent sur la création d’un tifafai unique au thème libre. Tout est donc permis. Couleurs, motifs, techniques, les artisanes peuvent sortir des sentiers battus et laisser libre-court à leur imagination, qui sera récompensée à l’issue du salon.

 

Une histoire récente

L’art du tifafai ne cesse d’évoluer grâce aux nombreuses associations artisanales, dont celle qui organise ce salon, Te Api Nui o te Tifafai, consacrée uniquement au tifafai et regroupant une centaine d’artisans. Les membres sont toutes des « tifafaiseuses », comme les surnomment affectueusement Michèle de Chazeaux dans son ouvrage sur le tifafai*, garantes d’un art relativement récent. Le tifafai est né de la rencontre des missionnaires européens avec les femmes de la bonne société qui furent très vite séduites par ces nouveaux travaux à l’aiguille. C’est à Hawaii, en 1820, sur le pont du Thaddeus, que fût donnée la première leçon de couture à quatre dames de haut rang, parmi lesquelles se trouvaient la mère du jeune roi et la veuve de Kamehameha I. La technique du patchwork acquise, l’imagination fit le reste et les premiers « quilts » ou « tifafai » originaux datent de 1858. Cette même année à Tahiti, le pharmacien Cuzent signale la beauté des tifafai qui décoraient la demeure du chefs de Haapape, à Tahiti, le jour du mariage de sa fille.

 

Avant le tifafai, le tapa

Les années passant, la société évoluant, le tifafai s’est démocratisé. Devenu populaire, il constitue aujourd’hui la couverture par excellence, élégance du fare le plus modeste. On pourrait s’étonner de la facilité et de la rapidité avec laquelle cette technique du patchwork est entrée dans les habitudes. Ce serait oublier les techniques anciennes qui permettaient la fabrication d’un tissu végétal à partir d’écorce d’arbre battue, le tapa. Ce travail incombait aux seules femmes qui travaillaient en groupe comme elles continuèrent longtemps à le faire pour coudre les tifafai. Elles savaient décorer le tapa d’appliques dont les motifs étaient généralement d’inspiration végétale : fougère, feuilles de ‘uru. Elles connaissaient l’art d’assembler des morceaux de tissus puisque les maro ura (ceintures rouges) des Ariirahi (grands chef polynésiens) s’enrichissaient de fragments de tapa à l’avènement d’un nouveau chef. L’aiguille, bien que rudimentaire, ne leur était pas non plus inconnue. C’est donc presque naturellement qu’à la désuétude du tapa, concurrencé par le calicot ou la toile de coton, ces dames passèrent d’une technique à l’autre, du tapa au tifafai. Un nouvel ouvrage qui remplit presque les mêmes fonctions que celles, traditionnelles, du tapa. Tous deux sont offerts aux notables ou aux invités et ce don symbolise l’amitié qui lie désormais celui qui donne à celui qui reçoit.

 

Une mode virale

La mode du tifafai n’eut aucun mal à se répandre, d’autant que les voyages interinsulaires étaient encore très fréquents au 19ème siècle. Parvenu dans les archipels des Australes ou des Tuamotu et de la Société, le tifafai a évolué selon l’imagination et l’art propre à chacune des îles. Le terme tifafai désigne à la fois la pièce de tissu et les techniques d’assemblage. Des styles apparaissent selon la technique choisie. Il en existe deux :

• le tifafai pu, mosaïqué, le plus ancien, utilise la technique de l’assemblage de petits morceaux de tissus de même dimension, de couleurs variées qui forment généralement des motifs géométriques, parfois figuratifs et inspirés de la nature. La symétrie est la règle de ces tifafai dont les femmes des Australes, en particulier celles de Rurutu, sont les spécialistes.

• le tifafai pa’oti ou en applique est le plus répandu en Polynésie et surtout dans les îles de la Société. Généralement de deux couleurs contrastées, ces couvre-lits montrent des motifs naturels, fleurs et feuilles, disposés en couronne souvent, toujours agencés de façon symétrique et harmonieuse.

Aujourd’hui, certaines mama innovent : sans pour autant changer de technique, elles composent des scènes historiques et des paysages, avec un rendu inattendu.

 

 

16e Salon du tifafai : Pratique

 

– Du lundi 28 avril au dimanche 11 mai, de 8 à 17 heures,

– Mairie de Papeete

– Ouverture officielle le lundi 28 avril à 10 heures

+ d’infos : Béatrice Legayic, présidente de l’association Te Api Nui o te Tifafai – 72 96 30

 

 

Le saviez-vous ?

Un tifafai bâti coûte entre 15 000 et 30 000 Fcfp ; un tifafai cousu main à partir de 50 000 et plus ; un tifafai cousu machine entre 35 000 et 50 000 Fcfp.

 

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