10ème FIFO Miroir vivant de l’Océanie- Février 2013
DOSSIER
Maison de la Culture – Te Fare Tauhiti Nui
10ème FIFO
Miroir vivant de l’Océanie
10 ans déjà que le FIFO investit chaque début d’année les écrans de Polynésie pour faire voyager le public en Océanie, une destination riche et multiple, proche et lointaine. 10 ans qu’édition après édition, le festival s’accroît, progresse, s’ouvre, véritable miroir vivant d’une Océanie qui bouge et qui vit. Mais qui se cache derrière cet événement ? La réponse en 10 questions à 10 personnalités qui font battre le cœur du FIFO.
Heremoana Maamaatuaiahutapu, directeur de la Maison de la Culture et vice-président de l’AFIFO.
Quelle est la mission du FIFO et le secret de sa longévité ?
La mission du FIFO, depuis le début, est de faire connaître l’Océanie aux Océaniens d’abord, puis au reste du monde, mais aussi de faire parler les Océaniens de l’Océanie. C’est ambitieux. Il y a eu à l’origine ce constat que dans la région et malgré les nouveaux moyens de communication très performants, on se voit moins que nos ancêtres ! Ils n’avaient pourtant que leurs pirogues pour communiquer… Aujourd’hui, on est davantage au fait de ce qui se passe à New York ou Tokyo qu’à Fidji ou Nouméa. Le FIFO a été imaginé pour recréer du lien en Océanie, retrouver le sentiment d’appartenir à une région. Les documentaires présentés permettent de découvrir et de partager les histoires des uns et des autres, et on a pu se rendre compte de nos nombreux points communs, de nos cheminements : ce sont autant d’expériences inspirantes. L’objectif du FIFO est aussi d’affirmer la présence océanienne au cœur du flux mondial des images, se montrer sur la scène internationale. Si ce n’est pas nous qui faisons cette démarche, il est évident que personne ne la fera à notre place ! Lorsque l’on voit que des documentaires du FIFO sont achetés par France Télévisions ou National Geographic et qu’ils sont diffusés en Europe ou en Asie, on se dit que l’on avance, on parvient à s’infiltrer dans les réseaux ! Quant au secret de la longévité du FIFO, je pense qu’il repose essentiellement sur un terme : rencontre. Le FIFO est né de la rencontre de quelques personnes qui se sont battues pour faire exister l’événement. Rencontre avec les invités du FIFO, des personnalités qui ont permis de la faire rayonner un peu partout. Je pense notamment à Hervé Bourges, Claude Pinoteau, Florence Aubenas, Luc Jacquet, Stéphane Martin, Emmanuel Kasarhérou… Des sommités qui ont rencontré l’Océanie et ont voulu à leur tour en parler. Ils ont fait grandir le FIFO. Rencontre avec le public naturellement, le FIFO étant rapidement devenu un véritable succès populaire. En une décennie, le FIFO a traversé les crises politiques et les changements de gouvernement et il est resté ‘la’ manifestation rassembleuse de l’année, car il touche tout le monde.
Michèle de Chazeaux, productrice et animatrice sur Polynésie 1ère
Qu’est-ce que la sélection officielle de documentaires et quelle synthèse de 2013 peut-on tirer ?
« Cette année, 15 films font partie de la sélection officielle que le jury aura à juger, à récompenser : 15 films choisis pour la qualité de leur réalisation autant que pour l’originalité et l’intérêt du sujet qui doit être obligatoirement océanien. Le FIFO, c’est avant tout un voyage qui promène les spectateurs d’îles en îles à travers le Pacifique, nous emmenant au cœur de sociétés qui évoluent à leur rythme, confrontées avec plus ou moins de bonheur à la modernité et à la mondialisation.
