« Le documentaire met parfois le doigt sur une souffrance »
Michèle de Chazeaux fait partie du jury de présélection des films du FIFO depuis le début. Tous les ans, elle visionne des centaines de documentaires pour en garder, après discussion avec les autres membres du comité, « le meilleur ». Aucune subtilité ne lui échappe, mais le plus étonnant est le souvenir précis qu’elle garde de toutes ces heures d’images lui permettant de nous révéler toutes les questions soulevées par ces documentaires en 8 ans. Identité, tradition, politique, environnement, santé, quotidien, le documentaire nous fait découvrir des réalités parfois difficiles mais toujours enrichissantes.
On pourrait avoir l’impression que le documentaire montre essentiellement ce qui ne va pas…
C’est vrai que le documentaire met bien souvent le doigt sur une souffrance. Il dénonce ce que beaucoup ignorent – volontairement ou non – et sert pour les protagonistes d’alarme, de porte-voix. Personnellement, j’ai appris tellement des documentaires du FIFO sur des situations sociales, politiques ou autres dont j’ignorais tout ! C’est un privilège de pouvoir visionner ces films porteurs de messages forts, inattendus parfois.
En regardant tous ces documentaires justement, as-tu le sentiment que l’Océanie est en danger ?
Non. Plus je vois de films et plus je me dis que l’Océanie est un continent méconnu, même pour nous qui y habitons. Certes, l’Océanie connaît les mêmes inquiétudes ou problèmes que le reste du monde – certains cependant lui sont propres – et elle les traite de façon particulière. On sent que les traditions sont fragiles, mais la volonté est grande de leur redonner toute leur place. Les témoins des connaissances de la culture ancienne disparaissent peu à peu, d’où l’importance d’un événement comme le FIFO, qui transmet ce savoir. Le FIFO doit prendre encore plus d’envergure internationale, afin de permettre au Pacifique de dépasser la seule connaissance mythique et touristique que le monde en a.
Avec le recul, quelle analyse tires-tu des problématiques soulevées par les éditions du FIFO ?
Au début, les documentaires étaient particulièrement liés aux problématiques culturelles, à la rencontre entre la modernité et la tradition, qui se joue partout en Océanie, mais sous des angles différents. Puis sont arrivés les films australiens et néo-zélandais, très axés sur les problèmes d’insertion, mêlés à l’histoire particulière de ces pays. L’environnement a ensuite fait son apparition, on a réalisé à quel point c’est un souci majeur pour les îles (réchauffement, climatique, montée des eaux, etc), notamment pour la Nouvelle-Calédonie où l’implantation des usines, véritable moteur économique, se fait au détriment de l’élément naturel. Sont apparus aussi plus récemment des documentaires scientifiques, sur la santé par exemple. Sida, obésité, deviennent des fléaux inquiétants. La politique trouve aussi sa place avec par exemple les documentaires sur la revendication indépendantiste des Papous de Papouasie Nouvelle-Guinée de l’ouest, qui souhaitent se faire entendre. On a toujours des portraits : artistes, meneurs d’hommes, personnages hors du commun, qui permettent de toucher une réalité sociale souvent marginale.
Toi qui as déjà vu les films du FIFO 2011, que peux-tu nous en révéler?
C’est la cuvée du 21ème siècle ! Les documentaires du FIFO ont toujours mêlé tradition et modernité, cette dernière devenant une réalité plus flagrante. C’est véritablement les questions d’actualité qui sont mises en avant dans ce FIFO 2011. Quel choix de vie peut-on faire, quel destin sera réservé aux élèves océaniens dans un système occidental, comment lutter contre la violence, notamment envers les femmes, etc. ? On a le sentiment que les caméras ont suivi des personnages dans leur quotidien, dans leur questionnement intime et partagé. On est dans la réalité, le passé est toujours en toile de fond, mais de façon moins prégnante. Finalement, le documentaire océanien semble suivre des modes et des mouvances, faisant du FIFO un festival au contenu sinon précurseur, tout au moins très actuel.