N° 77 – « Océanie » refait surface
Rencontre avec Marielle Issartel.
« Océanie », c’est le titre d’un documentaire de Charles Belmont, réalisé en l’an 2000 lors du 8ème Festival des Arts du Pacifique à Nouméa. Un film d’art sur l’art qui fut aussi le témoin d’une réconciliation décisive à venir… A découvrir absolument le 2 février au Grand Théâtre de la Maison de la Culture. Marielle Issartel, veuve de Charles Belmont, nous présente l’oeuvre… et l’auteur.
Qui était Charles Belmont ?
Il fut d’abord comédien dans les années 1960 avant de devenir réalisateur. Il a réalisé la première adaptation cinématographique du roman de Boris Vian, « L’Écume des Jours », en 1967. Il est également l’auteur de plusieurs documentaires. Dans ses fictions comme dans ses documentaires, Charles Belmont utilise un langage particulier, très audacieux autant dans la forme que sur le fond.
Comment s’est-il intéressé à l’Océanie ?
En 1997, il a réalisé le documentaire « Les Médiateurs du Pacifique », sur la mission de médiation envoyée par Michel Rocard et dirigée par Christian Blanc suite à la prise d’otages d’Ouvéa en 1988. Après avoir réalisé le film « Rak », Charles cherchait un sujet fort pour montrer les valeurs et le pouvoir de la médiation. Nous allions célébrer les 10 ans des accords de Matignon et l’idée des médiateurs du Pacifique s’est alors imposée. Avant ce film, les sept médiateurs n’avaient jamais raconté leur mission. Charles est parti à Ouvéa et il a pu rencontrer les populations concernées, son projet a été accepté par les tribus. Ce fut une très belle aventure, qui a mis en évidence l’action de Jean-Marie Tjibaou. C’est aussi à ce moment que Charles est devenu ami avec Wallès Kotra qui a eu l’idée plus tard de lui proposer de réaliser un documentaire sur le 8ème Festival des Arts du Pacifique*.
Quel est le propos de « Océanie » ?
Le festival a servi de cadre au documentaire. Charles souhaitait avant tout filmer le travail des artistes et comprendre la manière dont ils partaient de leurs traditions et de leurs identités pour en faire un spectacle. Il a eu l’idée d’amener avec lui Ariane Mnouchkine, une des plus grandes personnalités du théâtre français. Il voulait qu’elle soit là pour parler « art » avec les artistes, car c’est bien là le propos du documentaire. Charles voulait également voir, visuellement parlant, Ariane Mnouchkine et Marie-Claude Tjibaou ensemble. « Océanie » est comme une musique, on peut le voir et le revoir comme on écoute une chanson. C’est une œuvre sur l’art, l’œuvre d’un cinéaste qui aime et connaît très bien la danse et découvre celle des Océaniens avec sensibilité et intuition.
« Océanie » est un documentaire resté très confidentiel, pour quelle raison ?
A la fin du tournage, la petite équipe de tournage s’est rendue à Hienghène, chez Marie-Claude Tjibaou. Elle leur a raconté avoir été approchée par le fils de l’assassin de son mari. Elle a dit qu’elle envisageait la réconciliation avec cette famille pour les générations futures, pour aller ensemble vers l’avenir… Et puis ensuite, on a demandé à Charles de couper cette scène au montage car le sujet était trop sensible, ce qu’il a catégoriquement refusé. Charles n’est pas un réalisateur qui fait dans le consensus et le compromis – c’est d’ailleurs ce qui rend ses films si profonds. « Océanie » a été invisible jusqu’en 2009, après que la réconciliation entre Marie-Claude Tjibaou et la famille Wéa ait eu lieu. « Océanie » est passé discrètement sur France Ô en 2009, ainsi qu’au Quai Branly lors d’une conférence de la société des Océanistes. Il a passionné les gens qui l’ont vu, entraînant des débats très intéressants. Depuis que Charles nous a quittés en 2011, j’essaye de faire vivre ses œuvres que je connais très bien – j’ai travaillé en tant que monteuse sur la plupart de ses films, et parfois comme scénariste ou co-réalisatrice. C’est une chance pour les spectateurs du FIFO de pouvoir visionner « Océanie » car c’est un documentaire magnifique qui n’a rien perdu de sa pertinence. En plus du plaisir de découvrir les ballets, les chants, le théâtre en langue ancienne, il soulève des questions qui animent toujours les artistes.
« Océanie »
Documentaire réalisé par Charles Belmont
Production : Key Light Production et France Télévisions
Durée : 1h27min
Français
« Après les Médiateurs du Pacifique, j’ai eu envie de retourner en Nouvelle-Calédonie filmer les Océaniens, réunis autour d’un thème commun à tous les peuples du Pacifique, « parole d’hier, d’aujourd’hui, de demain ». Deux mille danseurs, chanteurs, musiciens, comédiens accostèrent de tout le Pacifique. En faisant ce film, j’ai essayé de trouver un langage qui nous soit commun (artistes/cinéastes) et de faire en sorte que chacun se reconnaisse : qu’avons-nous à voir avec ces gens géographiquement les plus éloignés de nous, et qu’ont-ils à voir entre eux, éparpillés dans l’immense Pacifique ? Le dialogue que j’ai instauré dans le film entre Ariane Mnouchkine et Marie-Claude Tjibaou est emblématique de cet échange. » Charles Belmont
> Dimanche 2 février à 18h30 au Grand Théâtre de la Maison de la Culture.
Sur invitation gratuite à retirer à la Maison de la Culture, dans la limite des places disponibles.
+ d’infos : www.fifo-tahiti.com
Blog consacré à l’œuvre de Charles Belmont : charlesbelmont.blogspot.fr
* A Nouméa en 2000.