Les richesses culturelles de Punaauia
La commune de Punaauia possède un patrimoine et des vestiges culturels connus ou moins connus, bâtis ou légendaires, existants ou disparus. A l’aube de différents projets d’aménagements urbains, l’historienne Joany Hapaitahaa nous dresse un panorama de quelques-unes de ses richesses.
« Depuis Fanatea jusqu’à Te vai’ehu’ehu s’étend Manotahi ou Punauuia. Sa montagne (mou’a) est Orohena. Sa place de réunion (tahua) est Oroperu. Sa pointe est Punaauia. Sa rivière (vai) Taio. Les marae sont Punaauia et Tahiti. Les passes (ava) sont Tua ta miro, Avava ava manini et Nu’uroa », ainsi Teuira Henry, dans l’ouvrage de référence « Tahiti aux temps anciens », décrit Punaauia, pour la situer, comme le veut la tradition polynésienne, à partir des différentes parties de son environnement.
Des vestiges archéologiques disparus mais qui retracent l’histoire
La commune abrite la mémoire de nombreux marae ayant aujourd’hui disparu mais qui restent connus de l’histoire, car observés et décrits par les navigateurs et, plus tard, les archéologues. C’est le cas du marae Tahiti, cité par le capitaine Wilson en 1797, du marae Taumeha que Kenneth Emory décrit dans les années 1930, du marae Rua, fouillé par Handy aux alentours de 1920. Ces trois marae sont des sites classés dont deux aujourd’hui sont détruits.
Le plateau Te Tamanu est un haut lieu culturel de Punaauia. Classé par arrêté gouvernemental de 1952, il s’étend sur 400 hectares sur les terres de Tamanu, Paehaa, Atimou, Te ahuahu et Te apuu. C’est à partir de l’ancien marae Apiriamore que l’on y accède, par le biais de la piste menant au fameux plateau des orangers de Te Tamanu. Les Espagnols sont les premiers à avoir introduit des graines d’orangers à Tahiti, et aujourd’hui, la marche pour atteindre les fameuses oranges est devenue une tradition à laquelle des centaines de « porteurs » participent chaque année.
Des sites légendaires
Comme toutes les communes de Tahiti, Punaauia regorge de sites légendaires, dont voici un aperçu.
Tata’a et l’envol des âmes*
Les Polynésiens pensaient qu’après la mort, l’âme demeurait pendant trois jours dans le corps avant de s’en aller. L’âme se rendait sur la colline de Tata’a où existaient deux pierres : ofa’i ora (pierre de vie) et ofa’i pohe (pierre de mort). Lorsque l’âme atterrissait sur la pierre de vie, elle pouvait retourner à son corps mais si elle allait sur la pierre de mort, elle était séparée de son corps. L’âme rejoignait Tata’a pour se diriger sur le mont Rotui à Moorea afin d’atteindre le mont Temehani de Raiatea. Le sentier était ensuite divisé, le premier pour descendre dans le po, les enfers, le second pour continuer son voyage en passant sur Tupai et rejoindre Maruapo à Punaauia. Le dieu Tutahoroa était à l’embranchement du sentier, il disait à l’âme qu’elle pouvait rejoindre son corps ou tout simplement lui indiquait quel sentier emprunter.
L’empreinte de Pai sur la colline de Tata’a
Pai, fils de Rehia de Tautira a été élevé par Ta’aroa. Il a réussi à venger le décès de sa jeune sœur et de son père grâce à ses talents d’archer. Guerrier de renom, il combat Hiro, car celui-ci voulait emmener le mont Rotui de Moorea à Raiatea. Prévenu par les dieux du terrible projet, Pai se rendit sur la colline de Tata’a, d’où on peut apercevoir le mont Rotui et jeta sa lance sur le sommet qui le perça : Moua Puta. La flèche continua jusqu’à Raiatea pour se ficher au sommet de la colline Matarepeta. On peut apercevoir sur Tata’a l’empreinte du pied de Pai.
La pierre lézard de Te patai
La vallée de Taapuna abritait une pierre lézard localisée sur la terre Te patai. Visible par les passants jusqu’en 2009, elle a depuis disparu. Selon Teuira Henry, dans « Tahiti aux temps anciens », les lézards ou moo sont des dieux pour la famille royale d’Oropaa. La pierre lézard de Taapuna est un moo areva, un lézard à tête relevé et à queue fourchue, il est l’émanation du dieu guérisseur Tipa.
Les fortins
Ils sont le résultat de la guerre dite franco-tahitienne. Le 9 septembre 1842 et après avoir fait pression sur la reine Pomare IV, la demande de protectorat est actée. En 1843, le gouverneur Bruat revient avec le traité ratifié par le roi Louis-Philippe, mais la reine, conseillée par Georges Pritchard, se rétracte et se réfugie auprès du navire britannique Le Basilik, espérant l’intervention anglaise. En 1844, le conflit débute ouvertement entre les partisans de la reine et les troupes du Gouverneur. Dans un premier temps, les troupes rebelles se réfugient à Taravao où Bruat fait ériger des fortifications. Elles se déplacent ensuite sur Mahaena, où le Gouverneur sévit. Les insurgés se déplacent vers les montagnes dans les vallées de la Papenoo, Fautaua et de la Punaruu. Ces affrontements feront des morts dans les deux camps.
Dans la vallée de la Punaruu, sur le plateau Te Tamanu, Bruat fait ériger trois fortins :
- La tour de la roche noire était la plus imposante. Construite en 1846 à la pointe Nuuroa, sur le marae Taputapuatea et à partir des pierres de ce marae, elle a été détruite il y a bien longtemps.
- La tour Perrote est toujours visible, c’est la mieux conservée. Elle est située sur un éperon rocheux au dessus de la rivière Punaruu. On y accède par la route du CFPA (en face du centre commercial Tamanu).
- La tour Bréa, la plus élevée, domine la plaine côtière en faisant face à la passe.
Le peintre Gauguin à Punaauia
Paul Gauguin arrive à Tahiti en 1891 et assiste aux funérailles du roi Pomare V qu’il décrit longuement dans l’un de ses ouvrages. Il fait une première rencontre : Tehaamana, qui deviendra sa compagne et son modèle. Il rentre ensuite sur Paris où il rédigera le livre « Noa Noa », dans lequel il livre son attachement pour la Polynésie et les Polynésiens. En septembre 1895, Gauguin revient sur Tahiti et s’installe à Punaauia où il fait la rencontre de Pahura. Il fait construire sa maison non loin de l’église catholique. A Punaauia, Gauguin peindra notamment « D’où venons-nous, que sommes-nous, où allons-nous ? », l’une de ses peintures les plus connues, et « Nave Nave Mahana ».
* La pointe Tata’a est l’ensemble du promontoire orienté vers le nord-ouest séparant les communes de Faaa et Punaauia et sur lequel a été construit l’actuel Hôtel Intercontinental Beachcomber.