La proue de la pirogue de Pouvanaa ressuscitée
Saviez-vous que Pouvanaa A Oopa, dit aussi « le metua », alors cantonné sur son île natale de Huahine, avait construit une pirogue afin de pouvoir « s’échapper » à Bora Bora, dans le but de lancer un message à la France ? Voici le récit de cette histoire étonnante, dont il nous reste aujourd’hui un témoin d’une grande valeur historique : la proue de sa pirogue.
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Nous sommes à la fin de la deuxième Guerre Mondiale, en Polynésie. Pouvanaa, qui rédige et fait circuler d’interdites pétitions pour dénoncer les injustices sociales et autres profiteurs de guerre, se fait arrêter à Mahina le 12 août 1942. Il est alors assigné en résidence à Huahine. Il y demeure huit mois, vivant de l’agriculture et de la pêche, oeuvrant à la reconstruction de la maison paroissiale protestante de Haamene à Fare. Là, dans le plus grand secret, avec son ami Teata, ils taillent une pirogue dans le tronc d’un manguier… Leur objectif ? Quitter l’île. Ils entendent rejoindre la base militaire américaine de Bora Bora d’où ils pourront télégraphier leurs messages au Général de Gaulle.
Pouvanaa et Teata quittent Huahine de nuit aux alentours du 12 avril 1943. Leur pirogue est lourde, chargée de nourriture, de régimes de bananes, et de hue -calebasses – contenant de l’eau.
Leur traversée dure probablement trois jours. Ils rejoignent Bora Bora, occupée par six mille soldats américains, qui vit alors coupée du reste de la Polynésie.
Un voyage périlleux qui ne portera pas ses fruits, puisqu’à peine arrivés à Bora Bora, Pouvanaa et Teata sont aussitôt arrêtés et emprisonnés à Raiatea…
Un témoin fragile
Aujourd’hui, de cette histoire mouvementée, il nous reste toutefois un symbole, précieux et fragile : la proue de sa pirogue. Nous ne savons pas comment celle-ci est retournée à Huahine, mais elle y reposait dans le fare potee de l’association culturelle Opu Nui, prêtée gracieusement par les ayants-droits, notamment la petite fille de Pouvanaa, Lola Oopa Tetuanui.
Lorsque, lors d’un séjour à Huahine, Martine Rattinassamy, du Service de la Culture et du Patrimoine, découvre ce témoin historique unique, en proie aux dommages climatiques irréversibles, elle n’a qu’une volonté : ramener à Tahiti cette proue afin de la mettre à l’abri, pour qu’elle soit conservée dans de bonnes conditions dans les réserves du Musée de Tahiti et des Îles. Les ayants droits ont accepté de la lui confier. Aujourd’hui, la proue a été rapatriée et repose dans les bureaux du Service de la Culture, en attendant son dépôt au Musée. « Pouvanaa fait parti de l’histoire de la Polynésie, nombreux sont les Polynésiens qui cherchent à réhabiliter son nom. Cette proue est important car elle représente le symbole de sa lutte pour la vérité et la dignité. A ce titre, il est primordial d’en prendre soin ! »
Pour en savoir plus…
Pouvanaa a Oopa : père de la culture politique tahitienne
Biographie écrite par Bruno Saura ; traduite en tahitien par Valérie Gobrait. –
Editions Au Vent des îles
Construite autour d’un texte inédit – le journal de Pouvanaa pendant la seconde guerre mondiale – cette biographie bilingue français-tahitien retrace près d’un siècle d’histoire. Elle restitue les épisodes déjà célèbres de la vie politique du député et s’efforce de combler les lacunes relatives à ses origines familiales, à sa jeunesse, également à son exil en France de 1960 à 1968 et aux dernières années de sa vie.
En vente dans les librairies de la place à partir de 4 500 Fcfp.