« La télévision doit être le miroir de notre société, de notre culture »

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Mateata Maamaatuaiahutapu est la nouvelle directrice de l’antenne et de la programmation à TNTV. Issue du monde du journalisme et de la communication, Mateata prend ses nouvelles fonctions avec détermination et souhaite accorder une place de choix à la culture à TNTV. Mais pas n’importe quelle culture : celle qui se vit et nous ressemble.


Peux-tu nous en dire plus sur ton rôle de directrice de l’antenne et de la programmation à TNTV ?

Je dois veiller au contenu et à la qualité de ce qui passe sur notre antenne, avec un objectif final : informer, instruire et distraire, dans le respect de notre ligne éditoriale. Je travaille sur la grille des programmes, sa cohérence et son attractivité. C’est un travail d’équipe qui se fait avec les membres du comité de direction. Ensemble, nous réfléchissons aux  choix des thèmes des émissions et des débats, à la sélection des films et émissions…

Une grosse partie de mon travail consiste également à prévoir… les imprévus ! Si un match de foot est programmé en direct et que la pluie empêche son déroulement, je dois trouver de quoi le remplacer. Il faut être capable de se projeter et d’anticiper, de gérer les détails et en même temps d’avoir une vue d’ensemble.

Quelle est ton actu en ce moment ?

Je travaille avec le comité de direction sur la prochaine grille de rentrée. C’est intéressant pour une chaîne car elle doit à chaque fois innover et tenter de correspondre aux tendances du moment. Cette année, nous allons nous attacher à développer encore plus la proximité et les émissions culturelles. Le challenge est de faire plus avec moins, ce qui est tout à fait possible à condition de mieux rentabiliser les productions.

Peux-tu nous éclairer sur les rumeurs quant à la fermeture de TNTV ?

TNTV ne va pas fermer !  Du moins, c’est mon vœu le plus cher. Cette chaîne est essentielle. Face à la mondialisation culturelle, la Télévision a un rôle essentiel à jouer dans le renforcement de la diffusion de programmes locaux.

La TNT* arrivera l’an prochain et proposera 10 chaînes gratuites, nous avons déjà TNS* (avec ses 13 chaines), internet etc., si TNTV disparaissait, comment les Polynésiens feront-ils pour se voir ? Comment nos enfants vont-ils pouvoir s’approprier leur quotidien et se réapproprier leur passé ? Allons-nous laisser notre culture disparaître, noyée par ce tsunami d’images venues de l’extérieur ?  TNTV a plus que jamais sa place et les décideurs le savent bien.

Ton sentiment sur la place de la culture à la télévision, ici ?

La culture est notre cœur de métier. Quel serait l’intérêt pour la chaîne publique du Pays de ne passer que des séries étrangères ? Notre mission est de faire du local et de la proximité. A l’époque de la création de TNTV en l’an 2000, le rapport déposé à l’Assemblée préconisait de faire minimum 3h de production locale quotidienne. Nous en produisons à ce jour 4h30, dépassant donc n’importe quelle télévision locale d’outre-mer et de métropole. TNTV a respecté et même augmenté son obligation de réaliser des émissions locales et de proximité. Mais nous devons faire attention à ce que la quantité ne nuise pas à la qualité et c’est là que nous allons retravailler notre manière de produire. Parfois, il vaut mieux faire un peu moins, mais mieux ; donner plus de temps aux journalistes et aux producteurs pour préparer, travailler, tourner, monter et réaliser leurs émissions. C’est le souhait du directeur général de la chaîne.

Ce côté « proximité » est-il, d’après toi, le point fort de la chaîne ?

Bien sûr. On nous reproche parfois de faire des débats « indigestes » en langues régionales (marquisien, paumotu, ma’areva) ! Nous, nous en sommes fiers, car notre chaîne reflète ainsi la diversité culturelle polynésienne !  Les habitants des îles sont heureux d’avoir ces émissions, et, aussi peu nombreux soient-ils, ils ont droit eux aussi de faire parler d’eux. De tels programmes sont importants. Mais nous prenons en compte les critiques, et prévoyons d’ailleurs de les sous-titrer, voire de les programmer en prime time, car ces débats sont très intéressants et mériteraient d’être compris par le plus grand nombre.

La culture à la télévision se résume-t-elle à la langue ?

Bien sûr que non ! Lors de mes études de journalisme, j’ai lu un ouvrage dans lequel il était écrit : « la télé est un formidable outil d’apprentissage et une arme contre l’étroitesse d’esprit« .  Cette phrase m’a particulièrement marqué. Je pense que TNTV peut être cette arme, dans le sens positif du terme ! Ce n’est pas qu’une question de langue, mais de représentativité du lieu dans lequel nous vivons et de sa population. La culture à la télévision, c’est donc la possibilité de parler de nous tous et d’échanger. Il peut aussi bien s’agir d’un spectacle de danse chinoise que d’une expo d’art contemporain, en passant par une émission littéraire ou une compétition de va’a. Les émissions en langue tahitienne sont primordiales, tout le monde est d’accord sur ce point et encourage leur progression. Mais paradoxalement, ce sont aussi les moins regardées. Elles doivent exister bien sûr, mais la télévision a aussi des impératifs économiques, des logiques d’audience qui induisent des revenus publicitaires dont nous avons besoin pour l’avenir. Il faut donc trouver la bonne formule. Le challenge est là !

Même à la télé, la culture n’est pas rentable ?

Il est moins cher d’acheter des programmes étrangers, des films, des séries, des documentaires, que d’en réaliser localement.  Produire de la culture a un coût et ne rapporte pas forcément ! Mais peu importe, nous la revendiquons,  ne serait-ce qu’en mettant des documentaires sur les îles en prime time, ou en déprogrammant des séries à succès, pour les remplacer par des films d’Henri Hiro par exemple, lors de l’hommage que la chaîne lui a rendu tout au long du mois de mars. En Polynésie, nous avons en plus la chance d’avoir un terreau propice, car les gens sont attachés à leur culture et y sont très sensibles. A condition de savoir la montrer sous toutes ses formes, aussi bien anciennes que modernes. On a trop souvent tendance à réduire la culture au passé : au contraire, la culture est ce qui vit.

Que faudrait-il pour encourager la production culturelle locale ?

De l’argent ! L’APAC* a été mise en place récemment, ce qui est positif mais malheureusement insuffisant. L’audiovisuel polynésien démarre à peine, ce secteur emploie localement 200 personnes pour le moment…. C’est peu. Mais tant que le domaine ne se professionnalisera pas davantage, qu’il ne sera pas plus soutenu, nous en resterons là. Pourtant il y a du potentiel, il faut donc s’accrocher et y croire.

Si on te donnait un gros budget pour développer une action culturelle à la télévision, que ferais-tu ?

Je réaliserais des séries locales, des films, des productions drôles et fraîches, qui ressemblent et qui parlent à notre jeunesse. La télévision est la première institution de la démocratie de masse, elle a du pouvoir et je l’utiliserais pour faire passer des messages de civisme et de respect des valeurs, faire en sorte qu’elle soit capable d’apprendre tout en distrayant. Tout un programme !

Un message ?

II faut continuer à faire vivre notre culture et en même temps accepter qu’elle ne se limite pas aux vestiges du passé. La télévision a certes un rôle important à jouer au niveau de la préservation de la culture, mais elle doit aussi servir à son épanouissement présent.

* TNT : Télévision Numérique Terrestre

* TNS : Tahiti Nui Satellite

* APAC : Aide à la Production Audiovisuelle et Cinématographique

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