Dés le début, le Festival s’est voulu le gardien de la Tradition, de la Mémoire, il le reste cette année encore avec deux ou trois documentaires que l’on pourrait qualifier d’ethnologiques et qui pour l’un est plein d’humour ! Mais il pose aussi un regard particulier, parfois politique sur des évènements presque contemporains, oubliés plus ou moins volontairement qui pourtant ont marqué profondément la société. Les problèmes de société ont trouvé tout naturellement leur place, on traite d’Education et les Tonga font dans ce domaine preuve d’une utopique originalité ; ou encore de la culture et c’est avec surprise et bonheur que l’on découvre par exemple une troupe de comédiens Maoris qui, dans leur langue, jouent et participent au Festival de théâtre Shakespearien ! Belle revanche ! Le sport, quant à lui, est l’occasion d’échanges de joueurs entre l’Europe et les Samoa ou encore les Tonga, comme si l’exil était aussi une solution économique. Sont dénoncées les agressions dont l’environnement marin est la victime, faisant ainsi du Festival une tribune politique et sociologique, car point de langue de bois au FIFO 2013 ! Un bon cru une fois encore avec un FIFO qui fait preuve de maturité tant dans la multiplicité de ses regards que dans la beauté de ses réalisations. »
Hina Sylvain, responsable des programmes de Polynésie 1ère
En quoi consiste la sélection non compétitive ?
« Les films hors compétition proposés au FIFO sont ceux qui ont frôlé la sélection et qui méritent d’être présentés au public car ils traitent de sujets tout aussi attachants et intéressants. C’est donc une deuxième sélection permettant d’élargir l’éventail des documentaires pour une meilleure représentation de l’Océanie. Ils concourent également pour le prix du Public. »
Gilles Cozanet, directeur de Polynésie 1ère
Que représente le « Grand Prix FIFO – France Télévisions » ?
« Il est le témoignage de l’ancrage de France Télévisions en Océanie, exprimant sa proximité et son implication dans les évènements culturels des Pays et Territoires d’Outre-mer. C’est le rôle du service public de défendre la diversité des expressions culturelles et le genre documentaire, qui est un art majeur de la télévision. Les ‘Grands Prix FIFO – France Télévisions’ décernés lors des neufs précédentes éditions dévoilent et impriment les tendances de l’Océanie. En plus d’avoir clairement incité au développement des documentaires locaux, à travers les aides financières comme l’APAC qui ont été instaurées, le FIFO révèle l’expression des besoins en matière de création. France Télévisions investit et s’investit énormément aux côtés de cette dynamique et les Grands Prix en sont une belle illustration. »
Miriama Geoffroy Bono, coordinatrice du FIFO
Le OFF est de plus en plus important, signe de l’ouverture progressive du FIFO vers d’autres créneaux ? Quelles sont les ambitions du FIFO ?
« Le OFF, c’est l’ouverture du festival à la fiction, à l’image de l’Océanie qui s’ouvre de plus en plus à cette expression. L’avant-première de ‘Kanak, l’histoire oubliée’ que l’on propose cette année montre bien cette tendance. C’est la production qui nous a contactés pour projeter ce film au FIFO, signe que le festival est un miroir pour les Océaniens. Nous avons reçu 110 courts-métrages cette année, parmi lesquels 12 ont été sélectionnés pour la soirée du 11 février. Cette production, tout comme sa qualité, s’étoffent chaque année. Nous avons la présence dans le jury de Léon Narbey, directeur de la photographie du long métrage ‘The orator’, un film samoan primé au festival de Venise. Alors oui, l’Océanie se montre davantage à travers la fiction. C’est révélateur, car la fiction est plus complexe et plus coûteuse à réaliser. L’audiovisuel de la région progresse et se donne les moyens. Quant aux ambitions du FIFO, elles sont d’être toujours plus connu et reconnu. Nous avons la chance d’avoir Greg Germain comme président du jury cette année : en tant que président du OFF d’Avignon, il a évoqué la possibilité d’ouvrir une fenêtre sur le FIFO à l’occasion de ce festival de théâtre, ce qui nous permettrait de toucher de nouveaux publics en France, après Cabourg. Le FIFO aspire aussi à susciter des vocations, localement, à travers l’activité qu’il génère. Ateliers, formations dispensées par l’ATPA et certains partenaires, Pitch, nous essayons d’aider les jeunes à s’orienter vers les métiers de l’audiovisuel. En 10 ans, le FIFO n’a pas cessé de grandir et il est appelé à évoluer toujours plus. »
Cathy Marconnet, productrice, membre de l’ATPA* en charge de l’organisation de l’Oceania Ptich
Le marché du documentaire (pitch), c’est le versant économique du FIFO ?
