L’art, trait d’union entre culture et vécu

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Fabienne Peterano et Heira’i Lehartel sont les nouvelles enseignantes du Centre des Métiers d’Art. La première en sculpture et la seconde en Arts Plastiques. Deux jeunes artistes accomplies qui ont décidé d’appréhender leur discipline de prédilection comme un métier de partage, porteur de sens et d’avenir.

 

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Fabienne Peterano : Après un BEP Menuiserie agencement passé à Tahiti, je suis partie faire un Bac Pro Ebénisterie à Tours, en France. Je suis de Nuku-Hiva et chez nous, la sculpture est un peu une histoire de famille ! J’ai enchaîné sur un BTS Ebénisterie à Lyon, puis par l’ESEA* d’Avignon où j’ai obtenu le titre de Sculpteur. De retour à Tahiti pour travailler, j’ai enseigné la menuiserie au lycée de Faa’a pendant 5 ans.

Heira’i Lehartel : J’ai suivi 4 ans d’études d’art en Nouvelle-Zélande, où j’ai obtenu un « Bachelor Visual Arts ». Ce cursus polyvalent apporte autant de théorie que de pratique en photo, peinture – disciplines dans lesquelles je me suis spécialisée – mais aussi vidéo, sculpture, design… De retour en Polynésie, j’ai commencé à enseigner en école maternelle avant de partir faire 3 ans d’IUFM à Paris, je travaillais parallèlement pour la délégation polynésienne à la promotion des arts et de la culture. Mais en revenant à Tahiti, j’ai opté pour le métier d’hôtesse de l’air avant de redevenir enseignante, cette fois-ci en Arts Plastiques au collège de Hitia’a.

 

Comment êtes-vous arrivées au Centre des Métiers d’Art ?

Fabienne Peterano : J’ai fait, l’an dernier, une surveillance d’examen au Centre des Métiers d’Art. J’ai rencontré les candidats, leurs créations et… Viri, le directeur. Le courant est passé entre nous, il cherchait un enseignant en sculpture. Ayant beaucoup apprécié l’état d’esprit de l’établissement, je n’ai pas hésité longtemps à saisir cette opportunité !

Heira’i Lehartel : Je suis venue faire un stage de tressage au Centre des Métiers d’Art dans le cadre de mon enseignement au collège. Comme Fabienne, j’ai rencontré Viri et été agréablement surprise par le projet de l’établissement. Il m’a indiqué qu’il avait besoin d’un enseignant en Arts Plastiques à la rentrée, pour remplacer le départ à la retraite d’Hervé Fay…

 

Comment envisagez-vous votre nouvelle fonction ?

Fabienne Peterano : On est là pour apporter aux élèves notre vécu, notre savoir-faire et nos techniques, mais aussi pour les mettre en confiance et les pousser. Ce qui est intéressant au Centre des Métiers d’Art c’est que les élèves ont déjà un certain niveau, il s’agit donc de les accompagner pour leur permettre d’aller au maximum de leurs capacités.

Heira’i Lehartel : Le Centre est un établissement territorial, ce qui permet de prendre du recul par rapport au programme de l’éducation nationale auquel j’ai été habitué. Le fait d’enseigner à des adultes est intéressant car c’est un public plus mature et autonome, leur motivation est évidente. Cela permet plus de créativité et de pratique.

 

Quelle est votre démarche artistique personnelle ?

Fabienne Peterano : Pour ma part, c’est un questionnement permanent entre ce que nous étions, ce que nous sommes et ce que nous devenons. J’ai, en ce moment, peu de temps pour pratiquer la sculpture à titre personnel, mais je dessine beaucoup pour poser mes idées. Autrement, j’aime travailler le bois avec le métal, la peinture et la dorure.

Heira’i Lehartel : C’est une démarche entre ma culture et mon vécu, avec un passé que je n’ai pas vécu mais qui m’a été transmis. J’essaye de situer cette histoire dans la mienne afin de me projeter. Mon travail est très éclectique en terme de matières et de techniques ; je m’exprime généralement sur de grands formats qui mélangent peinture, bois, sculpture, photo, gravure…

 

Quelle fut votre meilleure expérience artistique ?

Fabienne Peterano : Lors de la présentation du chef d’œuvre de fin d’année à l’ESEA. J’avais réalisé une sculpture en bois inspirée d’un tumu mape, avec une représentation d’un homme polynésien. J’ai volontairement travaillé cette œuvre de façon brute, écorchée presque, pour laisser transparaître les formes et les nœuds du bois dans leur état naturel. J’estime que la nature est bien faite, pourquoi toujours vouloir la lisser, la modifier ? Le jury a été surpris, il avait rarement été confronté à des esthétiques d’inspiration polynésienne. J’ai eu les félicitations, le jury estimant que mon travail avait un esprit particulièrement « vivant »…

Heira’i Lehartel : La première exposition que j’ai faite en Nouvelle-Zélande. Comme c’était justement la première fois que j’exposais, je n’avais aucune idée de la manière dont le public allait juger mes œuvres, s’il allait apprécier, comprendre… C’était très éprouvant mais cette exposition m’a ouvert des portes et donné davantage confiance en moi. Une expérience très significative !
 

* ESEA : Ecole Supérieure d’Ebénisterie d’Avignon.

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