Le ukulele ape, pour jouer en beauté…

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Passionnée de dessin depuis sa plus tendre enfance, Vaihere s’est orientée vers la sculpture pour donner forme et vie à ses croquis, « trop tristes » sur le papier. Elle vient de réaliser un ukulele en bois de Kaori et Incrustations de Tou. Un noble mariage qui souligne la finesse de la réalisation artistique.

Vaihere a d’abord eu envie d’explorer la thématique des plantes médicinales, qu’elle souhaitait mettre en avant pour signifier leur importance dans la société polynésienne. Puis, d’esquisses en croquis, elle s’est finalement fixée sur la feuille de ape, abandonnant le strict cadre qu’elle s’était imposé au départ, tout en restant dans un univers végétal. « J’aime beaucoup l’esthétique de cette feuille, précise-t-elle. J’ai eu envie d’essayer de la dériver en sculpture ».

Sur la base d’un authentique ukulele[1] – en tant que véritable instrument de musique et pas seulement objet décoratif-, la jeune artiste a choisi de reproduire notamment les ajours de la feuille de ape. « Je souhaitais les utiliser pour rendre l’objet à la fois esthétique et pratique, développe-t-elle : en même temps qu’ils aèrent le ukulele, ils peuvent servir de poignées pour le tenir en bandoulière. J’avais également envie d’imiter l’effet de gondolement des feuilles. J’ai donc modulé le bois et alterné les tons clairs et foncés du Kaori et du Tou, choisi pour mes incrustations, afin de jouer sur les effets de lumière. Le premier étant un bois importé de Nouvelle-Zélande, je voulais utiliser également une essence polynésienne. J’aime particulièrement les couleurs du Tou : il est clair à l’extérieur, marron foncé à l’intérieur et strié de nombreuses nervures, permettant de multiples nuances et dégradés. ».

Si le résultat final est plus que concluant, Vaihere, en artiste exigeante, se dit qu’elle peut mieux faire. « Quant on est trop satisfait de son œuvre, explique-t-elle, on stagne. C’est toujours mieux de repousser ses limites et même ses attentes. Je préfère donc me dire que je suis capable de plus, ça me permet d’avancer ».

« Le CMA, de solides bases pour l’avenir »

Elève consciencieuse et assidue, aujourd’hui en troisième et dernière année au Centre des Métiers d’Art, Vaihere analyse avec beaucoup de recul l’image de l’artisanat dans le paysage culturel polynésien, plus particulièrement la place qu’il occupe dans la conscience collective. Quand elle a commencé ses études d’art, elle s’est entendu dire qu’il n’y avait pas de « bas » métier. « C’est dire à quel point l’artisanat a perdu de sa splendeur et combien les gens ont des préjugés sur ce secteur, déplore-t-elle. Et pourtant, c’est un volet de notre culture que l’on ne peut négliger. Ça a même été difficile de faire accepter à mes parents ma décision de venir étudier ici. Pour eux, une fille doit travailler dans un bureau, avoir un boulot sécurisé. Heureusement maintenant ça va mieux, surtout depuis que je suis partie à Shanghai faire des démonstrations de gravure sur le pavillon de la Polynésie française, à l’occasion de l’Exposition universelle. C’est ce qui est bien dans cette école : on nous envoie régulièrement à l’extérieur pour nous nourrir d’échanges culturels. Entre autres enseignements de qualité, ça nous donne de solides bases pour l’avenir. Aujourd’hui, avec le bagage que j’ai, je me sens assez mature pour partir aux beaux-arts en métropole ».

Légende photo : A tout juste 22 ans, Vaihere est déjà une artiste de talent. Elle a aujourd’hui toutes les cartes en main pour intégrer les beaux-arts en métropole – son projet de départ, qu’elle n’a pas abandonné.


[1] C’est Maurice Chebret, de Pamatai, qui a réalisé les instruments fournis aux élèves du CMA pour ce travail.

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