Rencontre avec Tara Hiquily, chargé de collections ethnographiques au Musée de Tahiti et des Iles.
Musée de Tahiti et des Iles – Te Fare Manaha
Rencontre avec Tara Hiquily, chargé de collections ethnographiques au Musée de Tahiti et des Iles.
Les mystères de l’homme-lézard
Il y a peu d’endroits au monde qui fascinent autant que Rapa Nui, une île entourée de mystères avec pour témoins ces gigantesques sculptures qui ornent les côtes et les volcans, les fameux moai. Récemment, le Musée de Tahiti et des îles a reçu un don d’une grande valeur : un moai tangata moko, ou homme-lézard. Un objet rare qui continue de faire travailler notre imaginaire !
C’est Jean Guiart, spécialiste renommé de l’Océanie et ancien conservateur du musée de l’Homme à Paris, installé aujourd’hui en Polynésie, qui a fait don de cette statuette zoo-anthropomorphe au Musée de Tahiti et des îles. « Il m’a confié l’avoir achetée à un marchand américain, indique Tara Hiquily, chargé de collections ethnographiques au Musée. Ce type d’objet est rarissime dans le monde. » Pourquoi ? « Après l’analyse d’un échantillon par Catherine et Michel Orliac, tous deux chercheurs au CNRS et spécialistes de l’île de Pâques, il s’avère que cette sculpture est en toromiro, une essence de bois qui a disparu de l’Île de Pâques peu de temps après l’arrivée des premiers occidentaux (18ème) ». De nombreux « faux » circulent sur le marché de l’art océanien ; il s’agit donc de prendre toutes les précautions nécessaires pour s’assurer de l’authenticité d’un pareil objet, d’autant que le Musée de Tahiti n’en possédait à ce jour aucun exemplaire. Un moai tangata moko similaire est présent dans les collections des musées royaux de Bruxelles. Ce trésor du patrimoine polynésien a aujourd’hui rejoint les collections de l’établissement et le public a d’ores et déjà pu l’admirer à l’occasion de l’exposition « Cook. 1.2.3 ». Il sera par la suite intégré à la nouvelle muséographie, dont la rénovation est actuellement à l’étude.
Moai tangata moko, qui es-tu ?
« La fonction originelle de ces objets reste énigmatique, estime Tara Hiquily. On pense que les moko étaient plantés à l’entrée des troglodytes* dans lesquels vivaient les habitants de Rapa Nui, comme des sortes de gardiens protecteurs. » Ces hommes-lézards révèlent des formes hybrides : une représentation mi-homme, mi-reptile dotée d’un nez et de sourcils saillants, d’oreilles enroulées en spirales, des côtes et une colonne vertébrale apparentes se terminant en queue. On recense actuellement une quinzaine de ces hommes-lézards dans le monde. « Il est très rare que l’on reçoive des dons d’une telle valeur », souligne Tara Hiquily.
ENCADRE
– Dénomination : statuette zoo-anthropomorphe
– Appellation : Moai tangata moko ou homme-lézard
– Origine : Rapa nui (île de Pâques)
– Datation : période du contact (18ème siècle) ou antérieur
– Description : bois de toromiro (sophora toromiro) ; longueur 28,7 cm ;
largeur tête 4,8 cm ; épaule 5,8 cm ; ventre 5,7 cm ; 273 grammes
– Etat de l’objet : excellent état de conservation
* Les centaines de grottes que l’on trouve sur Rapa Nui servaient d’habitats à la population.