Le film « Tabu », de Murnau
Par Marc Louvat, responsable du fonds audiovisuel de l’Institut de la Communication Audiovisuelle (ICA).
L’ICA et la Maison de la Culture ont sorti le DVD « Tabu » de Friedrich W. Murnau en 2007. Une édition qui présentait pour la première fois le film en Reo Tahiti, avec les sous-titrages en français et en anglais. Mais c’est au terme de plusieurs années de négociation que les Etablissements sont parvenus à obtenir des droits d’édition de ce film audacieux !
Murnau vs Flaherty
« Tabu » (1931) est le fruit d’une collaboration entre le documentariste Robert Flaherty et le metteur en scène Friedrich W. Murnau. Leurs conceptions étaient diamétralement opposées. Robert Flaherty avait écrit un scénario à la gloire de la vie traditionnelle, tout en dénonçant la corruption apportée par la civilisation. Murnau, lui, voulait se servir de la beauté de l’île et des indigènes comme d’un décor exotique pour raconter une histoire romanesque. Murnau, qui était aussi le producteur du film, imposa son point de vue et Flaherty refusa d’être crédité comme réalisateur. « J’avais l’intuition que les tabous de ces îles pourraient constituer le thème de mon histoire. Un tabu n’est autre que ce que le mot tabou signifie : une interdiction jetée non point par les hommes, mais par quelque pouvoir divin. Autour de cette idée nous avions tressé avec Robert J. Flaherty une intrigue aussi simple que possible. »*
[singlepic id=130 w=320 h=240 mode=web20 float=left]Trois ans de négociation
Il aura fallu à l’ICA plus de 3 ans pour obtenir les droits d’édition du film. L’aventure commence en 2003, lorsqu’Eric Bourgeois, directeur de l’ICA, achète sur Internet la version américaine du film en DVD. Mais pour acquérir les droits de ce film en Polynésie française, il faut contacter les ayant droits. Après de nombreuses péripéties, l’ICA finit par obtenir l’adresse d’Eva Diekmann et Ursula Plumpe, les nièces du réalisateur producteur, à qui il demande les droits d’exploitation DVD de l’œuvre de leur grand oncle. Pas de réponse. Quelques semaines passent et l’ICA reçoit une lettre de Eva Diekmann postée de Esslingen-Zell en Allemagne. Elle écrit d’une main tremblante de prendre contact avec son avoué, Wolfgang Moehlenbrink. Ce dernier s’occupe de la succession de Murnau.
Dès lors, l’ICA pense avoir trouvé le bon interlocuteur, mais non : tous les films de Murnau sont bloqués ! Afin de protéger ce patrimoine, les descendants du réalisateur allemand ont décidé de créer la Fondation F.W. Murnau à Munich. Celle-ci fait appel à un distributeur qui gère les droits audiovisuels des œuvres cinématographiques. Il faut encore attendre presqu’une année. Enfin, la fondation donne son accord à l’ICA et les premiers contacts sont pris avec Transit Films, qui cède à l’Etablissement pour 5 ans les droits d’édition DVD du film !
* F.W. Murnau, « L’étoile du Sud », La revue du cinéma N°23 Juin 1931.
Le film : une histoire d’amour
L’île de Bora-Bora, aux Iles Sous-le-Vent, est un peu le paradis sur terre. La nature y est généreuse et ses habitants y vivent heureux et insouciants. Reri et Matahi s’aiment. Un jour, le vieux Hitu apporte un message : Reri a été choisie par le chef de Fanuma pour devenir la nouvelle vierge sacrée. Dès lors, Reri est tabu. « Aucune loi des dieux n’est plus sacrée que celle qui protège l’élue. Aucun homme ne peut la toucher ou la désirer du regard pour son honneur et celui de son peuple ». Alors que le village se réjouit de cet honneur, les amants sont désespérés. Matahi et Reri décident alors de s’enfuir…