Le centre culturel Tjibaou : de l’idée à la réalisation…
Nous vous l’annonçons dans notre rubrique « Culture bouge » : la Polynésie va bientôt se doter d’un centre culturel ! Un projet aussi excitant que complexe, qui ne cesse de mûrir dans l’esprit des acteurs culturels locaux. L’occasion de faire un petit tour du côté de nos voisins Calédoniens, fiers détenteurs du centre culturel Tjibaou, et de vous le présenter, afin de s’imprégner de leur expérience quant à la réalisation d’un projet d’une telle envergure…
Entre l’idée de départ du Centre culturel et son ouverture, combien de temps a-t-il fallu ?
[singlepic id=268 w=320 h=240 float=left]
C’est en 1990, un an après l’assassinat de Jean-Marie Tjibaou le 4 mai 1989 sur l’île d’Ouvéa, que le Président François Mitterrand, sur proposition du Premier Ministre Michel Rocard, décide de la construction d’un centre culturel qui portera le nom de « Jean-Marie Tjibaou ». Le projet est confié à l’Agence de Développement de la Culture Kanak (ADCK), créée en 1988, et intégré aux Grands Travaux de la République parmi lesquels figurent notamment : la pyramide du Louvre, la Bibliothèque Nationale de France… Huit ans plus tard, le 4 mai 1998, le centre culturel Tjibaou est inauguré.
Ce qui a été le plus difficile, mais aussi le plus agréable dans ce projet ?
Ce type de projet est complexe par nature car il nécessite une parfaite coordination entre le projet culturel et sa traduction architecturale. Nous avons eu la chance d’avoir immédiatement un dialogue nourri entre l’architecte maître d’œuvre et le commanditaire, l’Agence de Développement de la Culture Kanak. Ce dialogue doit beaucoup aux hommes en charge du dossier, l’architecte Renzo Piano et son équipe d’une part, et Marie-Claude Tjibaou et Octave Togna pour l’ADCK. Leur volonté commune d’enrichir ce dialogue en l’élargissant à des personnalités artistiques et culturelles calédoniennes a été très profitable au projet. Conduire ce dialogue n’est pas chose aisée : les positions sont parfois divergentes, les points de vue s’expriment quelques fois sur des champs culturels différents ; mais la volonté commune d’aboutir à une synthèse adéquate a conduit les uns et les autres à trouver les concessions nécessaires. Ce débat se déroula pendant la plus grande partie de ces huit années car, alors que se montaient les murs du centre Tjibaou, le projet culturel s’affinait et conduisait à réduire ou augmenter des surfaces, à modifier les plans initiaux. Ainsi, la médiathèque qui n’était pas prévue d’une telle importance, tient aujourd‘hui une place centrale dans le bâtiment principal. Il en va de même pour les surfaces d’exposition qui ont doublé. Le contexte politique de la Nouvelle-Calédonie de l’époque n’était pas encore apaisé, mais le travail sur le projet du Centre a heureusement fait l’objet d’un consensus politique et a bénéficié de la sérénité nécessaire à son développement sans interférences extérieures. Il me semble que plus les enjeux et les problèmes à résoudre pour un projet de cette ampleur sont grands et difficiles, plus cela stimule les équipes qui y travaillent. Participer à ce projet vous galvanise et vous marque profondément car c’est une aventure autant humaine que technique.
Quels ont été les principaux obstacles (humains, techniques, scientifiques, culturels…) au fur et à mesure de l’avancée du projet ?
L’adhésion du public à un projet culturel est essentielle. Tout a été fait, me semble-t-il, pour permettre au public de se rendre compte de l’avancée des travaux mais aussi de participer activement, et ce dès le lancement du concours international d’architectes. L’exposition des projets architecturaux en compétition a tourné dans tout le pays, permettant le dialogue entre les porteurs du projet et la population. Des réunions d’informations ont été tenues dans les 33 mairies et auprès des 8 conseils coutumiers. Une préfiguration qui a duré de 1994 à 1998, l’année de l’inauguration, a permis de proposer au public, sur l’ensemble du pays, les spectacles, expositions, conférences, etc., que nous avions imaginé pour le centre culturel inachevé. Cette préfiguration a permis non seulement de tester et former les publics, mais aussi d’en recueillir les souhaits et de réajuster nos propositions comme notre communication. Au plan international, un comité international de pilotage composé de personnalités culturelles d’Europe et de la région s’est réuni chaque année, une nouvelle mouture du projet culturel était soumise à sa critique. Cet exercice, parfois difficile pour les porteurs du projet que nous étions, qui avaient l’impression chaque année de passer un grand oral, a été tout à fait nécessaire et s’est avéré très riche, car il nous a permis d’ajuster notre projet à une perspective non plus uniquement calédonienne, mais véritablement régionale et internationale.
Le centre Tjibaou « ressemble » t-il a celui que vous aviez imaginé ?
Le centre tel qu’il a été imaginé au départ et celui qui vit aujourd’hui n’est pas tout à fait le même. Il suffit de voir les images de la maquette du concours d’architecture remporté par Renzo Piano et le bâtiment actuel pour en mesurer les changements ! Pourtant, il me semble que l’esprit est demeuré le même, alors que formes et surfaces architecturales, de même que projets culturels, ont pu évoluer.
Quels sont, d’après vous, les éléments primordiaux pour parvenir à mener à bien un tel projet ?
La volonté politique unanime est, me semble-t-il, une condition de départ. Cette volonté doit confier un mandat clair à un opérateur qui met en œuvre le projet. Le politique valide les grandes avancées du projet mais ne doit pas intervenir au quotidien. La confiance entre politiques et hommes de l’art est une des données primordiales pour ce type de projet qui excède la durée des mandats politiques.
Quel a été votre réaction le jour de l’inauguration ?
J’avais entendu parler du « baby blues », mais je ne savais pas qu’il prenait à ce point aux tripes. Comme beaucoup d’entre nous qui avions tout donné pour ce projet, j’ai ressenti le jour de l’inauguration à la fois une immense joie mais aussi un immense vide… que l’on apprend heureusement à combler !
Pour découvrir le centre culturel Tjibaou, rendez-vous sur http://www.adck.nc