Têtes coupables, oeuvres remarquables !
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4ème édition de l’exposition collective d’art contemporain organisée par Trans Pacific Art, avec la collaboration active du Musée de Tahiti et des Îles. Après « Mana », « Tapu », « Aux jardins des délices », découvrez les productions des artistes de Polynésie sur le thème des « Têtes Coupables ». Impatients, nous avons souhaité découvrir un avant-gôut de cette exposition en écoutant la démarche de deux peintres : Miguel Hunt et Patrick Guichard.
Miguel Hunt
Miguel Hunt, d’origine Argentine, est un peintre autodidacte engagé. Mais pas n’importe quel engagement : celui de la réflexion et du questionnement. Après s’être fait connaître en remportant le concours « Une idée pour un déchet » en 2009, pour lequel il avait réalisé une sculpture-lampe à partir de grilles de barbecue et autres récupérations métalliques, Miguel Hunt a également participé à l’édition précédente de l’exposition Trans Pacific Art, « Au jardin des délices ». Son oeuvre ? Un gigantesque ruban – symbole de la lutte contre le Sida – réalisé avec des pierres, du bois, monté à l’envers et orné d’une croix. « Mon idée était de dire que sans protection, pas de jardin des délices. Lorsque j’ai fait cette oeuvre, le Pape venait de déclarer en Afrique que l’utilisation du préservatif ‘aggravait’ le sida, c’est pourquoi j’ai voulu ajouter la croix », explique-t-il. Le problème du Sida lui est cher, il prépare d’ailleurs actuellement un film sur le sujet, avec l’association locale « Agir contre le Sida ». Artiste, scénariste, même combat : derrière chaque oeuvre, audiovisuelle ou picturale, il y a un scénario, celui de la pensée, de l’être qui cherche à comprendre l’origine des maux de la société dans laquelle nous vivons, à mettre en doute nos certitudes, à les relativiser… Peu importe les questions qui restent en suspens, Miguel Hunt met en forme ce mystère et prend des risques. A l’image de l’oeuvre monumentale qu’il a réalisée pour l’exposition Trans Pacific Art de cette année, sur le thème des « Têtes coupables » : un immense portrait du Che Guevara, avec, en fond, le drapeau cubain matérialisé par des canettes de Coca-Cola. « Le Che sucite beaucoup de polémiques. C’est une figure marquante et incontournable de l’histoire de l’humanité. J’interroge les têtes coupables de son histoire, comme dans un Cluedo. Qui est coupable de quoi ? J’aime m’interroger et interroger le spectateur sur des personnages ou événements à la fois emblématiques et controversés. C’est une manière d’éveiller les consciences. Je ne défends pas la politique du Che, mais sa détermination : il a mis ses idées en pratique, s’est battu pour rendre l’Amérique Latine libre ; en cela, il peut être une source d’inspiration pour beaucoup d’autres pays aux prises avec de grandes puissances. » A méditer et à aller voir au Musée de Tahiti et des Îles !
Patrick Guichard
C’est l’île de Taha’a qui a réveillé le pinceau de Patrick Guichard, après de longues années de sommeil. Lui qui avait commencé le dessin très jeune avait mis son trait entre parenthèses, le temps de mûrir, certainement, son envie créatrice. La lumière des Raromatai l’incite à s’asseoir devant un chevalet, seul avec ses couleurs et ses idées. De passage en France, il peaufine son style, s’enrichit des conseils d’experts, développe son art et fait ses premières expositions. A Ua Pou puis à Tahiti, où il réside actuellement, il continue de s’exprimer sur la toile, mêlant divers matériaux : bois, soie, feuille d’or et d’argent… Sa peinture symbolique nous balade entre figuration et abstraction, entre perfection du mouvement et harmonie des tons. « J’aime faire transparaître la liberté. La peinture n’est pas mon gagne-pain, je fais donc ce que je veux. Je peins avant tout pour moi. Je ne cherche pas à faire du beau, du pratique ou du décoratif. Mais lorsque mon tableau est terminé, je considère qu’il ne m’appartient plus, mais à celui qui le regarde. » Puriste, Patrick Guichard signera cette année sa première participation à l’exposition Trans Pacific Art. « Le thème m’a beaucoup plus : les ‘têtes coupables’, c’est très évocateur ! Sur deux grands panneaux et à partir de feuilles d’or, j’ai fabriqué une sorte de momie à la manière des Mélanésiens, mais elle représente un Européen. Derrière elle, des ordures et une bombe atomique sont figées ». Le titre ? « Homo Occidentalis Vulgaris ». « J’avais envie d’une oeuvre à la fois humoristique et percutante. Ma tête coupable, ici, c’est la colonisation. Attention, je ne fais pas acte de contrition. Je regrette juste que la France ne reconnaisse pas ‘simplement’ sa responsabilité dans les essais nucléaires, entre autres. Je regrette que la vraie histoire de la Polynésie ne soit pas enseignée à l’école, qu’il faille la découvrir par soi-même. Habituellement, je ne peins pas pour exprimer des revendications mais le thème m’a inspiré ce message, qui me tient à cœur. Je crois qu’aujourd’hui il est temps de réécrire l’histoire, ensemble. »
Exposition d’art contemporain : « Les têtes coupables »
L’association Trans Pacific Art organise depuis 4 ans une grande exposition d’art contemporain en partenariat avec le Musée de Tahiti et des Îles. Pour l’occasion, plus de trente artistes prennent part à celle-ci en réalisant une oeuvre autour d’un sujet commun. Cette année : « Les têtes coupables », clin d’oeil au roman de Romain Gary dont l’intrigue se déroule à Tahiti. Mais chaque artiste laisse libre cours à son inspiration pour interpréter ce thème comme il l’entend à travers son art : peinture, vidéo, sculpture, photographie, etc. Humour ou gravité, provocation ou intrigue, vous êtes invités à vous laisser surprendre lors de cette manifestation artistique unique.
Où et quand ?
– Au Musée de Tahiti et des Îles
– Du 21 avril au 5 mai
– Du mardi au dimanche, de 9h30 à 17h30
– Entrée : 600 Fcfp / gratuit pour les scolaires et étudiants
– + d’infos : 58 34 76 / www.museetahiti.pf