« La pédagogie, c’est l’art de donner envie d’apprendre » – juin 2012

10 questions à

 

Jessie Martin

 

« La pédagogie, c’est  l’art de donner envie d’apprendre »

 

Jessie Martin est coordinatrice pédagogique au Centre des Métiers d’Art, une mission à laquelle elle est dévouée. Si écouter, motiver et organiser prévalent dans son métier, Jessie, qui est aussi peintre et styliste, tente de colorer sa pédagogie avec art et cœur pour favoriser l’épanouissement personnel des élèves.

 

Peux-tu nous parler de ton rôle au Centre des Métiers d’Art ?

Je m’occupe de la coordination pédagogique des enseignements. C’est-à-dire que je suis à la disposition des enseignants pour leur proposer des outils méthodologiques nécessaires à leurs cours, afin, si besoin, de les améliorer. Mon rôle est aussi d’encourager et de conseiller nos élèves dans leurs projets, pour que chacun d’entre eux puisse mobiliser ses ressources et trouver sa place dans la formation. Parallèlement, je donne également des cours d’arts appliqués aux premières années où je m’efforce de faire un « décrassage » de l’œil et de la main !

 

Quel est ton parcours ?

J’ai enseigné à la Maternelle pendant 6 ans, suivi une formation de styliste modéliste en parallèle que j’ai poursuivie en métropole pour obtenir un diplôme d’Arts Appliqués (création textile et stylisme). Je viens du monde de la création, mais j’ai toujours ressenti le besoin d’enseigner. Après avoir fait l’IUFM d’Antony à Versailles, je suis revenue à Tahiti où j’ai enseigné  la couture (Art Appliqué) en collège et au lycée professionnel. Cela fait maintenant 5 ans que j’ai rejoint l’équipe du Centre des Métiers d’Art où j’exerce ce métier varié et très intéressant.

 

Tu encadres notamment les élèves qui préparent leur diplôme, peux-tu nous en dire plus ?

Je les aide à mettre en marche une méthode de travail par rapport au thème qu’ils ont choisi d’exploiter. Quand ils arrivent à ce stade de leurs études, les élèves sont parfois un peu perdus ! Jusqu’alors ils étaient guidés, voire dirigés, et maintenant on leur demande d’agir en toute autonomie. Mon rôle est donc de les rassurer, de les encourager et de les conseiller. Pour réaliser les œuvres qu’ils présenteront en vue de l’obtention de leur diplôme, ils doivent tout d’abord travailler autour de visuels et de documents ; j’essaye de leur donner des clés, des méthodes pour les amener à formaliser leurs émotions. C’est une démarche très intellectuelle d’aboutir à une réalisation et ils doivent trouver l’énergie de la mener jusqu’au bout, en réflexion et en action !

 

La remise des diplômes et le Putahi 3 vont se chevaucher, le mois de juin sera intense au Centre des Métiers d’Art !

Oui ! Enfin, le plus dur aura été fait puisque c’est toute l’organisation préalable qui est primordiale. Il n’y a pas plus important que la préparation je crois. Chaque année, la remise des diplômes est un véritable challenge pour les élèves autant que pour moi ! Avec le Putahi en même temps, cela risque de nous bousculer, mais la venue de tous ces artistes polynésiens est tellement enrichissante. Cet événement est vraiment remarquable, il permet de tisser des liens, de retrouver des savoir-faire oubliés, de découvrir des personnalités hors du commun… Une rencontre qui fait du bien à tout le monde !

 

Tu es aussi une artiste, quelle est ta démarche personnelle ?

Je ne saurais trop comment la qualifier. La création est pour moi un besoin me permettant de digérer mes émotions. Avec un travail et une vie de famille, il est vrai que le temps manque : je me fais violence pour ne pas y renoncer. Que ce soit à travers la peinture, la musique ou la couture, c’est là que je me sens vivante. Sans ces activités, j’ai un vide. La démarche formatrice que j’ai envers les élèves ainsi que leurs réactions m’inspirent beaucoup.

 

Finalement, la pédagogie est un art ?

Je pense que oui ! Elle est avant tout une science mais c’est l’art de donner envie d’apprendre, de trouver des solutions pour accompagner le développement des élèves en cultivant leurs capacités. Une bonne pédagogie peut permettre à certains de littéralement se découvrir et de donner le meilleur d’eux-mêmes, de les amener au-delà de ce qu’ils auraient pu imaginer. Mais la pédagogie exige aussi de l’inspiration, et elle, elle vient du cœur…

 

Comment définis-tu la culture ?

Je n’aime pas ce mot ! Il est tellement mélangé à toutes les sauces que pour moi il ne veut plus dire grand-chose. Je lui préfère les mots mémoire, savoir-faire, héritage… Aujourd’hui, je dirais que je me reconnais assez dans ce Pays et ses traditions mais dans le fond, je me sens « au bon endroit » – ici ou ailleurs – dans mon foyer.

 

Si l’on te donnait des crédits pour développer une action culturelle, que ferais-tu en priorité ?

Je ne sais pas si c’est vraiment « culturel » mais je planterais à grande échelle, car nos enfants en récolteront quelque chose d’utile.

 

Quelle est ta vision de l’art contemporain polynésien ?

On en est au balbutiement, on a un pied dedans. Sans prétention, je pense qu’il va démarrer à partir du Centre des Métiers d’Art, notamment grâce à des évènements tels que le Putahi. Notre directeur Viri Taimana impulse cette dynamique. Il essaye non pas de changer les mentalités – c’est impossible – mais de les habituer aux actions créatives. Inutile de forcer les gens à adhérer à une démarche qui ne vient pas d’eux ! Mon rêve est d’entendre bientôt parler de nos anciens élèves partis étudier aux beaux-arts de Toulon dans le monde de l’art contemporain !

 

Ton meilleur souvenir au Centre des Métiers d’Art ?

Il y en a beaucoup. Si je dois n’en retenir qu’un seul : ma première année de cours d’arts appliqués. Voir comment une mise en place théorique prend vie avec les élèves ; les écouter se questionner, les regarder s’étonner et découvrir peu à peu leurs capacités.

 

 

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