« L’Art, c’est une bête sauvage »
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Installé depuis 1994 à Moorea, Jean-Luc Bousquet persiste dans une œuvre atypique, nous promenant dans ses paysages intérieurs au plus profond de l’âme humaine. Son œuvre est tendue, sombre et intérieure. Il ne regarde pas le décor mais interroge : le sujet, dont il explore les attitudes, la trahison gestuelle… Un artiste qui échappe à toutes les étiquettes.
Qu’est-ce qui t’as occupé ces dernières semaines ?
Les turpitudes communes et quotidiennes de la vie, l’amour, la mort, la souffrance du monde, la peinture et le chantier de notre futur maison…
Peux-tu nous résumer ton parcours d’artiste ?
Je n’ai pas fait d’école d’Art. J’ai sans doute reçu un don du ciel qui a pris la forme d’une casserole d’eau bouillante renversée sur mon pauvre petit corps de bébé de tout juste 1 an, traumatisme déclencheur du monstre d’intériorité que je suis devenu. J’ai toujours dessiné, creusé mon souterrain, seul, jusqu’au jour où, revenant d’un voyage à travers les civilisations majeures de l’histoire de l’Art, Italie, Grèce, Égypte, j’ai rencontré Manuel Taraio, peintre portugais avec qui j’ai travaillé pendant un an. C’est là que j’ai appris les éléments techniques de la peinture à l’huile, « à l’ancienne », qui m’ont permis de décoller et d’élaborer la recette de ma potion magique. La suite n’est qu’une succession de lévitations ; les aventures du cerveau.
Quelles sont tes sources inspiration ?
Le sujet, la singulière conjugaison du « je ». L’homme, la femme, l’androgyne. L’humain, la comédie humaine. Le décor ne m’intéresse pas.
La peinture : métier ou passion ?
Évidemment, les deux. Il n’y a que dans la passion que l’on touche l’au-delà. Et ça, c’est un sacré boulot ! Un métier : appris, perçu, percé. La fatigue, le harassement qui amène ses joies et ses peines. Un métier, c’est un savoir-faire. De la passeuse de serpillière au lanceur de satellites, c’est plein de noblesse.
Ta plus grande satisfaction au cours de ta carrière ?
Avoir quitté le fonctionnariat et l’enseignement pour la peinture.
Et la pire des déceptions ?
Ne pas avoir réussi dans la musique et m’être fait arnaquer plusieurs tableaux, soit environ 6 mois de travail, par une Galerie.
Quel est ton souhait pour l’art contemporain en Polynésie ?
L’art contemporain, c’est quoi ? Un de nos derniers ministres valseur a sorti un gros livre très cher que personne ne lit sur l’émergence du « machin ». L’art contemporain s’explique longuement apparemment. Ça m’énerve un peu les beaux discours de surface. Je préfère les profondeurs silencieuses. Quand l’Art est bon, c’est bon, il n’y a rien à dire, il n’y a qu’à boire le nectar. Sinon, c’est du cochon. Cela dit, il y a eu des actions remarquables organisées par l’association TPAE (TransPacifiqueExpress), notamment les expositions organisées chaque année au Musée de Tahiti et des Iles grâce à la gentillesse, le soutien et le concours de Jean-Marc Pambrun. Occasions rares et précieuses pour l’Art vivant de s’exhiber timidement. Je ne souhaite rien pour l’Art, contemporain ou pas. L’Art, c’est une bête sauvage, incontrôlable, indomptable. Comme pour le fou, la question se pose pour l’artiste de sa place dans l’espace social. Et ce que je souhaite, c’est ne pas vous prédire la mort de l’imaginaire. Prenons garde qu’en s’accrochant trop au passé, on en oublie d’inventer le futur.
Quelle est ta définition de la culture ?
La culture est une alternative à l’existence de Dieu.
Si demain, on te donnait des crédits pour développer des actions, quel serait le projet qui te tiendrait le plus à cœur ?
Faire des petites vitrines d’exposition à installer dans les rues et à distribuer dans les commerces, afin d’y exposer, en collaboration avec les établissements scolaires, les travaux d’enfants.
Un message à faire passer ?
Je n’aime pas les gourous. Et si j’avais un message, je ne ferai pas de peinture, naufrage des certitudes dans l’océan des doutes…