Sabrina Laughlin, chanteuse – Octobre 2012
10 questions à
Sabrina Laughlin, chanteuse
« L’engouement que suscite la culture polynésienne au Japon m’a redynamisée »
Sabrina est plus discrète que ses chansons, dont le succès la surprend presque, notamment au Japon où la chanteuse est très populaire. Sa voix aussi douce que ses mélodies, ses paroles simples et positives dans lesquelles on ressent une vraie passion font de Sabrina une artiste touchante et unanimement appréciée.
Tu reviens sur le devant de la scène après plusieurs années d’absence, qu’est-ce qui t’a motivée ?
J’ai pris mon rôle de maman très au sérieux et depuis la naissance de mon fils en 2006, je m’y consacre… On m’a souvent fait remarquer que notre univers s’adaptait à lui tout entier alors que lui aussi pouvait s’adapter au nôtre ! Depuis, il a bien grandi et j’ai plus de temps pour revenir vers ma passion. D’autre part, cela fait quatre ans que je suis invitée au Japon à l’occasion du Heiva i Tokyo et de voir l’engouement que suscite la culture polynésienne là-bas m’a redynamisée ! Les Japonais aiment et respectent notre culture. Tahiti représente pour eux le paradis, notre danse et notre musique en sont l’incarnation et surtout leur permettent de s’évader du quotidien… On pense que la musique polynésienne ne va pas au-delà de notre récif mais quand on voit le succès qu’elle remporte là-bas, c’est motivant !
Comment t’es tu faite connaître au Japon ?
A vrai dire, je ne sais pas trop ! Probablement par le biais des groupes de ‘ori tahiti, qui utilisent certaines de mes chansons pour danser des ‘aparima. Ce qui est sûr, c’est que j’ai vu l’évolution des tournées en quatre ans : cette année, le public connaissait par coeur mes chansons ! A leurs yeux – et ils ont raison – Tahiti est la destination de rêve par excellence, synonyme de dépaysement, calme, soleil, couleurs… Bien loin de leur quotidien fait de travail, de foule, de buildings, de bruit et de stress ! Ils ont probablement besoin de cette évasion ; on leur apporte du rêve. Quant à mes chansons, j’ai été surprise de voir qu’elles avaient une vie en dehors de Tahiti, cet aspect m’échappait complètement. C’est un des pouvoirs de la musique : elle nous dépasse.
Ce sera la première fois que tu chantes « seule », le 6 octobre au Grand Théâtre, pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Parce que ça ne s’était pas présenté comme ça avant. J’ai toujours donné des concerts avec mon frère Tapuarii car on avait l’habitude de travailler ainsi, en famille. Mais depuis peu il a déménagé, alors il faut bien que je me prenne en main ! Je suis entourée d’une bonne équipe, motivée, je sens que c’est le bon moment.
Tu vas chanter uniquement ton dernier album ?
Non, je vais reprendre des morceaux des deux précédents. Ce sera comme une chronologie de mon parcours de chanteuse.
Quelques mots sur ton album à paraître ?
On a sorti le single « Terehe », car on travaille toujours sur l’album. Pour la première fois, je participe à l’aventure de la production, jusque-là Tapuarii s’en occupait… C’est nouveau et relativement complexe, il faut créer tous les arrangements, tout décider. Mon ambition est de mettre en avant le texte et la voix en restant dans une configuration simple et très personnelle, avec des arrangements légers, pour ne pas avoir une différence énorme entre l’album et le live. Sinon c’est trop décevant pour le public. J’ai composé quelques titres mais la majeure partie d’entre eux revient à Heremoana Maamaatuaiahutapu, qui écrit superbement en tahitien.
Que penses-tu de la musique polynésienne actuelle ?
Elle est bien vivante, il y a pas mal de jeunes qui se lancent et composent dans un style très personnel comme Maruao, Pepena, Maruarii Ateni… Ils utilisent la musique pour s’exprimer, faire partager leurs univers. Certains comme Tikahiri prennent des risques et je trouve ça super, car c’est unique et passionné. Le problème à Tahiti, selon moi, c’est que la création n’est pas toujours valorisée, récompensée… Disons que tu ne gagnes pas ta vie grâce à ça. Mais c’est un faux problème car quand tu es artiste, créer est bien plus fort que la promesse de l’argent ou du succès qui en découlent.
Quelles sont tes références, tes inspirations ?
Question musique, j’aime beaucoup d’artistes ! De Céline Dion à Aerosmith en passant par Bob Marley. Pour ce qui est de l’inspiration, c’est simplement la « beauté » du quotidien. Je suis d’un naturel optimiste et je veux chanter la joie, la simplicité, la beauté de notre Pays. On a tendance à généraliser sur ce qui ne va pas ici, je crois qu’il faut relativiser… En Irak, la situation est grave, mais en Polynésie, on est quand même des privilégiés ! Et je ne pense pas être coupée des réalités quand je dis ça. On est libre et c’est une chance de chaque instant.
Si on te donnait des crédits pour développer une action culturelle, que ferais-tu ?
J’encouragerais les plantations à plus grande échelle. Mon père était agriculteur et aujourd’hui, je cueille et je mange les mangues qu’il avait plantées bien avant ma naissance. Ce n’est pas normal de devoir importer des fruits et des légumes en habitant sur des terres fertiles comme les nôtres !
Pour toi, ça veut dire quoi être Polynésienne ?
Pour moi, ce n’est pas dans le sang mais dans l’amour et le respect que tu portes à ce pays. En ce qui me concerne, m’appeler « Laughlin » m’a longtemps interpellée car ce n’est pas très polynésien ! Mais j’ai appris que le nom ne faisait pas la personne et aujourd’hui je suis droite dans mes savates. Je suis heureuse d’être ici, d’y élever mon fils et de faire partager ma musique.
Un message pour la fin ?
Ouvrez grand les yeux, regardez la couleur du lagon et de la végétation, la subtilité de la forme d’une fleur, d’un papillon, d’un coquillage : on est bien peu de chose… En revanche, on est entouré de merveilles ! Le bonheur n’est pas dans le matériel mais dans ce que tu fais, tu donnes, tu partages et tu reçois.