1, 2, 3 anniversaires !
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En 40 ans, 8 ans ou 4 ans, la Maison de la Culture, Cinematamua et le magazine Hiro’a ont participé chacun à leur manière à l’épanouissement de toutes les formes de la culture polynésienne. Un triple anniversaire qui est avant tout celui de l’initiative, du partage et de l’avenir…
Maison de la Culture : 40 ans de création !
En France, le concept des « Maisons de la Culture » est né dans les années 1960 à l’initiative d’André Malraux, alors ministres des Affaires Culturelles. Il annonce qu’une Maison de la Culture par département doit être créée, afin d’offrir à chacun, quel qu’il soit, où qu’il soit, la « tentation de la culture », de permettre une rencontre. « De cette rencontre peut naître une familiarité, un choc, une passion, une autre façon pour chacun d’envisager sa propre condition. Les œuvres de la culture étant, par essence, le bien de tous, et notre miroir, il importe que chacun y puisse mesurer sa richesse, et s’y contempler », écrivait Pierre Moinot, directeur du cabinet de Malraux. La première Maison de la Culture est inaugurée en 1961 au Havre. Contrairement aux autres structures, ces établissements ne sont pas spécialisés, ils doivent abriter aussi bien du théâtre, de la danse que des expositions d’art. C’est dans cet esprit que le gouverneur Jean Sicurani, en poste à Tahiti de 1965 à 1969, entreprend de fonder une Maison des Jeunes – Maison de la Culture (MJMC) : celle-ci verra le jour en 1971 sur le remblai de Paofa’i. Marie-Claire Valène, Jean-Jacques Laurent puis Henri Hiro dirigeront successivement l’établissement. Ce dernier marqua d’ailleurs vivement l’histoire culturelle locale en initiant un véritable renouveau des valeurs et de l’art polynésiens. En 1980, la MJMC devient Office Territorial d’Action Culturelle (OTAC) : un nom dont elle a bien du mal à se défaire aujourd’hui, y compris auprès des plus jeunes ! Geffry Salmon, Francis Stein et Gérard Cowan en seront les trois directeurs. Enfin, le 9 avril 1998 à la suite d’une nouvelle délibération, la structure se transforme en établissement public administratif (EPA) et devient Te Fare Tauhiti Nui – Maison de la Culture (TFTN). Jean-Marc Pambrun, Georges Estall puis Heremoana Maamaatuaiahutapu qui est actuellement à la tête de la Maison de Culture ont, tous à leur manière, marqué de leur empreinte ce lieu unique en Polynésie où s’expriment, depuis aujourd’hui 40 ans, toutes les facettes de la culture.
Des souvenirs à l’avenir
« Je ne me souviens pas précisément de la construction de la Maison de la Culture », avoue Heremoana, qui se rappelle en revanche très bien de la pièce de théâtre « Papa Penu, Mama Roro », écrite par son père Maco Tevane et jouée lors de l’inauguration du Grand Théâtre en 1973. « Je faisais office de souffleur », s’amuse-t-il. Heremoana ne se doutait pas que quelques années plus tard, il serait amené à diriger l’établissement… « On m’a nommé directeur en 2002 avec pour objectif de redresser la barre. Le défi m’a intéressé et avec l’ensemble du personnel présent, nous l’avons relevé. La création du pôle communication a permis à la Maison de la Culture d’élargir son public, de renforcer ses actions à tous les niveaux. L’établissement a été créé à l’origine pour soutenir et accompagner la renaissance de la culture polynésienne, aujourd’hui, nous valorisons toutes les formes culturelles et artistiques dans l’intérêt général. L’établissement s’est ouvert, reflet de la société multiculturelle dans laquelle nous vivons ». Ateliers, musique, danse, concours, salons, bibliothèques, expos, du FIFO au Hura Tapairu en passant par Cinematamua, des cours aux animations en passant par les projections, la Maison de la Culture dispose en effet d’une offre considérable ! « Il y en a pour tout le monde et, lorsque ce n’est pas gratuit, les prix sont raisonnables », poursuit Heremonana. Ce que le directeur déplore cependant, c’est le manque de projets et de financements dédiés au théâtre en ma’ohi. Voilà pourquoi 40 ans plus tard, pour célébrer le double événement de l’anniversaire de la Maison de la Culture et de la réouverture du Grand Théâtre, l’équipe de l’établissement a souhaité remonter « Papa Penu, Mama Roro », chef d’œuvre du théâtre tahitien ! « En espérant que ça rallume une flamme auprès de la population », espère Heremoana. Et dans 40 ans, elle sera comment la Maison de la Culture ? « A l’image de la culture, qui est imprévisible ! »
