Un trentenaire plein de talents !
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En 1970, le Conseiller Territorial Henri Bouvier proposait à ses collègues la création d’une Ecole Polynésienne des Métiers d’Art, destinée à permettre le développement, l’encadrement et l’enrichissement de la production artisanale locale. Ce ne fut que 10 ans plus tard, le 7 février 1980, que l’Assemblée Territoriale adopta la délibération « portant création d’un Etablissement public territorial dénommé Centre des Métiers de Polynésie française, doté de la personnalité morale et l’autonomie financière ». Henri Bouvier, diplômé de la prestigieuse Ecole Boulle à Paris, créateur mais aussi premier directeur du Centre, avait un double objectif : artistique et social. « Mon but principal est de doubler l’action de formation artisanale par le sauvetage social d’une partie des enfants dont la scolarité se termine à 14 ou 15 ans (…). Sans formation professionnelle, ces enfants grossissent chaque année la masse des prédélinquants condamnés à une vie marginale aussi désespérante que dangereuse », expliquait à l’époque Henri Bouvier*. Ainsi, la jeunesse désoeuvrée trouvait au Centre un refuge, des repères et apprenait un métier : celui de sculpteur ou de graveur sur nacre, leur ouvrant ainsi de meilleures perspectives.
Savoir évoluer avec son temps
« Si les débuts du Centre étaient principalement destinés à offrir une spécialisation artisanale à des jeunes en échec scolaire, la mission comme le public du Centre ont beaucoup évolué », indique Viri Taimana, directeur du Centre depuis 2006. La sélection des élèves par un concours d’entrée n’est pas le seul critère, d’autant qu’elle a toujours existé. Aujourd’hui, on ne rentre plus au Centre des Métiers d’Art par dépit mais par choix. Les prétendants au diplôme sont bien plus conscients de la chance qu’ils ont de pouvoir apprendre des techniques et un savoir dans des conditions privilégiées, et sont déterminés à les exploiter. « L’artisanat n’est pas une voie de garage mais un vrai métier, valorisant et lucratif, si l’on s’y consacre », poursuit Viri. Et les élèves le savent bien. Qui sont-ils, d’ailleurs, ces élèves ? Des jeunes et des moins jeunes, des femmes, des hommes, certains sont diplômés du second degré, d’autres sont en reconversion professionnelle… Impossible de définir une personnalité type (ni, pour terminer de briser les clichés, un rang social !), tant le public est varié. Mais ils ont tous un point commun : la passion de l’art polynésien, océanien, mais pas seulement. L’envie d’apporter sa contribution à son édifice contemporain, d’exprimer son point de vue technique, esthétique et critique.
Un enseignement rigoureux et moderne
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Odeur douce de sciure, bruits d’outils et de machines, alignement de sculptures, élèves imperturbables penchés sur leurs établis. Les ateliers du Centre des Métiers d’Art, désormais trentenaires, conservent un agréable petit air d’antan. Aujourd’hui cependant, les traditionnels umete, tiki ou penu n’hésitent plus à côtoyer des œuvres aux contours et motifs plus osés, et la reproduction d’objets du patrimoine rivalise avec la création contemporaine. Qu’il s’agisse de former des sculpteurs ou des graveurs, l’Etablissement s’ingénie désormais à marier tradition et modernité, savoir-faire et créativité. Ce mélange de passé et de présent se décline dans chaque atelier (sculpture, gravure, peinture, dessin et tressage), où cohabitent, voire se mêlent, techniques ancestrales et nouvelles, matériaux anciens et modernes. « Notre credo, affirme le Directeur, est de permettre aux élèves à travers le langage des arts plastiques de proposer des projets polynésiens aux préoccupations actuelles, d’offrir un vrai regard artistique sur la société contemporaine. C’est dans cette optique que nous avons récemment ouvert le nouvel atelier ‘Infographie & 3D’. Il s’agit d’élargir l’univers des élèves, de les ouvrir à un monde virtuel les amenant à conceptualiser leurs idées. Ils pourront ainsi traiter du patrimoine d’une autre manière, proposer des sculptures virtuelles, animées… Car il y a des choses que l’on ne peut pas montrer avec la sculpture, aussi, on a recours à l’animation virtuelle. C’est l’art de demain et c’est le rôle de notre Centre d’innover, d’apporter de nouveaux supports et moyens de projection offerts par notre temps. Nous devons leur permettre de maîtriser les outils d’expression archaïques et modernes. Ils auront ainsi le choix. »
« Notre maison est la Polynésie, notre espace de monstration*, la terre entière »
Tel est le principe de travail de cette année anniversaire, au Centre de Métiers d’Art. « J’ai choisi cette maxime car j’estime qu’il est important que les élèves puissent ‘sortir’ de la Polynésie, pas seulement physiquement, mais mentalement. Cela pour leur permettre de mieux en parler. » Absorber et intégrer les diverses formes d’art, de part et d’autre du monde, s’inspirer, rechercher pour mieux appréhender la culture polynésienne et la faire rayonner. « D’autre part, si le marché polynésien existe bel et bien, il est restreint. C’est pourquoi je motive les élèves à admettre qu’il y a d’autres espaces et d’autres rencontres possibles, que l’on peut travailler en dehors de la Polynésie avec des préoccupations d’ici, mais aussi de cette planète. Aujourd’hui, on peut être à l’autre bout de la Terre en moins de 24 heures. Cela ouvre des portes… On peut très bien travailler en Polynésie et vendre ailleurs », souligne Viri Taimana. Autonomie, créativité, implication sont donc ici recherchées avec en filigrane le souci constant de la réalité concrète et d’un haut niveau de qualité.
Le Centre du Pacifique ?
Trente ans après sa création, les projets du Centre des Métiers d’Art ne manquent pas. Comme l’idée – déjà bien amorcée – de son Directeur, de créer dans le Pacifique un réseau de déplacement et d’échanges des élèves avec les autres institutions et écoles d’art de la région : Nouvelle-Calédonie, Hawaii, Nouvelle-Zélande, Fiji, Papouasie… « On pourrait ainsi proposer des expositions itinérantes, mais aussi des résidences d’artistes, car elles permettent une confrontation permanente qui vous fait gagner des années d’expérience. Notre Etablissement se traduit en tahitien par ‘Te Pu’, ’le Centre’… Nous pourrions devenir le Centre Artistique du Pacifique ! » Ambitieux, comme projet, mais Viri estime qu’« il faut mettre la barre haute pour s’en approcher. La culture est la clé de voûte de la Polynésie. C’est elle qui permettra le développement économique et social, car c’est elle qui fait de nous des personnes identifiées au sein de l’immensité géographique. »
ENCADRE
A chaque année sa devise…
Tous les ans, Viri Taimana place les études du Centre sous le signe d’une devise, d’une maxime, d’un propos à méditer et à appliquer tout au long de son année d’apprentissage, et plus encore !
2007-2008 : « Savoir, savoir-faire, savoir-être »
2008-2009 : « Comprendre, préserver et enrichir le patrimoine polynésien»
2009-2010 : « Notre maison est la Polynésie, notre espace de monstration, la terre entière »