N78 – Union sacrée

Musée de Tahiti et des Iles – Te Fare Manaha

 

Rencontre avec Theano Jaillet, directrice Musée de Tahiti et des Iles et Tara Hiquily, chargé des collections ethnographiques.

 

La National Gallery of Australia de Canberra organise, du 22 mai au 3 août 2014, une exposition réunissant plus de 80 objets polynésiens connus pour incarner des atua, des dieux. Un ti’i de Tahiti et un tiki des Marquises conservés au Musée de Tahiti et des îles rejoindront cette formidable union sacrée.

 

Un petit tiki des Marquises ainsi qu’un ti’i de Tahiti ont été choisis par Michael Gunn, commissaire de l’exposition « Atua, sacred gods from Polynesia » lors de son passage au Musée de Tahiti et des îles en  mai 2012, pour prendre part à cet événement culturel grandiose. Pour la première fois, plusieurs dizaines de chefs-d’œuvre polynésiens pré-européens dispersés et conservés à travers le monde entier seront réunis pour mettre en perspective la question du sacré et le rôle de ces réceptacles dans la vie des populations à travers la Polynésie* : qu’est-ce qu’un atua ? Qui sont-ils et comment habitent-ils les sculptures ? Quels sont leurs pouvoirs ?

 

De Canberra à Saint-Louis en passant par Tahiti

 

Les deux objets du Musée de Tahiti figureront aux côtés d’œuvres majeures provenant des plus grands musées du monde, parmi lesquels le British Museum de Londres, le Bishop Museum de Honolulu, le Museo Etnologico Vaticano de la cité du Vatican, Te Papa Tongarewa à Wellington, le Musée du Quai Branly à Paris.

L’exposition voyagera ensuite au Saint Louis Art Museum et peut-être au Musée de Tahiti et des îles en 2015, dans une version plus réduite de l’exposition. « Cela serait exceptionnel de pouvoir accueillir au Fare Manaha des œuvres visibles en temps normal dans les grands musées du monde. Nous travaillons sur ce projet avec Michael Gunn et les conservateurs des musées prêteurs. Nous devons désormais trouver des partenariats et des financements pour le réaliser », confie Theano Jaillet, la directrice. « Faire venir ce genre d’expositions internationales – même partiellement puisqu’une vingtaine d’œuvres sur plus de 80 prévues à l’exposition seraient empruntées –représente une occasion unique pour nous de pouvoir admirer ces trésors du patrimoine polynésien qui sont si difficiles d’accès habituellement. »

 

Idoles incarnées

 

Le ti’i rescapé

Ce ti’i a été donné au Musée de Tahiti dans les années 1980. Il a été trouvé dans l’embouchure de la rivière Vaitepiha à Tautira. « Le Musée représente souvent la dernière solution, l’ultime lieu de ‘repos’ pour ces objets chargés de mana, explique Tara Hiquily, chargé des collections ethnographiques. Les gens ont essayé de se débarrasser de ce ti’i, il a même été brûlé – on peut encore voir les stigmates de cette destruction – et comme rien n’y faisait, ils ont fini par le mettre en dépôt au Musée, à l’abri de ses pouvoirs. Cette histoire a fasciné Michael Gunn et c’est pourquoi il a souhaité qu’il rejoigne son exposition ; il recherche des objets chargés. La destruction par le feu est pratiquée par les tahua (prêtres) de nos jours quand ils estiment qu’un ti’i est la cause de malheur, ou de maladie. A l’époque de l’ancienne religion, les tahua devaient enterrer les ti’i la tête vers le bas – le po – lorsqu’ils voulaient s’en débarrasser mais aussi neutraliser leur mana. »

 

Tiki des Marquises 

 

Ce petit tiki de 12 centimètres de hauteur a été acheté en 1976 par Anne Lavondès, première directrice et conservatrice du Musée de Tahiti et des îles, lors d’une vente aux enchères à l’Hôtel des ventes de Drouot à Paris. Il a ensuite intégré les collections du musée. « L’importante usure et la facture exceptionnelle témoignent de la grande ancienneté de ce tiki », indique Tara Huiquily. « La perforation située dans le dos laisse supposer qu’elle servait à le suspendre à un lien, peut-être à la manière d’une plombée de pêche comme on l’a longtemps pensé, mais personne n’en a jamais apporté la certitude ».

C’est probablement la force dégagée par cet objet qui a séduit Michael Gunn. « D’ailleurs, depuis son arrivé au musée en 1976, il fascine tant les personnes qui le voient qu’il est devenu en quelque sorte son emblème ».

Le saviez-vous ?

Le Musée de Tahiti et des Îles possède une collection d’une centaine de ti’i et de tiki, la majorité d’entre eux lui a été donnée par la population.

 

* Polynésie française, îles Cook, Hawaii, Nouvelle-Zélande, Rapa Nui, Fiji, Tonga…

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