Lorsque le rideau se leva…
170 000 personnes viennent chaque année applaudir les spectacles de la Maison de la Culture, admirer ses expositions, participer aux ateliers proposés, profiter du cyber espace ou encore consulter les 34 000 titres de la médiathèque. Des structures très appréciées donc, conçues il y a 40 ans par de brillants maîtres d’œuvre : Michel Prévot et Christian Rigaud. Pour l’occasion, nous avons réussi – non sans peine ! – à retrouver Michel Prévot, qui a bien voulu se remémorer l’histoire de la création de la Maison de la Culture… « Ce bâtiment est né des dispositions voulues par André Malraux, ministre des Affaires Culturelles. C’est le gouverneur Sicurani qui a réussi à obtenir des crédits pour le lancer. Il a refusé deux projets parisiens imposés par le ministre car il les jugeait inadaptés à l’environnement polynésien. » Il faut savoir que le gouverneur Sicurani a laissé en Polynésie le souvenir d’un grand bâtisseur, c’est en partie à lui que nous devons la rénovation de la ville de Papeete et l’aménagement du front de mer, avec les édifices du GIE Tahiti Tourisme, de l’Assemblée, la résidence du gouverneur et la Maison de la Culture, tous imaginés par Prévot et Rigaud. « Nous avons voulu concevoir les bâtiments dans un style conforme aux traditions tahitiennes, avec de grands toits pentus. Nous avons opté pour des bois lamellés collés, c’était la première fois que ce matériau était utilisé à Tahiti. Ils sont indéformables. Nous avons travaillé avec l’entrepreneur Patrick Siu (Sin Tung Hing) », se souvient Michel Prévot. Le chantier du Grand Théâtre est intervenu deux ans après les premiers bâtiments (bureaux, bibliothèques, petit théâtre). « Malgré des crédits limités, Sicurani a exigé la construction d’une grande salle de spectacles car il n’y en avait aucune. Il jugeait important de pouvoir mener une politique culturelle et touristique à la hauteur. Avant la fin des travaux de la Maison de la Culture, Sicurani est retourné en métropole, où il est devenu secrétaire général du Président Giscard, mais il a suivi le projet à distance jusqu’au bout. La salle a été ouverte pour permettre une ventilation naturelle mais nous avions prévu qu’elle puisse être fermée un jour pour la climatiser. » Michel Prévot a conservé un extrait d’un article du Los Angeles Times, daté du 17 février 1974 et écrit par Franck Riley, journalise américain qui avait assisté à la cérémonie d’ouverture du Grand Théâtre. Son article est titré « Le rideau se lève sur un nouveau Tahiti » et encense la qualité de l’ouvrage, « un très beau théâtre à mi chemin entre le Music Center de Los Angeles et l’Opéra de Sydney ». Rien que ça ! Mais, comme le conclut Michel Prévot, « un lieu matériel, aussi beau soit-il, n’a aucun intérêt sans les hommes qui l’animent et le font vivre ».
Cinematamua, 9ème saison du cinéma d’autrefois
Lancées en septembre 2003 par l’Institut de la Communication Audiovisuelle et la Maison de la Culture, les projections Cinematamua rencontrent immédiatement un vrai succès, révélateur de l’engouement du public pour la (re)découverte de son héritage culturel. Tout a commencé en mai 2003 par une trouvaille : celle d’un fonds audiovisuel et sonore dans les réserves de la Maison de la Culture, regroupant plus de 1 400 archives ! « J’ai décidé de les confier à l’ICA, explique Heremoana Maamaatuaiahutapu, directeur de la Maison de la Culture. Notre rôle n’est pas de conserver, poursuit-il, nous n’en avons ni les moyens, ni les compétences. » Eric Bourgeois, directeur de l’ICA, reçoit ce précieux don et l’Institut s’atèle immédiatement à l’inventaire et à la numérisation de ces données d’une valeur inestimable pour le patrimoine collectif : des films de Henri Hiro, une copie du film « Tabu » de Murnau, des enregistrements du Heiva de 1982 à 1994, des interviews, etc.
