N°77 – Quand l’Océanie se pitche
Rencontre avec Benjamin Picard, président de l’ATPA.
L’Oceania Pitch est désormais indissociable du FIFO. Organisé par l’ATPA* pour la cinquième année, il accueille des réalisateurs de toute la région désirant bénéficier d’un encadrement pour mieux valoriser leur projet documentaire auprès des producteurs et diffuseurs, réunis chaque année au FIFO.
Benjamin Picard, président de l’ATPA
« Nous parvenons à offrir aux Australiens et aux Néo-Zélandais un événement qu’ils ne retrouvent pas chez eux »
Avez-vous reçu beaucoup de projets pour participer à cette 5ème édition de l’Oceania Pitch ?
Nous avons reçu une vingtaine d’inscriptions et cette année, nous avons eu un vrai problème de choix pour la sélection, car la majorité des projets était de très bonne qualité. Même si il est difficile de juger sur la base d’un projet théorique, cette année, beaucoup sont particulièrement aboutis.
Comment l’Oceania Pitch parvient-il à se faire connaître dans la région ?
Essentiellement grâce au réseau du FIFO, dont le carnet d’adresses est de plus en plus conséquent. Depuis 5 ans que l’événement existe, il y a aussi de bons échos des professionnels qui se passent le mot.
Il existe des marchés de documentaires d’envergure en Australie et en Nouvelle-Zélande, quelle est la particularité de celui-ci ?
Nous avons désormais une belle crédibilité et nous en sommes fiers, car je crois que l’Oceania Pitch offre aux Australiens et aux Néo-Zélandais un événement qu’ils ne retrouvent pas chez eux. Ils apprécient l’atelier de préparation proposé en amont du pitch et qui est pour les participants un véritable entraînement à la session de pitch puisqu’ils sont « coachés » précisément par les professionnels auxquels ils auraient pu proposer leur projet. L’aspect relationnel est privilégié.
Les diffuseurs francophones et anglo-saxons ont-ils les mêmes attentes ?
Encore une fois, il n’y a qu’au FIFO qu’ils sont regroupés : pour les réalisateurs, c’est une opportunité unique de les approcher. C’est vrai que nous avons des écritures légèrement différentes. Pour schématiser, je dirais que les anglo-saxons sont très factuels et les francophones plus poétiques. Mais cela reste de l’ordre de la nuance et le fait de travailler ensemble permet de s’enrichir mutuellement. Les réalisateurs doivent s’adapter aux diffuseurs à qui ils s’adressent sans perdre leur âme. Pour autant, un bon film est une alchimie qui va au-delà de ces principes. La pertinence d’un message tout comme les émotions sont universelles.
Dirais-tu que l’Oceania Pitch permet de booster la production locale ?
Au même titre que le FIFO, il lui donne un coup de fouet. Tous les ans, il y a un ou deux projets polynésiens et la plupart ont vu le jour. « Les enfants de la bombe », « Ma famille adoptée », « Pouvanaa a Opoa » pour ne citer qu’eux. L’atelier de préparation proposé permet de progresser très rapidement, de se poser les bonnes questions pour avancer. Et c’est bien là notre objectif à l’ATPA : tirer la production locale vers le haut, professionnaliser le secteur audiovisuel polynésien. En cela, l’atelier et la session de pitch sont des expériences qualifiantes.
* ATPA : Association Tahitienne des Professionnels de l’Audiovisuel
Les projets sélectionnés au 5ème Oceania Pitch
Voici un petit aperçu des projets qui seront pitchés cette année…
« Il suffirait d’un miracle »
Laurent Cibien / Anne Pitoiset
France
Certains habitants de Futuna pensent que l’île pourrait devenir la Lourdes de l’Océanie, une destination phare du tourisme religieux…
« Le fabuleux Jimmy Stevens »
Pascale R. Poirier
France
Jimmy Stevens, métis européen, polynésien, mélanésien, est né en 1922 aux Vanuatu. C’est le plus grand prisonnier politique de l’histoire du Pacifique et certainement l’insulaire le plus exubérant que cet océan ait connu.
« Namatjira »
Sophia Marinos / Sera Davies
Tasmanie
A travers l’exemple d’un aborigène et d’un blanc, « Namatjira » nous montre comment l’amitié, la prise de risque et la confiance au-delà de la différence peuvent bâtir un chemin vers une véritable réconciliation.