« A l’origine, l’ATPA et le FIFO ont pensé l’Oceania Pitch pour permettre aux producteurs et réalisateurs de la région d’initier et de financer des projets de documentaires. Plus les projets sont intéressants, plus les diffuseurs viennent y repérer des films pour leurs chaînes. En ce sens, il est un embryon de marché qui prend de l’ampleur chaque année. Mais un marché du documentaire ne se fait pas seulement au stade du développement. Sur les marchés internationaux, beaucoup de films déjà aboutis se vendent. Cela arrive de plus en plus souvent lors du FIFO. Les responsables de programmes repèrent des films en ou hors compétition dans les salles et se mettent en contact avec les auteurs ou les producteurs.
Cette année, toute la difficulté pour les sélectionneurs de l’Oceania Pitch résidait dans la différence des projets. Comment choisir entre une série documentaire très ambitieuse sur le changement climatique déjà vendue à des chaînes internationales dont les producteurs viennent au FIFO pour boucler leur budget et un film de 26 minutes initié par un petit producteur des îles Salomon à qui le pitch permettra de se confronter à la réalité du marché international qui est très formatée ? L’Oceania Pitch a donc un rôle économique mais pas seulement, il porte en lui toute la diversité et l’ambiguïté du continent océanien**. »
Karl Tefaatau, directeur de l’Agence du Développement du Numérique, partenaire de l’organisation des Rencontres Numériques
Quelle est la place des Rencontres Numériques au coeur du FIFO et quelles évolutions locales ont-elles engendré en quatre éditions ?
« Les Rencontres Numériques se sont imposées en l’espace de quelques années comme un élément incontournable et essentiel du FIFO. Elles sont un espace d’échange et de partage entre les acteurs du secteur numérique qu’ils soient privés, publics, locaux et ‘extra-territoriaux’. Outre l’esprit de liberté qui y règne, les Rencontres Numériques sont l’opportunité de faire un état des lieux des avancements, des besoins et des projets numériques en Polynésie française, d’assurer une photographie réaliste du développement des technologies de l’information et d’asseoir les engagements en matière de politique sectorielle pour les années à venir. La dernière édition des Rencontres Numériques aura vu l’annonce d’un nouveau dispositif d’aide à la filière, qui sera cette année présenté aux professionnels. »
Eliane Koller, réalisatrice, membre de l’ATPA*, chargée de l’organisation du colloque des télévisions océaniennes
Le colloque des télévisions océaniennes étant réservé aux professionnels, le public n’en prend pas forcément la mesure. Qu’apporte-t-il à l’audiovisuel océanien ?
« Le colloque des télévisions océaniennes est un événement majeur du FIFO, c’est un moment stratégique qui est une occasion unique de réunir les dirigeants des télévisions d’Océanie et de partager des idées, des initiatives, et des projets à l’échelle du Pacifique. Il témoigne de la volonté des professionnels de la région de valoriser les images du Pacifique, encore trop souvent noyées sous le flux des programmes internationaux. Les opérateurs culturels réfléchissent ainsi ensemble à la façon de rendre plus visible l’Océanie. En six ans, ces rencontres ont été un véritable déclencheur permettant aujourd’hui aux télévisions anglophones et francophones de communiquer malgré les distances et de collaborer tout au long de l’année. Les partenaires ont ainsi pu s’accorder sur de multiples enjeux communs décisifs pour l’avenir de l’audiovisuel océanien. La couverture média des Jeux du Pacifique 2011 a été un bel exemple de cette coopération négociée au FIFO, avec la création d’une Banque d’Images du Pacifique et d’une Banque d’échanges d’émissions ayant permis aux chaînes océaniennes de bénéficier des mêmes images quel que soit leur poids économique. »
Vaiana Giraud, responsable de la communication du FIFO et Heimanu Wallart, chargée des relations presse.
