La richesse culturelle insoupçonnée de Takaroa – Takapoto
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En 1722, le navigateur hollandais Roggeveen (re)découvre les Tuamotu, que l’on appelle alors « l’Archipel Dangereux », en raison de la difficulté à naviguer entre ces centaines d’îles à fleur d’eau. Le monde commence réellement à s’intéresser à ces atolls vers 1850 pour le commerce des huîtres nacrières. Au début du 20ème, ils deviennent des terres de mission : protestants, catholiques et mormons se livrent à une course à l’évangélisation.
Si l’histoire rapporte des faits – quelques traces écrites de ces incursions existent -, ce sont véritablement les études archéologiques et ethnologiques menées sur place* qui ont permis de mettre en avant les multiples richesses de trois atolls ne formant qu’une commune : Takaroa, Takapoto et Tikei.
Mandaté par la Compagnie des Indes Occidentales, le navigateur Roggeveen est chargé de rechercher les Terres Australes… Le 19 mai 1722, l’Africaansche Galley, un de ses navires, échoue sur le récif de Takapoto. Dans la nuit, il envoie deux coups de canons de détresse, mais en vain. 31 membres de l’équipage ont pourtant la vie sauve. Durant son séjour à Takapoto, Roggeveen comptabilise une vingtaine d’habitations. Le 24 mai 1772, il quitte l’atoll. Cinq matelots restent sur place. On ne saurait dire ce qu’ils sont devenus, en revanche, l’on sait que la pratique de cannibalisme était monnaie courante. Des ossements ont même été retrouvés non loin de l’épave, ils ont récemment été déplacés sur le lieu-dit sépulture Ovahana.
La nacre à Takapoto
En 1880, l’archipel des Tuamotu est définitivement annexé à la France. C’est le début du commerce de la nacre et de la perle : les lagons furent écumés par les commerçants, et ce jusqu’en 1965. On évalue à environ 800 tonnes de nacres produites dans les années 1880 dans l’archipel, nacres envoyées directement en Europe (beaucoup en Angleterre et en Allemagne, un peu en France). Un siècle plus tard et avec l’essor de cette activité, Takapoto accueille même la seconde ferme perlière du Pays.
Takaora, enclave mormone
En 1906, sous le commandement du capitaine James Leslie et de son second Ochenden, le quatre mats County of Roxburgh part de Caldera au Chili pour atteindre Melbourne, en Australie. Le navire n’arrivera jamais à bon port, puisqu’il fait naufrage lors du terrible cyclone de 1906 sur le récif de Takaroa.
En 1844, les premiers missionnaires Mormons atteignent la Polynésie. Les « elders », c’est-à-dire frère Grouard et Pratt, s’installent à Tubuai et à Anaa. Sur cette dernière, un conflit éclate avec les catholiques, conséquence direct de l’échec de la mission en 1852.
En 1911, des religieux s’installent à Takaroa, leurs efforts remportent un vif succès puisqu’à l’heure actuelle plus de 90% de la population se réclame de confession mormone.
Vestiges archéologiques
L’atoll de Takapoto compte 22 marae, témoins principaux du passée pré-europée. Il semble que les structures éloignées du village soient mieux conservés que celles proches des habitations. Toutefois, force est de constater que la majeure partie de ces marae ont été détruits ou sont en mauvais état. Si l’homme est un facteur de dégradation, les aléas climatiques, à l’instar du cyclone ravageur de 1906, sont aussi des causes incontestables de cette détérioration. outre des marae, de nombreuses sépultures subsistent, pour quelques-unes associées aux marae, ainsi que des fosses à culture (maite), attestant de l’activité économique de l’atoll.
Takaroa compte quant à lui 19 marae. Nombre de ces structures, toute comme sa voisine, sont ont disparues ou sont endommagées. Le marae sacré serait pour sa part localisé près de la piste d’aéroport. Takaroa abrite aussi le fameux four ou ahima’a du légendaire héros Moeava.
Les fosses à maite sont également légion, probablement en raison de la pauvreté du sol et du manque d’eau, obligeant les habitant à pratiquer la culture en fosse. Cette dernière permet aux plantes (taro, banane, ti) de bénéficier d’une humidité constante car proche de la nappe phréatique.
L’atoll de Tikei
Accoster sur l’atoll de Tikei est une véritable difficulté. Réserve naturelle des habitants de Takapoto-Takaroa, Tikei n’est pas en reste sur le plan culturel.
L’intérieur de l’île, bien que densément recouvert de pandanus, possède une zone asséchée, ainsi que des points d’eau marécageux. Auprès de cette dernière se trouve un marae, en partie détruit. Toutefois, il est encore possible d’en dégager ses limites. Il est composé de deux marae, celui recensé porte le nom de Teavatea. Près du campement, on peut aussi trouver un tupa’ira’a, vestige évident des premiers colons. Une pierre de bornage a aussi pu être localisée sur l’atoll.
Souvenirs et avenir…
La commune de Takapoto-Takaroa regorge de souvenirs historiques qui témoignent d’un riche passé, où deux sociétés se sont croisées.
Sur place, les vestiges nous rappellent que de nombreux navires ont fait naufrage, que l’activité perlière fut intense et que l’implantation des mormons se révéla une réussite… Et ils ne sont pas les seuls, quelques phares anciens subsistent encore, témoins d’une population qui tourne son regard vers la mère nourricière. Une prison sur l’atoll de Takapoto datant de 1873 atteste de la dureté de la vie, des conflits existants au sein d’une société en proie à une économie marchande sans vergogne…
Aujourd’hui, le Service de la Culture et du Patrimoine entend préserver et étudier les sites, développer une politique de mise en valeur qui permettrait à tous de se réaproprier et de transmettre l’histoire peu connue de ces atolls isolés au coeur de l’immensité de l’Océan.
* Le Service du la Culture et du Patrimoine a mené trois études sur la commune entre 2004 et 2006, dans le cadre du PGA (Plan Général d’Aménagement), en compagnie du service de l’Urbanisme et d’autres services administratifs.