« Prisoners in Paradise »
Joan Shenton
Australie
Ce docu-fiction raconte l’histoire vraie d’Olivia Gascoigne, Ann Inett et Nathaniel Lucas, qui arrivèrent en Australie avec la première flotte, en 1788. Ils faisaient partie d’un groupe de détenus composé de 6 jeunes femmes et de 9 hommes, sélectionnés pour établir la première colonie sur l’île de Norfolk.
« Taku Ipukarea »
Ngaire Fuata / Nikke Si’ulepa
Nouvelle-Zélande
En 2008, June Hosking et son mari Andrew quittèrent leur vie moderne pour la lointaine île de Mauke. Sans électricité, ni eau courante, ni téléphone, ni revenus, June rêve de créer un mode de vie durable pour elle et son mari, ainsi que pour tous les habitants de Mauke.
« Te Kuhane o te Tupuna »
Leonardo Pakarati
Rapa Nui
Avant de mourir, Noe voudrait raconter à la petite Mika l’histoire du Moai Hoa Haka Nanaia. Il se trouve dans un musée en Angleterre. Noe ne connaît pas ce Moai et ne veut pas mourir sans le voir, Mika non plus.
« The old man of the sea »
Toby Mills
Nouvelle-Zélande
Le film entend suivre le périple de Hec, un marin qui a passé sa vie à étudier, à pratiquer et à partager ses connaissances sur la navigation traditionnelle sans instruments dans le Pacifique.
« The shadow king »
Andrea Distefano / Natasha Gadd
Australia
Le documentaire est consacré à un comédien aborigène de renom, Tom E Lewis, qui se prépare au plus grand défi de sa carrière : créer une adaptation indigène de la grande tragédie familiale de Shakespeare, « Le Roi Lear ».
« William Mariner »
Rebekah Kelly / Annie Goldson
Australie
Docu-fiction basé sur la vie de Will, un mousse de quinze ans engagé sur le navire corsaire « Port-au-Prince », lorsque celui-ci fut saccagé lors d’un conflit sanglant avec les guerriers Tongiens en 1806. Will fut recueilli et adopté par le Roi Finau, et devint son fils et héritier du trône. Will vécut à Tonga avec le roi avant de rentrer à Londres.
« ‘Apa, les pêcheurs du Pacifique »
Fred Henry / Emmanuel Juan
Polynésie française
‘Apa, collection documentaire de cinq films, est une immersion dans le monde des hommes de la mer, de leurs quêtes, de leurs espoirs et leur attentes. Au fil de cette série, on découvrira cinq portraits croisés de pêcheurs différents et complémentaires : pêcheur au fusil, traditionnel, au poti marara, au bonitier et au thonier.
Il en va du pitch comme de la rhétorique !
Fréquemment utilisé dans le monde l’audiovisuel, le pitch est un exercice périlleux de communication orale qui consiste à présenter un projet de film en un temps record (5 minutes) aux professionnels (producteurs, acheteurs, diffuseurs…). Les armes des pitcheurs : crédibilité, passion et persuasion… Cela n’est pas sans rappeler l’art rhétorique qui remonte à l’Antiquité et dont le philosophe Socrate nous apprenait déjà les ingrédients : ethos, pathos et logos.
Ethos : le style adopté pour gagner la confiance et se rendre crédible ;
Pathos : la passion, la persuasion qui fait appel à la sensibilité, aux émotions ;
Logos : la logique, le raisonnement et le mode de construction de l’argumentation.
Plusieurs siècles après, la leçon est toujours aussi vraie !
L’art et la manière
Etre capable de présenter son projet en quelques minutes, capter l’attention et convaincre; tout cela ne s’improvise pas : c’est pourquoi l’ATPA fait venir des coachs, autrement dit des experts es pitch ! Cette année, il s’agit de Hind Saih, productrice et consultante audiovisuel à Paris. Spécialiste du genre documentaire, elle mettra son expérience internationale au service des pitcheurs, acompagnée dans cette tache par trois responsables éditoriaux de renom : Kathryn Graham (TVNZ), Luc de Saint-Sernin (Outre-mer 1ère – France Télévisions) et Anne Gouraud (Planète+ Thalassa).
Pour en savoir plus sur l’Oceania Pitch :
Rendez-vous à la Maison de la Culture jeudi 6 février à partir de 14h30 (sous le chapiteau) pour assister à cette séance de présentation des pitchs toujours très intense !
L’ATPA attribuera un prix au « Meilleur Pitch » (1 000 euros), qui sera décerné lors de la cérémonie de remise des prix du FIFO, vendredi 7 février au Grand Théâtre.