Comment la communication est-elle gérée en amont et pendant le FIFO ?
Vaiana : « Avant le FIFO, il y a un important travail de préparation et d’anticipation concernant l’édition du catalogue, la réalisation du dossier de presse et l’organisation des conférences de presse. Toute l’année, nous animons le site Internet et le Facebook du FIFO à travers des articles, des photos, de petits comptes-rendus des évènements auxquels le FIFO a participé et notamment le Hors les Murs. Pendant le FIFO, il y a tous les rendez-vous médias qui ont été calés auparavant à gérer ; nous centralisons aussi les articles rédigés par l’équipe ‘presse FIFO’ pour les relire, les faire traduire et les communiquer à l’ensemble des médiaux locaux et régionaux (Sydney, Melbourne, Auckland, Honolulu, Nouméa…) qui les relayent. Nous travaillons également avec l’ISEPP, leurs élèves et enseignants pour la parution de la Newsletter du FIFO rédigée par les étudiants. Par ailleurs, nous gérons les partenaires et leurs divers besoins, et assistons l’huissier pour déterminer le film qui remporte le vote du public. »
Heimanu : « Mon rôle est d’aider Vaiana sur tout ce qui concerne les prises de rendez-vous entre journalistes locaux et internationaux et les invités du FIFO. Quelques semaines avant le FIFO, une liste des invités est envoyée aux journalistes pour qu’ils puissent nous faire part de leurs souhaits d’interviews. Sachant que tout ce travail fait l’objet d’adaptations quotidiennes, presque minute par minute pendant le festival ! Le FIFO, c’est une semaine de sport intensif : il faut courir après les invités qui auraient oublié leurs rendez-vous, les journalistes qui se sont trompés de lieux… Sans oublier de mentionner les annulations de dernière minute, auxquelles il faut rapidement trouver une solution de rechange. Ce n’est pas toujours facile mais on y arrive. L’année dernière a été une année très chargée : Près de 55 rendez-vous par jour à assurer sur le site de la Maison de la Culture, à l’hôtel ou sur des plateaux radio et sur des plateaux télé à Faa’a et Papeete ! C’est éprouvant mais quel plaisir de rencontrer chaque année de nouvelles personnalités venues des quatre coins du Pacifique, et aussi de pouvoir retrouver une équipe avec laquelle au fil des ans on se lie d’amitié. »
Khadidja Benouataf, représentante du FIFO à Paris
Quel est ton rôle pour le FIFO à Paris ?
« A Paris, je coordonne les événements ‘Hors les Murs’, comme celui que nous avons réalisé cette année avec le Festival Etonnants Voyageurs à Saint Malo. Une programmation spéciale FIFO a été mise en place avec 10 films projetés, des tables rondes, des invités. Un beau succès et une excellente visibilité, car cet événement accueille 60 000 visiteurs. Le public a été très réceptif. Après la projection de ‘Murundak, songs of freedom’, de nombreuses personnes ont remercié le réalisateur Rhys Graham de leur avoir raconté une histoire qu’ils ne connaissaient pas. L’émotion était incontestablement au rendez-vous. Lors des débats, les questions d’identité et de colonisation ont souvent été abordées. Mais le plus joli compliment qu’on ait eu a été fait au micro de la radio Outremer 1ère par une dame faisant la queue : ‘Quand je vois le petit logo FIFO sur le programme, je sais que je vais voir un bon film’.
J’organise également la soirée FIFO qui a lieu tous les ans en décembre pour présenter la nouvelle édition à la presse, aux partenaires et aux amis du FIFO en métropole. Le 18 décembre dernier, nous avons ainsi accueilli avec France Télévisions une centaine d’invités au Club 13, la salle de cinéma de Claude Lelouch. Je gère également les relations publiques et les relations presse. Pour l’édition 2013, nous sommes fiers d’avoir signé un partenariat avec le magazine Télérama, une référence culturelle ! »
* ATPA : Association Tahitienne des Professionnels de l’Audiovisuel.
** Le projet primé lors de l’édition 2012 de l’Oceania Pitch, « Imulal », a été réalisé et sélectionné en hors compétition au FIFO 2013.