« L’extrême diversité du monde est fascinante »
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Le FIFO peut encore s’enorgueillir cette année de recevoir un hôte de marque en la personne de Luc Jacquet, cinéaste français qui a notamment reçu l’Oscar du meilleur documentaire en 2006 pour « La marche de l’empereur » et de nombreuses récompenses pour « Le renard et l’enfant ». Malgré la variété des sujets, des angles et des images des films de Luc Jacquet, tous ont pourtant tous un point commun : ils racontent la nature, cette réalité fantastique qui sans le documentaire reste difficilement perçue. Interview.
Comment concevez-vous votre rôle de président du jury du FIFO ?
Comme un grand moment de bonheur ! En tant que réalisateur, on ne voit malheureusement pas souvent le travail des autres. Cela me permettra d’apprécier les documentaires d’une région que je connais peu et d’une culture que je n’appréhende pas forcément, tournée vers la mer, les tropiques… De quoi attiser et satisfaire ma curiosité !
Tahiti est aux antipodes de votre terre de prédilection, l’Antarctique, avez-vous des attentes particulières en venant ici pour la première fois ?
Non, et c’est un principe : je ne prépare aucun de mes voyages pour rester ouvert à tout ce que je vais rencontrer, histoire de ne pas avoir de préjugé. Je me dis juste qu’on se fait facilement au climat chaud, et que la diversité des gens, des paysages et des cultures m’intéresse. Je suis tout simplement heureux et curieux de venir.
Les animaux sont le coeur de vos films ; quel animal aimeriez-vous filmer en
Polynésie ?
Le corail. Je sais que ça ne paraît pas très spectaculaire au premier abord, mais lorsqu’on commence à s’y intéresser, le corail est un véritable monde en soi, plein de vie et passionnant. En tant que réalisateur, c’est mon rôle de faire découvrir au public ce qu’il ne voit pas nécessairement à l’œil nu, d’amener son regard vers ce qui ne se voit pas toujours, de nourrir sa sensibilité en le plongeant dans un univers à part.
C’est donc le monde animal dans sa globalité qui vous fascine ?
Oui, je n’ai aucune préférence pour un animal, un sujet en particulier. L’extrême diversité du monde est la vraie chose qui me fascine.
Qu’est-ce qui vous a le plus appris au cours de votre carrière ?
Dans notre métier, on apprend tous les jours, de tout et de tout le monde. Chaque film que l’on fait remet en question le précédent… C’est cette dimension de chercheur, d’artisan même, de quête sans fin qui m’anime. Je suis meilleur aujourd’hui qu’il y a 10 ans et beaucoup moins bon que dans 10 ans.
Quel regard portez-vous sur l’Océanie, sur le cinéma océanien ?
Ce sera une grande découverte. Je connais un peu l’Australie, la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande. Toutes ces cultures sont pour moi très exotiques, je suis donc particulièrement motivé pour les rencontrer, voir ce qu’elles ont à montrer et à dire.
Selon vous, qu’est-ce qu’un « beau documentaire » ou un documentaire « réussi » ?
C’est à la fois la rencontre d’une réalité et le regard particulier porté sur cette réalité. Le documentaire n’est pas objectif, selon moi, il est le travail de quelqu’un qui tient une caméra et raconte sa vision du monde à ceux qui n’ont pas l’opportunité de le voir tel quel. C’est une forme d’expression libre, j’apprécie lorsque la subjectivité du documentaire est assumée. La narration de la réalité demande une énergie considérable, à laquelle la rigueur de la fiction doit être apportée. Ce mélange des genres n’est pas facile, mais l’intérêt du documentaire tient justement à cette force qu’il possède et que la fiction ne peut pas reproduire.
Y a-il des documentaires qui vous ont particulièrement marqué ?
Les documentaires animaliers de David Parer, réalisateur australien, m’ont fait rêver quand j’ai commencé ce métier. Cela peut paraître banal, mais plus jeune, les films du Commandant Cousteau m’ont littéralement transporté… Il a contribué à faire découvrir la vie sous-marine au grand public comme personne auparavant.
Quels sont vos projets en ce moment ?
J’en ai bien entendu 100 000 ! Je suis en train d’achever, après 2 ans de travail, un scénario sur les peintres de la préhistoire. Un sujet qui me permet de revenir aux origines des relations de l’homme et de la nature. Il est intéressant de constater que la première manifestation artistique de l’homme a consisté à peindre des animaux. Comme si pour se représenter lui-même, l’homme avait d’abord dû personnifier la nature. Par ailleurs, avec l’association que j’ai créé « Wild Touch »*, nous travaillons avec Francis Hallé, botaniste à l’origine du radeau des cimes**, à la réalisation et au financement d’un documentaire axé sur la sauvegarde du patrimoine naturel : « Forêt tropicale humide ». Au rythme de la déforestation actuelle, il n’y aura plus de forêts primaires tropicales dans dix ans. Nous souhaitons laisser un témoignage aux générations futures sur ce qu’étaient ces grandes forêts sauvages d’Afrique, d’Amazonie et d’Asie du sud-est, autant de témoins de l’origine et de la puissance de la vie, source de la biodiversité.
Un message à nos lecteurs en attendant le FIFO ?
Je n’aime pas donner des leçons. J’ai juste envie de dire que je suis impatient de les voir au FIFO !
* Voir www.wildtouch.org
** Radeau des cimes : structure gonflable couplée à une montgolfière, qui permet l’accès à la canopée, la cime des forêts primaires. Cet outil de prospection a été mis au point dans les années 1980 par le botaniste Francis Hallé, l’aéronaute Dany Cleyet-Marrel et l’architecte Gilles Ebersolt.