« On perd beaucoup plus du présent que du passé »
« Une fois que le travail de sauvegarde a été réalisé, ajoute Eric Bourgeois, on s’est dit que ce serait bien de montrer ces oeuvres ! L’idée de départ était de mettre en place un ciné-club à la vidéothèque de la Maison de la Culture. Lors de l’annonce de la première projection, l’entrée gratuite nécessitait d’aller chercher un ticket : on s’est retrouvé avec environ 1 000 tickets ! » Les organisateurs ont été obligés de se rabattre sur le Petit Théâtre pour faire face à cette affluence et de proposer 3 séances à la suite ! Depuis, les projections Cinematamua ont migré au Grand Théâtre et accueillent plus de 12 000 spectateurs par an. Une offre culturelle populaire et entièrement gratuite, qui a incité le public à volontairement faire des dépôts privés à l’ICA. Leurs films sont ainsi restaurés, numérisés et conservés dans de bonnes conditions. « Cela nous a permis de découvrir des images incroyables que l’on n’avait plus ou pas, se réjouit Eric Bourgeois, sur Pouvana’a Oopa, Motu uta, la venue du général De Gaulles, l’atterrissage de l’hydravion à Papeete… Sur le moment, on ne réalise pas l’importance des images que l’on peut tourner, c’est pourquoi on perd beaucoup plus du présent que du passé. Or, ce qui paraît banal aujourd’hui sera très intéressant demain. On en prend de plus en plus conscience. L’image est un médium puissant qui permet de conserver et de partager la mémoire collective. »
En 8 ans, ce sont plus de 250 films qui ont été restaurés dans le cadre de Cinematamua et ce mois-ci sera celui de la 76ème projection à la Maison de la Culture. Des dizaines de séances ont également été organisées lors d’évènements culturels ici comme ailleurs dans le monde (FIFO, Mahana Pae, expositions, festivals, etc.). La formule du cinéma d’autrefois, comme le veut l’heureux intitulé « cine matamua* », plaît et ne demande qu’à évoluer. « On aimerait proposer des séances itinérantes dans les îles, assure Eric Bourgeois. Aujourd’hui, avec le câble et la dématérialisation des fichiers, c’est la porte ouverte à de nouveaux projets. » A suivre…
Hiro’a, 4 ans déjà : la culture à l’épreuve de la solidarité
Septembre 2007 – septembre 2011 : 4 ans déjà ! Vous être en train de lire le 48ème numéro de votre magazine culturel mensuel. On pourrait presque parler de record de longévité pour un journal institutionnel, qui a réussi à se maintenir malgré le climat politique et financier que nous connaissons. Une persistance que l’on doit à la volonté de tous les directeurs et chefs de service de la culture, unis contre vents et marées pour nous ouvrir les portes de leur travail. « La publication du magazine Hiro’a est un mouvement de cohésion que j’ai cité en exemple lors des assises du service public, déclare Yolande Vernaudon, chef de l’inspection générale de l’administration de la Polynésie française. Ce rapprochement du secteur culturel, hors orientation politique, est exemplaire et précurseur. La raison d’être de ces assises était justement de faire bouger le périmètre, de donner des axes prioritaires. Les acteurs culturels semblent avoir compris avant tout le monde qu’il est temps de faire mieux avec moins… En Polynésie, le paradoxe de la culture est remarquable : on la considère comme celle par qui une grande partie de problèmes pourraient être résolus, et pourtant, elle ne représente que 1% du budget du Pays. Les cinq ateliers des assises ont mis en avant la culture, la nécessité de pouvoir se positionner ; il n’y a qu’ainsi que l’on peut être à l’aise pour le reste. On remarque que l’argent est aspiré par le social et la santé avec 15 milliards de déficits. Si la population allait mieux, ces domaines d’actions seraient moins sollicités. Les gens sont malades car illettrés, ils ne comprennent pas les messages de santé publique. La culture et l’éducation doivent être les priorités du Pays ; ils sont la base de tout ! Une charte de l’éducation vient d’être adoptée à l’Assemblée*, elle vise à reformuler les finalités de l’éducation en Polynésie française. Car il ne suffit pas d’ouvrir des écoles partout, la qualité de l’enseignement doit suivre. Preuve que la logique de moyens à ses limites ; ce que le secteur culturel a très bien intégré en étant solidaire. »
Au-delà de cette cohésion, Matani Kainuku, conseiller pédagogique et chef de la troupe de danse Nonahere, reconnaît que le magazine Hiro’a rend possible « la connaissance et la compréhension des informations actualisées ou re actualisées sur le plan culturel. Hiro’a permet d’accéder à la culture gratuitement, faisant de lui un outil pédagogique intéressant. Il représente une porte ouverte à la connaissance en général. Ce magazine est essentiel dans le paysage de la Polynésie française car il offre à tous une information claire et précise de la culture vivante polynésienne ».
Longue vie à Hiro’a !
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* Matamua : ancien.
* Vous pouvez consulter la charte sur www.assemblee.pf/textes/document.aspx?id=50749