Sauvons la cathédrale de Rikitea !
Rencontre avec Joany Hapaitahaa, historienne au service de la culture et du patrimoine Pierre-antoine Gatier, inspecteur général et architecte en chef des monuments historiques auprès du ministère de la culture et de la communication, en métropole.
La cathédrale Saint-Michel de Rikitea, localisée sur l’île de Mangareva dans l’archipel des Gambier, a été classée monument historique et culturel de la Polynésie Française le 30 juillet 2002. Depuis la première rénovation de sa toiture au début des années 1970, la cathédrale a subi de nombreux dommages. Il y a bientôt 4 ans, elle a été fermée au public pour travaux. Depuis, beaucoup d’encre a coulé. Rénover ? Comment ? À quel prix ? Par qui ? Autant de questions qui restaient jusqu’alors sans réponse.
Fin octobre 2008, Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques a été mandaté par l’Etat français pour venir évaluer l’importance des rénovations nécessaires à la survie de la cathédrale mangarévienne. Aujourd’hui, le cahier des charges est à peu près défini et l’échéancier établi. Le chantier devrait durer deux ans et débuterait au cours du premier semestre 2009. L’architecte n’a pas manqué de saluer, lors d’une conférence de presse à ce sujet le 30 octobre dernier, « la valeur exceptionnelle de l’édifice ». « Ce qui justifie encore plus ces travaux de restauration et nous impose l’esprit d’un projet très respectueux des structures d’origine, dans une démarche très archéologique pour restaurer, sauvegarder cette cathédrale, son architecture, et ses détails de mise en œuvre ».
Identifier la mémoire pour transmettre les savoirs
Précieux témoignage d’une période intense de construction et d’effervescence religieuse aux Gambier, la cathédrale de Rikitea est une synthèse très rare entre des mises en œuvre telles que l’on peut les trouver en métropole et des savoir-faire qui n’existent qu’ici. « Sa structure présente des qualités de stabilité absolument remarquables, poursuit Pierre-Antoine Gatier. Il nous apparaît que ce chantier doit être l’occasion de développer une politique de transmission de ces savoirs. Tous ces gestes techniques que recèle cette cathédrale doivent être revivifiés, réappris, transmis lorsqu’ils sont encore parfaitement sus. L’idée est qu’autour du chantier, il y ait un travail de formation d’artisans et de jeunes ». Le projet du Ministère de la Culture est d’identifier les personnes qui ont la mémoire de ces pratiques. La charpente en arbre à pain (maiore) démontre un travail très sophistiqué. Les enduits à la chaux corallienne et les voûtes en structure de roseaux sont des vestiges rares ; l’exigence est de les restaurer au plus proche de leur état d’origine et de faire revivre les savoir-faire nécessaires à leurs réalisations. Pour chacun des corps de métier sollicité, les équipes seront constituées de quatre à dix personnes, l’idée étant de pouvoir faire profiter des connaissances de chacun des ouvriers à un maximum de personnes.
Un projet nourri de solidarité et d’engagement populaire
« La chance du redémarrage du projet, explique Pierre-Antoine Gatier, est que cela nous oblige à nous poser les grandes questions de choix des matériaux. Il faut privilégier ceux qui assureront la durabilité de la restauration ». L’enveloppe envisagée pour les travaux est de l’ordre de 600 millions de Fcfp, selon le ministère de l’Equipement. Compte tenu de la dimension de l’édifice et de la sophistication de sa structure, il faut imaginer un chantier d’environ 2 ans. « Ce qui est tout à fait enthousiasmant dans ce montage, révèle Pierre-Antoine Gatier, c’est que le financement se partagera entre les mécènes, les institutions publiques et des particuliers » – au travers, notamment, de l’association « Sauvons la cathédrale de Rikitea ». Le Ministre de la Culture, Joseph Kaiha, a souligné que le gouvernement s’engageait à soutenir ce projet appartenant à notre patrimoine religieux et culturel « et dont la population attend la restauration avec beaucoup d’impatience ». Cette entreprise montre aujourd’hui un Pays et un Etat partenaires, soucieux de l’intérêt et de l’avenir de la population des Gambier. Une population empressée de retourner dans ce lieu de culte, depuis trop longtemps fermé, pouvant d’accueillir plus d’un millier de fidèles.
Des travaux…
De quel genre ?
- démonter les couvertures pour rétablir la toiture d’origine (en pandanus ou en tuiles mécaniques de Marseille)
- refaire la charpente en arbre à pain, attaquée par les termites*
- restaurer la voûte en roseaux et les façades (reprise des enduits à la chaux corallienne)
- consolider les maçonneries de moellons en pierre de corail
Combien ? à quel prix ?
- budget : 600 millions de Fcfp
- durée des travaux : 2 ans
- une équipe de plus de 30 personnes mobilisées pendant la durée du chantier
Une œuvre unique de 169 ans
Lorsqu’en 1834, les Frères des Sacrés Cœurs de Picpus arrivent à Mangareva, la première mission catholique de Polynésie voit le jour. Honoré Laval, le supérieur de la mission, multiplie la construction d’édifices religieux dans l’archipel des Gambier entre 1836 et 1871. Le plus grand et le plus ancien monument de la Polynésie, l’imposante cathédrale Saint-Michel de Rikitea, est édifié à partir de 1839 sur un ancien marae, en plein cœur du village. Longue de 48 mètres, large de 18, elle présente comme particularité de posséder deux clochers, qui avoisinent les 21 mètres de hauteur. Si elle a su conserver une authenticité exceptionnelle grâce à l’entretien quotidien dont elle a bénéficié pendant toutes ces années, il n’en reste pas moins vrai que des travaux de restauration sont aujourd’hui nécessaires pour que survive cet héritage unique.
* Les ministères de l’Equipement et de la Culture ont d’ailleurs décidé d’engager à très court terme un traitement anti-termites de cette charpente.