Comme un juste retour des choses
10 questions à jean-luc Depierre
Comme un juste retour des choses, il transmet l’héritage qu’il a reçu des anciens
La diffusion des savoir-faire ancestraux constitue une part importante de la sauvegarde culturelle du pays. C’est dans cet esprit que Viri Taimana, Directeur du Centre des Métiers d’Art, a mis en place un nouveau module : un cours de fabrication de pahu à la méthode traditionnelle. Cet atelier, dirigé par Jean-Luc Depierre, permet aux jeunes artisans de l’établissement d’apprendre les techniques de confection d’antan.
[singlepic id=50 w=160 h=120 mode=web20 float=left]D’où vous vient cet amour du bois ?
J’ai découvert le bois en Polynésie il y a 35 ans. Nous étions quelques amis qui nous y intéressions pour la construction de nos maisons. Plus tard, c’est grâce à la rencontre avec Papa Tuarae, un grand musicien, illustre joueur de pahu, que je me suis intéressé plus particulièrement à la fabrication des pahu.
Pourquoi cet intérêt pour les pahu ?
Vers la fin des années 70, le pahu avait presque disparu des orchestres qui accompagnaient les danseurs. Avec des amis, au sein du groupe pupu arioi, nous avons souhaité le faire sonner à nouveau. Symboliquement, le pahu, dans de nombreuses cultures du monde, est associé aux battements du cœur, qui est le premier son qui rythme la vie du bébé dans le ventre de sa maman. C’est le tempo de la vie. Ce qui est intéressant dans la conception d’un pahu, c’est que c’est tout à la fois un instrument de musique, une sculpture, et une seconde vie pour un tronc d’arbre.
Qu’est-ce qu’évoque le bois pour vous ?
C’est un cadeau, un matériau merveilleux, facile à travailler car l’on peut pratiquement tout faire avec. C’est un compagnon fantastique pour l’Homme. Il permet de construire sa maison, cuire sa nourriture, apporter ombrage et fraîcheur, confectionner ses meubles. Le bois est également un matériau renouvelable. Il est regrettable que les gens aient détourné leur regard de cette matière aussi noble et généreuse.
[singlepic id=52 w=160 h=120 mode=web20 float=left]Existe-t-il beaucoup d’essence locale à travailler en Polynésie ?
Tous les bois ont une utilité, c’est sûr ! Il faut prendre le temps de les regarder et de les essayer. Le tulipier du Gabon, qui est classé « peste végétale » donne de très bons pahu. Bon nombre d’amoureux du bois l’emploient par ailleurs en lambris. Il n’y pas de mauvais bois. Le bois est là et nous attend.
Couper du bois pour le travail n’est-il pas incompatible avec le respect de l’environnement ?
Non, pas forcément. Très souvent, les bois qui sont utilisés sont des arbres tombés ou en fin de vie : c’est le bois mort qui intéresse l’artisan. Il y a assez de bois pour tous les artisans de Polynésie française ; ce qui ne doit pas pour autant empêcher le reboisement en essences de qualité.
Quelles sont les qualités requises pour travailler le bois ?
D’abord, il faut l’aimer ! Ensuite, il faut avoir des dispositions pour dessiner, imaginer, concevoir : c’est ce qui aboutit à développer l’intelligence manuelle, qui s’appuie sur la dextérité et le coup d’œil. Tous les jeunes hommes de ce pays la possèdent en eux, comme leurs aînés qui ont inventé, entre autres, la pirogue double, qui est encore aujourd’hui un des bateaux à voile les plus rapides de la planète.
Que vous inspirent les objets du patrimoine polynésien ?
La première fois que j’ai vu des objets du patrimoine polynésien c’était dans les catalogues des musés. C’était fantastique ! Ces objets sont très esthétiques avec des formes fluides et efficaces.
Aimez-vous partager votre savoir ?
Il est impératif de transmettre la connaissance que l’on nous a transmise, ainsi que l’expérience que l’on a acquise. C’est comme cela que l’on peut vraiment « élever » les jeunes, nos enfants. Je souhaite transmettre l’enseignement que j’ai reçu, particulièrement en matière de construction en bois. L’échange avec l’autre nous ouvre au partage et à la réception des connaissances.
Une phrase vous a-t-elle marqué dans votre vie ?
Voici ce que disait la grand-mère de ma femme, Mama Purau :
«_ ‘Aiu, ‘aita e pe’ape’a, tama’a maita’i, ta’oto maita’i ! » (« Mon enfant, ne te tracasse pas, mange bien et dort bien »). C’est tout un programme ! Dans ce merveilleux pays où l‘on ne peut pas mourir de faim, de soif, de froid ou de chaud, ne nous laissons pas entraîner dans des angoisses étrangères, mais travaillons pour assurer ce vaste projet.
Aujourd’hui, y a-t-il une maxime que vous aimez particulièrement ?
« Earth is the best address in the solar system », ce qui signifie « La Terre est la meilleure adresse du système solaire ».
Infos pratiques
Pour plus de renseignements sur les ateliers du Centre des Métiers d’Art, vous pouvez contacter l’établissement au 43 70 51, par fax au 43 03 06, ou par mail à l’adresse [email protected].
L’accueil est ouvert du lundi au vendredi de 08h à 16h.